De Mme Thénardier à Gwynplaine, 5 nuances de portraits hugoliens

Il peut être physique, biographique, psychologique, moral, sociologique ou en mouvement ; il peut être mélioratif ou péjoratif, être explicite ou tout en suggestions. Il peut être satirique, flirter avec l’éloge funèbre, donner la clé du titre d’un roman. Il favorise l’identification au personnage, l’attachement du lecteur, et, tel l’incipit, s’inscrit dans nos mémoires et nous donne envie de lire la suite. Je parle bien sûr du portrait littéraire. Il apparaît d’abord chez Tite-Live et Tacite, et son histoire est indissociable de l’histoire de l’art.

Parce que Victor Hugo sait, comme aucun autre auteur, jouer avec les codes du portrait, nous vous proposons une analyse de différents portraits littéraires, tous tirés de romans de Victor Hugo.

Le portrait d’une ogresse : Mme Thénardier dans Les Misérables, 1862

Ce n’est pas une femme, c’est un monstre ! Alors que Thénardier, est « petit, maigre, blême, anguleux, chétif », « filousophe » (sic) et madré, Mme Thénardier n’est qu’un corps. Un corps massif, énorme, une montagne qui ne sait que broyer et soumettre, une ogresse, une (fausse) louve, capable d’élever ses filles mais d’abandonner son fils Gavroche. D’une certaine façon, Thénardier est la tête, et Mme Thénardier les jambes. Ce qui frappe dans ce portrait, c’est la misère qui suinte sous la puissance, c’est l’homme dissimulé sous la femme. Il s’agit presque d’un être bicéphale, ou hermaphrodite. Mme Thénardier est une sorcière qui aurait été privée de ses pouvoirs, et qui se venge par la force et la cruauté.  Elle appartient à une faune étrange, celle des forains, belluaires et monstres qu’on exhibait dans les zoos humains à la fin du XIXème siècle. Le nombre de phrases commençant par « Elle » le suggère : au sein du couple, du moins dans son auberge, c’est elle qui a le pouvoir.

 

Helena Bonham Carter dans Les Misérables (Tom Hooper, 2012)

Les lecteurs ont peut-être, dès sa première apparition, conservé quelque souvenir de cette Thénardier grande, blonde, rouge, grasse, charnue, carrée, énorme et agile ; elle tenait, nous l’avons dit, de la race de ces sauvagesses colosses qui se cambrent dans les foires avec des pavés pendus à leur chevelure. Elle faisait tout dans le logis, les lits, les chambres, la lessive, la cuisine, la pluie, le beau temps, le diable. Elle avait pour tout domestique Cosette ; une souris au service d’un éléphant. Tout tremblait au son de sa voix, les vitres, les meubles et les gens. Son large visage, criblé de taches de rousseur, avait l’aspect d’une écumoire. Elle avait de la barbe. C’était l’idéal d’un fort de la halle habillé en fille. Elle jurait splendidement ; elle se vantait de casser une noix d’un coup de poing. Sans les romans qu’elle avait lus, et qui, par moments, faisaient bizarrement reparaître la mijaurée sous l’ogresse, jamais l’idée ne fût venue à personne de dire d’elle : c’est une femme. Cette Thénardier était comme le produit de la greffe d’une donzelle sur une poissarde. Quand on l’entendait parler, on disait : C’est un gendarme ; quand on la regardait boire, on disait : C’est un charretier ; quand on la voyait manier Cosette, on disait : C’est le bourreau. Au repos, il lui sortait de la bouche une dent.

Victor Hugo, Les Misérables, 1862

À noter qu’une Thénardier moderne existe : La Gloglue, dans Les enfants du sabbat d’Anne Hébert, en est la digne héritière…

 

Le portrait à chute : Robespierre, Danton et Marat dans Quatrevingt-treize, 1874

 

Le dernier roman de Victor Hugo, Quatrevingt-treize, dépeint les années les plus sombres de la Révolution française, celles de la Terreur. Dans la deuxième partie du roman, le romancier ouvre le chapitre « Le cabaret de la rue Paon », par le portrait de trois hommes réunis le 28 juin 1793 dans un café. Ceux-ci apparaissent de plus en plus inquiétants.

 

Danton, Marat, Robespierre, huile sur toile, anonyme, Musée Lambinet

Le premier de ces trois hommes était pâle, jeune, grave, avec les lèvres minces et le regard froid. Il avait dans la joue un tic nerveux qui devait le gêner pour sourire. Il était poudré, ganté, brossé, boutonné ; son habit bleu clair ne faisait pas un pli. Il avait une
culotte de nankin, des bas blancs, une haute cravate, un jabot plissé, des souliers à boucles d’argent. Les deux autres hommes étaient, l’un, une espèce de géant, l’autre, une espèce de nain. Le grand, débraillé dans un vaste habit de drap écarlate, le col nu dans une cravate dénouée tombant plus bas que le jabot, la veste ouverte avec des boutons arrachés, était botté de bottes à revers et avait les cheveux tout hérissés, quoiqu’on y vît un reste de coiffure et d’apprêt ; il y avait de la crinière dans sa perruque. Il avait la petite vérole sur la face, une ride de colère entre les sourcils, le pli de la bonté au coin de la bouche, les lèvres épaisses, les dents grandes, un poing de portefaix, l’œil éclatant. Le petit était un homme jaune qui, assis, semblait difforme ; il avait la tête renversée en arrière, les yeux injectés de sang, des plaques livides sur le visage, un mouchoir  noué sur ses cheveux gras et plats, pas de front, une bouche énorme et terrible. Il avait un pantalon à pied, des pantoufles, un gilet qui semblait avoir été de satin blanc, et par-dessus ce gilet une roupe dans les plis de laquelle une ligne dure et droite laissait deviner un poignard.

Le premier de ces hommes s’appelait Robespierre, le second Danton, le troisième, Marat.

Victor Hugo, Quatrevingt-treize, 1874

Qu’est-ce qui fait la force de ces trois portraits ? C’est la chute de ces trois portraits qui les rend inoubliables !  Nous pourrions découvrir le portrait de trois révolutionnaires parmi d’autres, mais le lecteur est attrapé par la surprise provoquée. Cette réunion a tout l’air d’un triumvirat ! Robespierre, Danton et Marat sont alors au faîte de leur pouvoir, après la chute des opposants girondins.

Le chapitre a pour titre « Minos, Éaque et Rhadamante ». Dans la mythologie grecque, Minos est le fils de Zeus et d’Europe, et il est roi de Crète. Rhadamante, son frère, est renommé pour sa vertu et son sens de la justice Eaque est le fils de Zeus et de la nymphe Égine. Victor Hugo préfère ici, ne pas s’épancher sur les actes commis par ces trois hommes. Il préfère grandir ces personnages et les hisser au rang de mythe.

 

Le portrait en creux, ou par la négative : Jean Valjean dans Les Misérables, 1862

Jean Valjean, le héros des Misérables est, au début du roman, un personnage sans réelle identité, sans personnalité construite, et son patronyme en témoigne : « Jean Valjean » est le « Jean qui se promène le long du val, du chemin ». Cet homme qui ne sait alors ni lire ni écrire subvient aux besoins d’une famille déjà marquée par la tragédie. Pour témoigner de la fatalité qui pèse sur ce héros, Victor Hugo a recours, dans ce premier portrait qu’il lui consacre, à des phrases négatives, à des termes neutres qui n’ancrent pas le personnage dans une singularité particulière. Comment  le lecteur parvient-il, pourtant, à s’attacher à Jean Valjean ? Chacun souhaite savoir comment il sortira de la misère, et ce portrait, sous des apparences banales, pose bien des questions et installe la psychologie d’un personnage foncièrement universel.

 

Hugh Jackman dans Les Misérables (Tom Hooper, 2012)

Jean Valjean était d’un caractère pensif sans être triste, ce qui est le propre des natures affectueuses. Somme toute, pourtant, c’était quelque chose d’assez endormi et d’assez insignifiant, en apparence du moins, que Jean Valjean. Il avait perdu en très bas âge son père et sa mère. Sa mère était morte d’une fièvre de lait mal soignée. Son père, émondeur comme lui, s’était tué en tombant d’un arbre. Il n’était resté à Jean Valjean qu’une sœur plus âgée que lui, veuve, avec sept enfants, filles et garçons. Cette sœur avait élevé Jean Valjean, et tant qu’elle eut son mari elle logea et nourrit son jeune frère. Le mari mourut. L’aîné des sept enfants avait huit ans, le dernier un an. Jean Valjean venait d’atteindre, lui, sa vingt-cinquième année. Il remplaça le père, et soutint à son tour sa sœur qui l’avait élevé. Cela se fit simplement, comme un devoir, même avec quelque chose de bourru de la part de Jean Valjean. Sa jeunesse se dépensait ainsi dans un travail rude et mal payé. On ne lui avait jamais connu de «bonne amie» dans le pays. Il n’avait pas eu le temps d’être amoureux.

Victor Hugo, Les Misérables, 1862

 

Le portrait qui justifie le prénom du personnage : Quasimodo dans Notre-Dame de Paris, 1831

Savez-vous pourquoi le bossu de Notre-Dame s’appelle Quasimodo ? C’est Claude Frollo, le prêtre de la cathédrale qui a recueilli l’enfant, qui lui donne le nom de Quasimodo, pour une raison évoquée dans cet extrait. Comme dans le portrait de Robespierre, Danton et Marat, Victor Hugo a recours à la chute. Il ménage le suspense, crée la surprise à travers une révélation inattendue, et pousse, ainsi, à la relecture.

 

Laughton et Maureen O’Hara dans Quasimodo (William Dieterle, 1939)

Quand il tira cet enfant du sac, il le trouva bien difforme en effet. Le pauvre petit diable avait une verrue sur l’œil gauche, la tête dans les épaules, la colonne vertébrale arquée, le sternum proéminent, les jambes torses ; mais il paraissait vivace ; et quoiqu’il fût impossible de savoir quelle langue il bégayait, son cri annonçait quelque force et quelque santé. La compassion de Claude s’accrut de cette laideur ; et il fit vœu dans son cœur d’élever cet enfant pour l’amour de son frère, afin que, quelles que fussent dans l’avenir les fautes du petit Jehan, il eût par devers lui cette charité, faite à son intention. […..]

Il baptisa son enfant adoptif, et le nomma Quasimodo, soit qu’il voulût marquer par là le jour où il l’avait trouvé, soit qu’il voulût caractériser par ce nom à quel point la pauvre petite créature était incomplète et à peine ébauchée. En effet, Quasimodo, borgne, bossu, cagneux, n’était guère qu’un à peu près.

Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, 1831

 

Le portrait d’un mutilé : Gwynplaine dans L’homme qui rit, 1869

Gwynplaine est un peu le Joker de la littérature française ! Roman dont l’action se déroule dans l’Angleterre de la fin du XVIIème siècle  L’homme qui rit narre le parcours de  Gwynplaine, un enfant abandonné que des « comprachicos », ou acheteurs d’enfants, ont mutilé en lui fendant la bouche afin d’en faire une attraction de foire. Modèle de courage et de probité, Gwynplaine apprend dès son plus jeune âge à vivre avec  le rictus éternel qui défigure son visage.

C’est en riant que Gwynplaine faisait rire. Et pourtant il ne riait pas. Sa face riait, sa pensée non. L’espèce de visage inouï que le hasard ou une industrie bizarrement spéciale lui avait façonné, riait tout seul. Gwynplaine ne s’en mêlait pas. Le dehors ne dépendait pas du dedans. Ce rire qu’il n’avait point mis sur son front, sur ses joues, sur ses sourcils, sur sa bouche, il ne pouvait l’en ôter. On lui avait à jamais appliqué le rire sur le visage. C’était un rire automatique, et d’autant plus irrésistible qu’il était pétrifié. Personne ne se dérobait à ce rictus. Deux convulsions de la bouche sont communicatives, le rire et le bâillement. Par la vertu de la mystérieuse opération probablement subie par Gwynplaine enfant, toutes les parties de son visage contribuaient à ce rictus, toute sa physionomie y aboutissait, comme une roue se concentre sur le moyeu ; toutes ses émotions, quelles qu’elles fussent, augmentaient cette étrange figure de joie, disons mieux, l’aggravaient. Un étonnement qu’il aurait eu, une souffrance qu’il aurait ressentie, une colère qui lui serait survenue, une pitié qu’il aurait éprouvée, n’eussent fait qu’accroître cette hilarité des muscles ; s’il eût pleuré, il eût ri ; et, quoi que fît Gwynplaine, quoi qu’il voulût, quoi qu’il pensât, dès qu’il levait la tête, la foule, si la foule était là, avait devant les yeux cette apparition, l’éclat de rire foudroyant. Qu’on se figure une tête de Méduse gaie.

Victor Hugo, L’homme qui rit, 1869

Ce portrait est un peu la synthèse des portraits de Mme Thénardier et Jean Valjean. Il joue sur les thèmes du grotesque et du monstre, chers à Victor Hugo, mais ce portrait épouse la mutilation et la scission qui sont celles du visage de Gwynplaine. Le texte accumule les oppositions (« le rire et le baillement », « s’il eût pleuré, il eût ri », « irrésistible » et « pétrifié »), s’achève par une formule oxymorique (« une tête de Méduse gaie »), alterne phrases négatives et phrases affirmatives. C’est un portrait qui ne progresse pas, tout en faisant mine d’avancer, de nous en dire plus. Gwynplaine est un à peu près, un être à demi, à l’image d’un Quasimodo ou d’un Jean Valjean. La dernière phrase du portrait opère presque telle une chute. Le lecteur est lui-même pétrifié par la représentation de cette image, cette tête de Méduse qui nous sourirait presque.

 

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© Marc-André Grondin et Emmanuelle Seigner dans L’homme qui rit (Jean-Pierre Améris, 2012, photographie Gérard Simon)

© Helena Bonham Carter et Hugh Jackman dans Les Misérables (Tom Hooper, 2012, photograhie Danny Cohen)

© Charles Laughton et Maureen O’Hara dans Quasimodo (William Dieterle, 1939, photographie Joseph August)

© Danton, Marat, Robespierre, huile sur toile, anonyme, école française du XVIIIe siècle. Musée Lambinet n° Inv. 765

 

 

 

 

Du goût de lire au goût des autres : les classiques de Fati Cherkaoui

« Comme dans tous les domaines, nos goûts et notre jugement s’améliorent avec l’expérience. Plus on lit, plus on sait ce qu’on aime, et plus on devient exigeant. »

C’est parce qu’elle sait combien la recommandation d’un livre est une entreprise délicate, subjective, touchant bien souvent à l’irrationnel et à l’intime que Fati Cherkaoui a créé Déjà Lu. Ce réseau social littéraire, dont le design nous a ravis, s’appuie sur une communauté de passionnés pour offrir des recommandations de lecture précises, et une plateforme d’échanges et de partages. Souhaitant toucher une communauté de lecteurs mais également un public plus rétif à la lecture, Fati nous a raconté la genèse de son projet, tout en évoquant son parcours de lectrice.

Fati, quelle lectrice de classiques es-tu ou as-tu été ?

En toute sincérité j’ai été une très mauvaise lectrice de classiques : je les lisais par obligation dans un cadre scolaire, avec peu ou pas de plaisir. Lire était devenu pour moi une sorte de punition. Et pour tout vous dire, c’est ce qui m’a pendant longtemps éloigné de la lecture en général. Aujourd’hui, je (re)découvre les classiques en les choisissant en fonction de mon humeur et mes envies et j’y prends beaucoup de plaisir.

Quels classiques constituent tes livres de chevet ? À l’inverse, y a-t-il des classiques qui te tombent des mains ?

Je pense à l’un de mes livres préférés, Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde. Ce livre est fabuleux, il fait partie de mes livres préférés. Tous ses aspects me plaisent : le style, le contexte, les personnages, l’intrigue, les thèmes abordés, la philosophie… Une réelle délectation littéraire. Parmi mes classiques de cœur, il y a également Bel-Ami (Maupassant), L’étranger (Camus) et Madame Bovary (Flaubert). Par contre, j’ai encore beaucoup de mal avec la poésie et le théâtre. Je ne m’y suis peut-être pas encore assez intéressée.

Tu es à l’origine de Déjà lu, un réseau social littéraire qui a pour vocation d’amener à la littérature un public qui n’est pas nécessairement littéraire. Peux-tu nous présenter Déjà lu et nous raconter la genèse du projet ?

DéjàLu c’est avant tout une histoire : comme évoqué précédemment, j’avais perdu le goût de la lecture. Un jour, un proche m’a conseillé un livre que lui-même avait beaucoup apprécié. Ça a été un déclic. C’est à ce moment-là que j’ai compris ce que signifiait réellement « dévorer » un livre. Et depuis, je lis tous les jours. Avec mon entourage, nous nous échangions et recommandions des livres mais cette relation était limitée à nos lectures mutuelles. Parallèlement, sur internet la majorité des offres n’était pas adaptée aux « nouveaux lecteurs » ceux qui, comme moi à l’époque, n’ont pas forcément une grande expérience littéraire. Avec une amie, nous avons donc imaginé une solution différente, pour les personnes « qui souhaitent lire mais qui ne savent pas quoi » : un site de recommandation de livres basé sur les livres déjà lus par notre communauté. DéjàLu est né.

DéjàLu.fr est un réseau social de partage et de recommandation de livres qui a pour objectif de relancer l’amour de la lecture avec une recette simple : trouver le bon livre pour la bonne personne. On peut résumer cette idée avec une citation de JK Rowling que j’apprécie particulièrement : « Si vous n’aimez pas lire, c’est que vous n’avez pas trouvé le bon livre pour vous. »

Sur DéjàLu, nous souhaitons d’une part décomplexer le lecteur, et d’autre part démocratiser la lecture sur une plateforme jeune, épurée et ludique. Le principal pour nous c’est de lire et d’apprécier ce qu’on lit quel que soit le livre. Aujourd’hui, nous avons la chance d’évoluer au sein du prestigieux incubateur Labo de l’édition, dédié à l’innovation dans le marché du livre. Nous sommes trois associés, – Richard, Hicham et moi – la première version du site est en ligne depuis quelques mois et nous projetons de la développer plus amplement toujours dans le respect de nos valeurs : Partage, Solidarité et Innovation.

Selon toi, est-il facile – ou possible – d’attraper le virus de la lecture grâce aux classiques ?

Les personnes qui lisent peu ont souvent une image biaisée des classiques : complexes, ennuyeux, « trop » intellectuels. Alors que ce n’est pas vrai, il existe une multitude de classiques accessibles, divertissants et surtout agréables à lire. Je pourrais citer : L’écume des jours (Boris Vian), Martin Eden (Jack London) ou encore L’Attrape-cœur (Salinger).

La vraie difficulté est en réalité de se motiver. Mais le jeu en vaut clairement la chandelle ! Il faut simplement trouver des classiques susceptibles de plaire, adaptés à la personnalité, l’âge et l’expérience du lecteur.  Des classiques susceptibles d’intéresser et non de décourager en somme. On peut commencer par lire des œuvres dont on a aimé les adaptations cinématographiques : c’est amusant de découvrir les échanges épistolaires des Liaisons dangereuses (Laclos) à l’origine du film à succès Cruel Intentions, bien plus facile de se plonger dans Gatsby Le Magnifique (Francis Scott Fitzgerald) lorsque l’on a Leonardo DiCaprio en tête, ou de découvrir que Gavroche, dans Les Misérables (Victor Hugo), utilisait déjà les mots d’argots à la mode aujourd’hui ! On peut aussi se pencher sur les centres d’intérêts : n’importe quel passionné de mode se délecterait d’assister à la naissance du Bon Marché dans Au Bonheur des Dames (Émile Zola).

Penses-tu qu’il soit nécessaire, utile, de transmettre la lecture de classiques, de transmettre une certaine idée de la littérature ? Qu’apportent les classiques que n’apporteraient pas un ouvrage contemporain ?

C’est fondamental de transmettre la littérature classique. Ce n’est pas pour rien que ces ouvrages ont réussi à traverser les siècles en étant plébiscité à diverses époques par différentes générations de lecteurs. Les classiques sont les témoins de leur temps et pourtant restent intemporels. Ils nous permettent de mieux comprendre l’évolution de la société et le monde qui nous entoure. Avec certains classiques, on arrive à créer une réelle relation, on a la sensation d’aller plus loin, de s’élever, de se découvrir soi-même et c’est magique. Toutefois pour cela, il faudrait qu’ils soient lus avec plaisir, par choix personnel, et non en tant que lecture imposée. Je trouve que c’est dommage de lire un classique sans être capable de le comprendre, de l’aimer.

Personnellement j’alterne classiques et contemporains, il y a également des chefs-d’œuvre dans la littérature contemporaine. Selon moi les deux sont complémentaires, jamais je n’aurais pu apprécier les classiques comme je le fais aujourd’hui si je n’avais pas lu de livres contemporains. Ce que je veux dire c’est que « aimer lire » ça s’apprend. Comme dans tous les domaines, nos goûts et notre jugement s’améliorent avec l’expérience. Plus on lit, plus on sait ce qu’on aime, et plus on devient exigeant. Moi, je continue d’apprendre. La lecture doit avant tout être et rester un plaisir. La notion de plaisir est importante car selon moi, sans plaisir il y a peu d’intérêt. Et ça peut se résumer en un sentiment simple « je savoure ma lecture ».

Pour en savoir plus : https://www.dejalu.fr/