D’Eponine & Azelma à Scarlett & Mélanie : Autant en emportent les classiques !

« Entrer dans une librairie anglo-saxonne c’est entrer dans un magasin de jouets ! »

Ce n’est pas tous les jours que l’on découvre un blog, en français, consacré à la littérature anglo-saxonne et portant le nom d’héroïnes de Victor Hugo ! C’est parce qu’elle ne trouvait pas suffisamment de blogs ou de médias consacrés à la littérature ango-saxonne récente qu’Olivia, une journaliste et « lectrice compulsive », comme elle se définit elle-même, a créé l’épatant Eponine & Azelma. Rédigé en français, le blog se consacre à la littérature anglo-saxonne sous toutes ses formes, parutions récentes comme classiques, et constitue un guide idéal pour tous les curieux et néophytes. Il nous fallait en savoir plus sur Olivia, qui, en plus d’être adorable a le bon goût d’adorer un de mes romans préférés, Autant en emporte le vent !

Olivia, quelle lectrice de classiques es-tu ou as-tu été ?

J’ai d’abord lu beaucoup de classiques pour enfants quand j’étais petite, je dévalisais la librairie en bas de chez moi (!) : la Bibliothèque Rose/Verte, les Alfred Hitchcock, les Roald Dahl etc… Les classiques au sens où on l’entend habituellement sont venus plus tard d’abord avec les Jack London (Croc-Blanc, L’appel de la Forêt), puis les Jules Verne que j’ai adorés vers 10 ans, et les éditions abrégées bien pratiques pour découvrir des romans trop denses pour des enfants. J’ai ensuite foncé dans le tas des classiques vers 11-12 ans, grâce à Alexandre Dumas avec Les Trois Mousquetaires et Le Comte de Monte-Cristo (qui m’a accompagné de nombreuses heures chez l’orthodontiste !) Puis Balzac, Maupassant et bien sûr Hugo. Je lisais déjà beaucoup en anglais donc j’ai également découvert Jane Austen, les sœurs Brontë, Edgar Allan Poe, les Agatha Christie, les Conan Doyle à ce moment-là.

Parallèlement au collège on étudiait Molière, Stendhal, etc.,  mais je dois dire que la façon dont les classiques sont enseignés au collège et au lycée ne donnent pas toujours envie de continuer, il vaut mieux fouiller par soi-même.

Aujourd’hui je relis régulièrement des classiques, en ce moment j’aimerais me pencher sur Zola que je n’ai jamais vraiment lu, et je compte bien relire Dickens en entier aussi ! J’ai récemment acheté A l’Est d’Eden également de John Steinbeck et je compte bien m’y attaquer.

Y a-t-il des classiques qui constituent tes livres de chevet ?

Quand j’étais petite je pouvais relire et relire des livres sans me lasser. Aujourd’hui je n’ai plus le temps de le faire donc je ne sais pas si je peux parler de « livre de chevet ». Mais disons que le classique qui ne me quittera jamais c’est Les Trois Mousquetaires (j’ai toujours mon exemplaire d’ado). J’ai également sur ma table de nuit un exemplaire d’Eugène Onéguine d’Alexandre Pouchkine ; il est en russe car je l’ai acheté à St Pétersbourg pour le souvenir, mais je l’ai lu en français plusieurs fois et j’adore ce livre ! J’aime aussi énormément Tendre est la nuit de Francis Scott Fitzgerald. Et pour finir celui que j’ai le plus lu dans ma vie qui est Autant en emporte le Vent et que je considère comme un classique. Trop souvent considéré comme une histoire à l’eau de rose alors que c’est une fresque qui couvre plusieurs années de guerre, et qui met en avant une héroine féministe plutôt en avance sur son temps !

Tu es passionnée de littérature anglo-saxonne et lui consacres d’ailleurs un blog. Tout d’abord, pourquoi avoir consacré un blog à la littérature ango-saxonne et choisi le nom d’Eponine & Azelma (et pas « Elizabeth & Jane » par exemple ou « Joe & Amy ») ?

En fait j’ai consacré mon blog à la littérature anglo-saxonne car je me suis rendue compte que je lisais beaucoup en anglais, et que souvent les livres que je lisais et que j’avais adorés n’étaient pas traduits ou étaient traduits des mois plus tard ! Donc je me suis dit que mon avantage de lire en anglais pouvait peut-être intéresser les fans de littérature qui ne peuvent pas lire en version originale, ou même ceux qui lisent en anglais et qui voulaient voir ces livres mis en avant.

Lorsque j’ai créé ce blog j’ai tout de suite eu envie de lui donner deux prénoms littéraires. Les jeux de mots avec « livre » ou « books » étaient déjà tous pris et je trouvais ça amusant et parlant de donner des prénoms. Tous les prénoms littéraires anglo-saxons « stars » étaient malheureusement trop « classiques » pour vraiment évoquer la littérature au premier coup d’œil. (J’ai pensé à Atticus & Cosette à un moment pour faire le lien mais Atticus (To Kill a Mockingbird ) reste dur à l’oreille et pas très parlant pour les Français qui sont en fait les lecteurs du blog.

Effectivement « Elizabeth et Jane » peuvent faire penser à Jane Austen, ou Elizabeth Bennet ou même Beth des Quatre filles du Docteur March. Mais ils sont au final très commun aujourd’hui. Je venais de relire Les Misérables en entier à ce moment-là, et j’ai réalisé que c’était sûrement le livre français le plus connu à l’étranger : les traductions, la comédie musicale, les films etc… Et que j’adorais les prénoms de tout le monde dans cette histoire ; ce sont de vieux prénoms très jolis et on ne peut plus littéraires. J’aime particulièrement Eponine et Azelma, surtout que j’aime beaucoup le personnage d’Eponine dans le livre, trop souvent oubliée. Et les deux sonnaient bien ensemble puisque qu’on parle toujours de ces personnages en duo ! Donc « Eponine & Azelma » est né comme ça !

Comment qualifierais-tu la littérature anglo-saxonne au regard de la littérature française ? Quelles sont ses singularités ?

Il y a deux différences majeures pour moi entre les deux cultures littéraires :

l’élitisme d’un côté et l’accessibilité de l’autre. Il faut dire que la littérature française est quand même un peu hautaine voire snob. En ce sens que la France est le pays des Lumières et on a un peu l’impression qu’il y a un rang à tenir de ce côté. La littérature française lève la tête bien haut mais se replie sur elle-même et ne cherche pas à être accessible. Ne vous méprenez pas, j’adore les livres français, et la rentrée littéraire me galvanise chaque année. Mais il faut admettre que les maisons d’édition, les auteurs, constituent un cercle fermé. Je pense que les auteurs français recherchent le style et la postérité, tandis que les écrivains anglo-saxons cherchent la bonne histoire et la reconnaissance du plus grand nombre. Il y a beaucoup moins de filtres et de pincettes de l’autre côté de la Manche et de l’Atlantique. Après j’aime les deux, selon les périodes ! je peux avoir envie d’un beau livre  français, écrit avec beaucoup de style, de la collection Blanche de Gallimard qui « crâne » un peu sur ma bibliothèque, comme je peux avoir envie d’une saga américaine de 1000 pages !

le rapport au livre en tant qu’objet  : les Anglo-saxons sont quand même des pros du marketing ! En France les librairies sont des écrins aux parquets bien cirés. Les romans en promotion sont bien mis en avant et on commence juste à voir des avis écrits sur des petits cartons sur les livres pour égayer tout ça. La fiction a la part belle. En Angleterre ou aux Etats-Unis, les livres sont traités comme des produits funs et attirants : les tables sont disposés par thèmes (qui changent toutes les semaines), on y vend des copies signées, les couvertures sont magnifiques, des éditions spéciales sortent pour Noël, ou autres occasions. Entrer dans une librairie anglo-saxonne c’est entrer dans un magasin de jouets ! Et puis les Anglo-saxons adorent la « non-fiction » ! Ce que les Français appelleraient « essais » ou « documents » et qui paraît très rébarbatif chez nous. Ces livres font un carton là-bas parce qu’ils sont très bien exposés, très diversifiés. L’un des best-sellers de l’année aux Etats-Unis est quand même « The Gene: An Intimate history » par Siddhartha Mukherjee, un livre sur l’histoire du gène !!), alors que chez nous ils sont confinés au fin fond des rayons avec des couvertures pas très attirantes !

Ce sont deux conceptions différentes en fait.

On imagine que la littérature anglo-saxonne est contrastée et que la littérature australienne est différente de la littérature anglaise, ou néo-zélandaise. Pourrais-tu nous en donner un rapide aperçu ?

Alors je ne suis pas une spécialiste de toutes ces formes de littérature, je ne suis qu’une lectrice « amateure ». Je dirais qu’elles sont surtout différentes de par l’histoire de leur pays d’origine et notamment l’immigration. Par exemple la littérature australienne s’est fondée sur les expériences des premiers migrants et des Aborigènes, puis a subi l’influence des Nord-américains (on peut citer Richard Flanagan dans la littérature contemporaine qui a remporté le Man Booker Prize 2014 avec Route étroite Vers le Nord Lointain). Pareil pour la littérature canadienne avec l’influence amérindienne. J’aime beaucoup la littérature irlandaise qui compte également beaucoup de poètes et de dramaturges. La littérature irlandaise aux racines celtiques, qui reflète une histoire politique et religieuse difficile, est un vivier de grands talents. Doit-on citer Joyce ? Oscar Wilde ? Edna O’Brien ? Anne Enright ? Et puis bien sûr la littérature nord-américaine qui a également explosé suite à la vague d’immigration des années 20/30. Je ne peux pas en faire une étude poussée mais je pense que les vagues d’immigration qui sont courantes et nombreuses dans les pays anglo-saxons ont vraiment façonné la littérature de chaque pays.

Quels titres conseillerais-tu à quelqu’un qui souhaiterait découvrir cette littérature ?

Vaste sujet ! C’est très difficile de ne donner que quelques titres, ça dépend du goût de chacun, mais disons qu’il y a des incontournables dans la littérature anglo-saxonne aujourd’hui: Philip Roth, Paul Auster, Colum McCann, Louise Erdrich, Ian McEwan, Toni Morrison, Anne Enright, Ali Smith… la liste ne s’arrête plus ! Le plus simple est de flâner dans les librairies à l’étranger ou dans les librairies anglaises parisiennes, de regarder les sélections des prix littéraires qui sont souvent une bonne première approche, ou de lire des blogs, ou même de regarder les BookTubers sur YouTube qui ont toujours de supers recommandations !

Pour en savoir plus : Eponine & Azelma

 

Les Jardins d’écrivains d’Anaïs Biguine

J’ai d’abord besoin d’être séduite par l’existence même de l’écrivain pour créer un parfum. Les textes de Céline sont magnifiques, mais je n’en ferais jamais un parfum !

Femme passionnée et passionnante, Anaïs Biguine est la créatrice de Jardins d’écrivains, maison française de parfums et de bougies qui puise son inspiration dans la littérature classique. A mille lieues d’une banale tentative de récupération d’un patrimoine littéraire, Jardins d’écrivains se révèle une marque profondément sincère et authentique, qui propose une expérience audacieuse et renouvelle notre approche de la littérature. Le tout à des prix doux – Anaïs y tient ! Il nous fallait donc en savoir plus sur Anaïs Biguine et la genèse d’une marque au succès commercial plus que mérité, pour lequel nous avons eu un réel coup de cœur.

Entretien tout en « parfums et sons qui se répondent », comme dirait Baudelaire puisqu’Anaïs Biguine aura eu la générosité de me faire découvrir tous les parfums de Jardins d’écrivains

Anaïs Biguine, quelle lectrice êtes-vous ?

Je lis assez peu d’œuvres contemporaines et je reste assez hermétique aux rentrées littéraires, à l’actualité éditoriale, même s’il m’arrive, bien sûr, de temps en temps, de me laisser embarquer. Je suis avant tout une lectrice de classiques, français comme étrangers, et essentiellement de classiques du XIXème siècle. Je suis viscéralement attachée à ce siècle, dans sa globalité ! Tout me fascine dans ce siècle. J’aime sa musique, j’aime sa mode, ses décors, ses découvertes, j’adore l’influence qu’a exercée l’affaire Dreyfus… J’aime tout, du début à la fin ! La littérature est alors pour moi un moyen de décrypter le quotidien, notamment chez les auteurs réalistes. J’imagine les bruits, les odeurs, les ressentis, n’importe où, le XIXème siècle et ses figures m’accompagnent. Je peux par exemple rester des heures durant à côté de George Sand, sur sa tombe. J’ai alors vraiment le sentiment non pas d’un dialogue qui appellerait des réponses – et je n’en ai pas, heureusement – mais d’une méditation, d’une rencontre qui réellement me nourrit. Ce sont des voyages intérieurs.

Comment la marque Jardins d’écrivains est-elle née ?

Jardins d’écrivains est née d’une visite de la maison de Hugo à Guernesey, Hauteville House. J’ai vécu un moment de grâce saisissant au sein de ce lieu. Je suis rentrée chez moi, dans mon manoir en Normandie, et c’est toujours pénétrée de ce moment que je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse quelque chose. J’ai alors créé une gamme de bougies qui racontait les lieux de vie des écrivains, étant très attachée aux maisons, aux demeures, aux jardins, aux atmosphères et à la façon dont elles influent sur la création. Les maisons prennent soin de nous comme nous prenons soin d’elles.

J’ai donc commencé par Hugo, et d’autres bougies ont suivi. Il faut savoir que les bougies sont liées aux pièces à vivre. On ne met pas le même parfum dans un salon, une salle à manger ou une salle de bains. Ce qui est floral ou poétique comme Nohant correspond bien à la détente d’une chambre. La bougie Tolstoï, elle, par exemple, sera idéale pour une bibliothèque, un dressing d’hommes ou un fumoir. Certaines bougies plus gourmandes comme Maupassant vont très bien dans une cuisine. Les bougies sont donc liées à l’idée d’une signature olfactive dans une maison. Quelle empreinte olfactive souhaite-t-on laisser dans quelle pièce ?

Comment êtes-vous passée des bougies aux parfums ?

Forte de cette expérience, je me suis dit que j’allais faire des parfums, pour, après avoir abordé le lieu de vie de l’écrivain, évoquer son charisme, ou alors le mécanisme intime d’un personnage de roman.

George est le premier parfum que j’ai créé car je suis extrêmement attachée à George Sand et je souhaitais traduire olfactivement l’idée de cette femme qui s’impose dans un métier d’hommes, qui est très féminine tout en s’habillant en homme, qui se débaptise… Il y avait quelque chose à faire. Il y a une vraie générosité chez elle, et tout est passionnant chez George Sand. Pour traduire tout cela, j’ai eu l’idée d’une interprétation nocturne, d’une George Sand à Nohant, en phase d’écriture. Le parfum sent le café brûlé, le tabac, l’héliotrope, il a un côté très confiné en rapport avec le secrétaire qu’elle s’est créé dans une alcôve de sa chambre. C’est un parfum très puissant, mais le personnage est lui-même très puissant. J’ai donc fait un premier parfum sans avoir d’autres idées derrière la tête, d’autant que l’interprétation d’un parfum est un exercice difficile, différent de la création d’une bougie. Ce parfum a été extrêmement bien reçu. George m’a ouvert la voie.

Et s’en sont suivies d’autres créations…

Tout à fait. Il y a eu Wilde, qui est d’ailleurs en ce moment au Petit Palais, qui est un parfum un peu savonneux, propret, qui traduit l’Angleterre victorienne de Mayfair tout en ayant une inspiration grecque. Le parfum incarne le dandy. Il y a aussi Junky, qui est une interprétation de l’écrivain William Burroughs de la Beat Generation. Junky raconte qu’on a tous un rapport de dépendance au parfum. Burroughs est un dingue complet – je ne voulais pas m’attaquer à Kerouac, trop évident – et donc le parfum comporte des notes de canabis, mais aussi de bois sec. C’est une mécanique très précise, un parfum plus urbain que Wilde ou George. Junky a eu une sortie fracassante.

Orlando est un parfum que j’ai créé après avoir découvert l’adaptation cinématographique avec Tilda Swinton. Le livre de Virginia Woolf me tombe des mains, mais je voulais avoir l’honnêteté de dire qu’on pouvait aussi rentrer dans la littérature par autre chose que par le livre, par le cinéma mais aussi par le parfum. C’est un parfum oriental, au thème ancestral d’un Galia du 18ème siècle, et c’est une vraie rencontre olfactive. Ceux qui portent Orlando le portent très longtemps.

Marlowe, lui, raconte le mouvement baroque. Il est peu connu en France, ce qui me va très bien car je refuse de rentrer dans un panthéon scolaire. Je souhaitais aller vers un talent qui ne demande qu’à être populaire. C’est un parfum de fourrure, d’hiver, avec des tubéreuses, des fleurs séchées, du musc tonkin. Ce sont différentes facettes d’un cabinet de curiosité.

Gigi est un parfum très différent, bien plus léger. Il faut savoir que Colette est extrêmement importante pour moi. Son destin de femme m’émeut. C’est une femme forte, qui n’a pas froid aux yeux, mais sait aussi, avec Gigi, écrire des choses très légères. Gigi repose sur un instantané, sur le passage de la fille à le jeune femme. J’ai travaillé autour des fleurs blanches car Colette aimait les fleurs blanches, tout en y ajoutant du cassis. C’est un parfum solaire, d’été, très pétillant, qui convient aussi bien aux très jeunes femmes qu’aux femmes matures.

Enfin, le septième parfum, La Dame aux camélias, constitue mon plus gros succès commercial et c’est ma deuxième création. Il s’agit d’une cologne de nuit, et non d’un parfum, que j’ai présentée avec un flacon et une poire, en référence à l’activité du personnage et en hommage à une gestuelle particulière. J’ai travaillé sur le thème de l’amour, et j’ai voulu un côté floral avec une touche de cardamone qui vient perturber ce côté floral. Le succès de La Dame aux Camélias est dû pas uniquement au jus mais aussi à l’œuvre, qui est universellement très forte – je travaille avec quarante pays. Les Américaines adorent ce parfum…

A ce sujet, les ventes sont-elles les mêmes selon les pays ?

Non bien sûr ! Le Moyen-Orient aime Marlowe et Orlando qui correspondent à leurs repères olfactifs. En Asie, on aime Gigi et Wilde. Mes parfums sont en tout cas assez urbains et bien vendus en Europe. C’est en tout cas une marque qui a l’originalité d’être davantage connue par ses noms de parfums que par son nom de marque !

Combien de temps vous demande l’élaboration d’un parfum ?

Certains parfums sont plus évidents que d’autres, et je travaille sur plusieurs parfums en même temps. Six mois minium, un an environ. Il faut que le parfum vive, que je m’en imprègne, que je vive avec… Tout cela prend du temps.

Dans le processus créatif, vos lectures sont-elles orientées ? Ou guidées par le hasard ?

Mes lectures sont plutôt guidées par le hasard, car il ne faut surtout pas que je guide trop mes lectures. J’ignore quel sera le prochain parfum, même si en ce moment mes antennes sont sorties…Et c’est la lecture qui m’amènera sur des pistes. Néanmoins, lorsque j’ai une piste, je me replonge dans l’œuvre, la biographie, je me nourris littéralement. J’ai d’abord besoin d’être séduite par l’existence même de l’écrivain pour créer un parfum. Les textes de Céline sont magnifiques, mais je n’en ferais jamais un parfum ! (rires)

Votre amour de la littérature est plus qu’évident lorsque l’on vous écoute, mais pourquoi avoir créé une marque, quelque chose de commercial, finalement, autour de la littérature ? N’est-ce pas paradoxal ?

La littérature constitue pour moi une source d’inspirations immenses, mais j’ai un grand respect dans la façon dont je le traite. Les adaptations olfactives sont peut-être subjectives – chacun a sa propre perception de la littérature – mais je construis mes parfums. J’ai une réelle démarche d’investigation pour comprendre le mécanisme intime d’un personnage. Cela aurait été terriblement odieux pour moi qu’on considère cette marque comme une vaste entreprise de récupération. Cela aurait été terrible, mais cela reste néanmoins un sujet sensible. Parce que la lecture est quelque chose d’universel, que c’est une des rares choses accessibles à tous, et extrêmement enrichissante.

Comment arrivez-vous à vous renouveler sans tomber dans le systématisme ?

Je refuse de rentrer dans des évidences trop scolaires. Lorsque j’ai créé Marlowe, tout le monde s’est étonné et presque inquiété autour de moi (rires), mais j’ai tenu bon. A la limite, si j’avais créé un parfum Hugo, Zola ou Gavroche, que sais-je, tout le monde aurait été très content, mais je refuse de rentrer dans ce système-là, dans quelque chose qui pourrait sembler commercial, en tout cas non sincère. Je ne sais pas à qui va plaire ou correspondre mon parfum quand je le crée, et je ne veux pas le savoir. Je veux être fidèle à  mon intuition artistique, et après qui m’aime me suive ! Je pense de toute façon que lorsqu’on est sincère, cela paie. Et c’est ce qui fait le succès de Jardins d’écrivains.

Pour en savoir plus : Jardins d’écrivains

Boutique Jardins d’écrivains : 15 rue des Tournelles, 75004 Paris