Académie française : les plus beaux discours de réception des Immortels

« L’Académie, le commun des immortels » écrivait Jules Renard, « Académie française : la dénigrer mais tâcher d’en faire partie, si l’on peut » lit-on dans le Dictionnaire des idées reçues de Gustave Flaubert. Beaucoup d’appelés mais peu d’élus, pour atteindre l’immortalité !

Créée en 1634 à l’initiative de Richelieu, l’Académie française, qu’on aime parfois appeler la vieille dame du quai Conti, est composée de quarante membres, quarante Immortels, qui se soumettent, une fois intronisés, à l’exercice  périlleux du discours de réception. Très attendu, ce discours est souvent l’occasion pour l’Immortel de revenir sur son parcours personnel et intellectuel, sur son rapport à la langue française et à cette institution qu’est l’Académie française– dont il rêvait parfois depuis longtemps. Si certains discours peuvent sembler pontifiants au possible, ou tomber dans l’écueil de la courtisanerie, d’autres laissent entrevoir de très belles personnalités et constituent un réel plaisir de lecture. Retour sur quinze extraits de discours de réception.

Élu en 1874 au fauteuil 2, Alexandre Dumas fils évoque, le 11 février 1875, son père :

« Pour arriver jusqu’à vous, Messieurs, j’ai employé des moyens magiques ; j’ai usé de sortilège. […] Je me suis mis sous le patronage d’un nom que vous auriez voulu, depuis longtemps, avoir l’occasion d’honorer et que vous ne pouviez plus honorer qu’en moi. »

 

Élue en 1980 au fauteuil 3, Marguerite Yourcenar est la première femme à rentrer à l’Académie française. Le 22 janvier 1981, elle évoque toutes celles  qui, symboliquement, l’accompagnent :

« Vous m’avez accueillie, disais-je. Ce moi incertain et flottant, cette entité dont j’ai contesté moi-même l’existence, et que je ne sens vraiment délimité que par les quelques ouvrages qu’il m’est arrivé d’écrire, le voici, tel qu’il est, entouré, accompagné d’une troupe invisible de femmes qui auraient dû, peut-être, recevoir beaucoup plus tôt cet honneur, au point que je suis tentée de m’effacer pour laisser passer leurs ombres. »

 

Élu en 1894 au fauteuil 4, José Maria de Heredia explique, le 30 mai 1895, ce que signifie pour lui de rentrer à l’Académie française, lui, dont les parents sont espagnols et qui est né à Cuba :

« En m’accueillant dans votre Compagnie, vous avez consacré mon adoption par la France. La France me fut toujours chère. Elle était la patrie de mon intelligence et de mon cœur. Je l’ai aimée dès le berceau. Sa langue est la première qui m’ait charmé par la voix maternelle. C’est à l’amour de ce noble langage, le plus beau qui, depuis Homère, soit né sur des lèvres humaines, que je dois de siéger parmi vous. Grâce à vous, Messieurs, et je ne vous en saurais trop remercier, je suis deux fois Français. »

 

Élu en 1963 au fauteuil 6, Jean Paulhan prononce, le 27 février 1964, un discours plein d’élégance dont voici le préambule :

« Messieurs,

Vous avez toute l’allure, et le mystère d’une société secrète. Lorsqu’il vous arrive de parler de votre Compagnie, l’on croirait qu’il s’agit d’un simple salon, ou d’un club. Vous ne vous piquez de rien moins que de former un corps savant, et vous nommez entre vous confrères plutôt que collègues. Voici l’un des traits, non le moins frappant, de votre mystère : c’est qu’ayant une fois pour toutes résolu de vous consacrer à l’étude du langage dans ses formes les plus complexes comme les plus simples, du vocabulaire à la rhétorique, vous avez impitoyablement rebuté depuis une centaine d’années tous les savants qui avaient fait de ce langage leur étude particulière : l’on dirait qu’il vous est une sorte de chasse gardée ou bien qu’il vous a été donné de le saisir par un biais qui n’appartînt qu’à vous. Messieurs, c’est à ce mystère que vous avez bien voulu m’inviter à prendre part. C’était me proposer une tâche difficile, mais somme toute grave et joyeuse. Puis-je ajouter sacrée ? »

Élu en 1978 au fauteuil 8, Michel Déon, le 22 février 1979, semble presque gêné, et bien sûr ému, de rejoindre le rang des Immortels :

« Messieurs,

     Il est des honneurs périlleux. J’aurais aimé affronter d’un cœur moins inquiet ceux que vous m’offrez aujourd’hui. Au pied du mur, l’écrivain mesure son insuffisance, ses mérites qui n’en sont pas puisqu’ils lui ont été donnés. Il se demande pourquoi des signes mystérieux, imprévisibles, l’ont distingué, lui, plutôt qu’un autre. Des écrivains qu’il respectait et admirait n’ont pas connu ces honneurs. Les uns les évitaient, les autres n’y étaient pas admis ou avaient été fauchés trop tôt. Mais les vivants sont là pour le rassurer : ce qui arrive est donc vrai, et l’élu doit assumer sa nouvelle condition d’immortel au moment même où il s’inquiétait de déambuler dans les allées d’un cimetière qui a déjà accueilli tant de ses amis. »

 

Élu en 1968 au fauteuil 11, Paul Morand, le 20 mars 1969, fait allusion, non sans humour, aux événements de 68 :

« Aujourd’hui, parmi les écrivains, qui accepterait de « s’assembler sous une autorité unique », comme Richelieu le demandait à Boisrobert ? À la Sorbonne, ne criait-on pas hier encore : « Richelieu, no, Guevara, si ! (L’ombre du Cardinal serait surprise d’entendre encore parler espagnol en France, plus de trois siècles après la prise de Corbie). »

 

Élu en 1973 au fauteuil 12, Jean d’Ormesson, le 6 juin 1974, s’aventure hors des sentiers battus :

« J’occupe à mon tour le fauteuil de Jules Romains. Je pourrais poursuivre longtemps cet exercice traditionnel et liminaire de la Deprecatio chère aux Anciens et de l’humilité plus ou moins feinte. Je m’en abstiendrai pour trois raisons : la première est que les traditions sont faites, à mes yeux, et d’une façon indissoluble, à la fois pour être maintenues et pour être bousculées. La deuxième est qu’il n’y a pas de honte à être inférieur à Jules Romains parce que Jules Romains était de toute évidence un de ces géants dont nous cherchons en vain, de nos jours, autour de nous, les successeurs et les jeunes émules. La troisième enfin, est que notre tâche est tellement immense que je voudrais me hâter de délaisser les politesses et les bagatelles cérémonieuses du seuil pour aborder sans retard tout ce qui fait le sel, la force, la dignité de l’aventure humaine. »

 

Élue en 2008 au fauteuil 13, Simone Veil, le 18 mars 2010, évoque son père :

« À bien y réfléchir, cependant, depuis que vous m’avez invitée à vous rejoindre, moi que ne quitte pas la pensée de ma mère, jour après jour, deux tiers de siècle après sa disparition dans l’enfer de Bergen-Belsen, quelques jours avant la libération du camp, c’est bien celle de mon père, déporté lui aussi et qui a disparu dans les pays Baltes, qui m’accompagne. L’architecte de talent qu’il fut, Grand Prix de Rome, révérait la langue française, »

Élu en 1880 au fauteuil 15, Eugène Labiche, le 25 novembre 1880, entame un discours malicieux, humble et poétique :

« Quand j’ai commencé ma carrière, alors que j’écrivais mes… comment dirai-je ? mes badinages, je l’avoue, je ne songeais guère à l’Académie. Elle m’apparaissait, de loin, comme un de ces beaux châteaux bâtis en Espagne et dans lesquels on n’entre qu’en rêve.

Qui donc m’a donné la hardiesse de venir frapper à votre porte ?

Je pourrais vous dénoncer les coupables. Ils sont ici, bien près de moi. »

 

Élu en 1962 au fauteuil 27, à la place laissée vacante par la mort du duc de La Force, Joseph Kessel, le 6 février 1964, évoque ses origines juives :

« Or, pour remplacer le compagnon dont le nom magnifique a résonné glorieusement pendant un millénaire dans les annales de la France ; dont les ancêtres, grands soldats, grands seigneurs, grands dignitaires, amis des princes et des rois, ont fait partie de son histoire d’une manière éclatante, pour le remplacer, qui avez-vous désigné ?

Un Russe de naissance, et Juif de surcroît. Un juif d’Europe Orientale. Vous savez, Messieurs, et bien qu’il ait coûté la vie à des millions de martyrs, vous savez ce que ce titre signifie encore dans certains milieux, et pour trop de gens. »

 

Élu en 1959 au fauteuil 28, Henri Troyat, le 25 février 1960, évoque ses premières années de vie en Russie et son arrivée en France :

« Quand, à l’âge de six ans, je me promenais avec ma nounou du côté du Kremlin, les coupoles que je voyais n’avaient aucun rapport avec celle sous laquelle j’ai l’insigne privilège de me trouver aujourd’hui. Le petit garçon, qui, fuyant, avec ses parents, son pays déchiré par la guerre civile, débarqua à Paris, au début de l’année 1920, se figurait qu’il ne resterait pas plus que quelques mois dans cette grande ville inconnue. Il allait au lycée, en attendant de reprendre le train pour Moscou. »

 

Élu en 1901 au fauteuil 31, Edmond Rostand, le 4 juin 1903, commence un discours où il apparaît aussi héroïque que sympathique :

« Messieurs,

Je n’ai jamais été plus tenté de ne pas parler en prose. Au moment d’entreprendre ce discours, j’aurais volontiers recouru, pour me donner de la hardiesse, à une fiction d’auteur dramatique. Il m’eût été commode d’imaginer que j’écrivais une pièce dans laquelle il arrivait à un tout indigne poète ce qui vient, paraît-il, de m’arriver ; et vous conviendrez, Messieurs, qu’une pièce où il y a de ces invraisemblances ne saurait être qu’en vers. « Supposons », me serais-je dit, « que j’en suis à la grande scène de la réception, au discours à faire ; il faut que mon personnage affronte l’illustre et terrible Compagnie… » C’était du théâtre héroïque ; j’y aurais peut-être réussi ; j’aurais eu pour mon héros de plus abondantes bravoures que pour moi-même ; et j’aurais fait mon discours en croyant faire le sien. »

Élu en 1955 au fauteuil 31, Jean Cocteau rappelle, le 20 octobre 1955, que tout Immortel qu’il est désormais, il n’a pas prévu de se prendre trop au sérieux :

« J’ai, Messieurs, grande crainte des personnes qui ne savent pas rire. J’ai toujours aimé ces fou-rires qui montrent l’âme grande ouverte. Je ferme les yeux. J’entends des fou-rires. Un arbre secoué par le rire lâche ses fruits et ses oiseaux. »

 

Élu en 1946 au fauteuil 34, Maurice Genevoix, le 1er novembre 1 novembre 1947, rend hommage à « Ceux de 14 » :

« Messieurs, pour les hommes de mon âge, il est, parmi ces disparus, des ombres qui ont gardé et qui garderont à jamais le visage de la jeunesse. De ces jeunes morts de la guerre, notre jeunesse à nous, et notre âge mûr, ont été douloureusement privés. »

 

Élu en 1671 au fauteuil 37, Bossuet dissimule son émotion derrière une déférence et une humilité de bon aloi : 

« Messieurs,

Je sens plus que jamais la difficulté de parler, aujourd’hui que je dois parler devant les maîtres de l’Art du bien dire, et dans une compagnie où l’on voit paroître avec un égal avantage l’érudition et la politesse. »

 

Vous souhaitez relire des textes de Dumas fils, Edmond Rostand, Bossuet, Flaubert ou Jules Renard ? Téléchargez notre appli Un texte Un jour !

Tous les discours de réception à l’Académie française sont à retrouver, dans leur intégralité, sur le site de l’Académie française.

© Académie française Wikimedia Commons

 

Le français vu du ciel : et si la pratique linguistique était la dernière terre à conquérir ?

« Je souhaite vivement que Le français vu du ciel ouvre la voie à une nouvelle manière d’aborder l’enseignement et l’apprentissage du français (et des langues en général) »

« Les espaces se sont multipliés, morcelés et diversifiés. Il y en a aujourd’hui de toutes tailles et de toutes sortes, pour tous les usages et pour toutes les fonctions. Vivre, c’est passer d’un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner. » C’est dans son livre Espèces d’espaces que Georges Pérec, dont on connaît le goût pour la nomenclature et la classification, racontait comment l’histoire des sociétés était avant tout l’inscription dans un espace, à partir duquel et sur lequel on écrivait.

Marion Charreau, elle s’intéresse à l’histoire des langues, à leur transmission et à leur évolution et a le talent de les mettre en images. Son ouvrage Le français vu du ciel est un incroyable voyage au sein d’une contrée, la langue française, qu’elle nous présente comme des territoires à explorer. Riche et coloré, son livre permet une toute nouvelle approche du français, et séduira aussi bien spécialistes que néophytes. Nous avons souhaité en savoir plus sur la démarche de Marion, et l’intérêt pédagogique des « cartes mentales », ces cartes qui permettent de passer d’une notion linguistique à une autre sans jamais se cogner.

Marion, pourrais-tu rapidement nous présenter Le français vu du ciel, et nous raconter la genèse de ce projet ?

Le français vu du ciel propose un voyage inédit dans la langue française. Il s’agit d’un beau livre au format BD qui présente la grammaire, la conjugaison et le lexique sous forme de cartes mentales illustrées reliées entre elles par les aventures d’un personnage. L’univers du livre est poétique, visuel et ludique.

Au début du livre, un personnage observe un brouillard de mots (pronom, mode, complément, transitif, adjectif, etc). Des mots que l’on utilise pour décrire la langue mais qui ne sont pas forcément clairs pour lui (ni pour nous). Il décide donc de partir en direction du brouillard et arrive dans les territoires des mots. Là, il va rencontrer les différents types de mots, comprendre leur nature, leur fonction, et découvrir comment les utiliser pour exprimer sa pensée.

Avec Le français vu du ciel c’est un peu comme si on pouvait se déplacer dans les neurones d’une personne qui se pose des questions, comprend et apprend. En suivant le parcours et la progression du personnage, le lecteur décortique les mécanismes de la langue française, il clarifie et relie ses connaissances. Ce livre est l’aboutissement de 7 années d’enseignement du français à l’étranger à l’aide (notamment) des cartes mentales et d’une pratique de classe originale. À la demande d’enseignants souhaitant utiliser mes supports, l’idée de publier un livre a germé petit à petit.  Rencontrer un éditeur qui ose parier sur ce projet a pris du temps. Mais voilà, c’est fait, Le français vu du ciel est maintenant largement distribué.

Selon toi, à qui le livre s’adresse-t-il et quels usages peut-on faire des cartes mentales ?

Quand j’ai construit ce livre, j’ai toujours eu en tête une famille confortablement installée dans un canapé, discutant du français tout en naviguant dans les cartes. Le français vu du ciel est intergénérationnel, il s’adresse aux adolescents et aux adultes souhaitant rafraichir leurs connaissances et se sentir à l’aise avec la langue. Mais il trouve d’autres publics : les enseignants qui s’en inspirent ou l’utilisent pour aborder certains points de grammaire en classe, les personnes qui apprennent le français langue étrangère, les personnes familiarisées avec les cartes mentales et la pensée visuelle, les professionnels de la pédagogie, les amateurs de beaux livres.

On peut utiliser les cartes mentales illustrées du livre pour avoir une vision d’ensemble des mécanismes de la langue française et se faire plaisir en apprenant. On peut consulter une carte en particulier pour revoir ou mémoriser un point de grammaire. On peut présenter un aspect de la langue sous un nouveau jour, s’inspirer des cartes pour parler de la langue autrement et associer des notions complexes à l’imaginaire des personnes qui nous écoutent. Ces cartes sont à la fois une proposition de voyage dans ses propres connaissances et un outil de discussion et de partage autour de la langue française.

L’ensemble, et c’est un tour de force, est à la fois extrêmement ordonné et construit tout en donnant une impression de profusion. Pourrais-tu nous en dire plus sur ton processus créatif, sur la façon dont tu as structuré et pensé l’ensemble ?

Pour créer, on part toujours de quelque chose d’existant. Dans le cas du livre, j’avais en stock et en mémoire des dizaines de cartes mentales sur la langue française réalisées pendant des années dans le cadre de cours de français. J’ai tout de suite pensé le livre comme devant être un bel objet qui donne envie de se plonger dans les cartes. Puis j’ai dû trouver un fil conducteur (narratif et visuel) pour guider le lecteur et rendre le tout parfaitement cohérent.

Une fois les grandes lignes du livre définies, j’ai mis toutes ces informations dans une gigantesque carte mentale faite à l’aide d’un logiciel. Puis j’ai dessiné des cartes sur papier pour valider un prototype du livre auprès de l’éditeur et de l’équipe linguistique d’Orthodidacte.com qui a veillé sur ce projet. J’ai affiné le scénario, les cartes et l’univers visuel petit à petit, jusqu’à la réalisation des cartes originales. Pendant des mois, mon appartement a été envahi de cartes accrochées aux murs. J’ai littéralement vécu dans Le français vu du ciel.

tube des pronoms
tube des pronoms

Dans ton livre, les notions grammaticales ou lexicales sont associées à des images (le tube des pronoms, les totems des modes, etc.). Comment ces choix se sont-ils faits ? Comment associes-tu une notion à une image ?

Certaines images viennent d’explications spontanées pendant les cours. J’aime beaucoup procéder par analogie pour aider quelqu’un à comprendre. J‘ai aussi posé des questions du type « qu’est-ce qu’un verbe » à d’anciens élèves, des enseignants, des amis, des personnes d’âges et de nationalités différentes pour nourrir mon imaginaire et écouter ce qu’avait à dire mon futur public. Au départ j’avais des images pour quelques notions seulement et puis petit à petit, l’univers des territoires des mots s’est construit, imposant sa propre logique. C’était une sensation assez étrange, comme si ces lieux imaginaires devenaient autonomes.

Par exemple, si les noms sont des êtres sur une ile et que les verbes se construisent dans la montagne, les pronoms sont logiquement reliés aux deux espaces en question car ils remplacent le nom mais sont aussi liés au verbe… C’est donc le tube des pronoms qui fait le lien entre l’ile des noms et la montagne des verbes (par analogie avec le métro –tube) qui est un moyen de déplacement relativement rapide comme chacun le sait. Dans une phrase, le pronom permet lui aussi d’aller plus vite, c’est une sorte de raccourci.

Le style graphique du livre est-il à l’image de ton style artistique habituel ? As-tu insisté sur certains aspects, travaillé particulièrement certaines couleurs, ou souhaité avoir un rendu particulier ?

Comme je savais qu’il y aurait profusion d’informations, j’ai souhaité avoir un style graphique léger et organique pour mettre en avant les liens et donner une sensation de fluidité. Ce sont des éléments qui l’ont retrouve dans mon travail artistique mais…il n’est pas visible sur internet donc tu n’auras pas d’élément de comparaison… Je voulais aussi donner aux informations une texture, du relief. J’ai d’ailleurs observé beaucoup de lecteurs se déplacer dans le livre en caressant les pages.

encrage sans couleurs
encrage sans couleurs

Le livre est relativement exhaustif et aborde de nombreuses notions. Y-a-t-il des notions ou thématiques que tu n’as voulu aborder, ou pas réussi à mettre en images ?

C’est vrai que ce livre donne une sensation réelle d’exhausitivité. Evidemment, il ne contient pas tous les aspects de la langue française, ce ne serait ni lisible ni utile et aucun éditeur ne se risquerait à publier un livre aussi épais ! Le français vu du ciel fait la synthèse ce qui est vraiment nécessaire pour comprendre les mécanismes du français. Il contient les bases qui permettent de relier les notions essentielles aux plus complexes. Mon idée est que le lecteur puisse ensuite aller au-delà du livre avec l’assurance de l’expert et l’enthousiasme de l’explorateur. En naviguant dans les cartes et en suivant les aventures du personnage, on a l’agréable sensation que tout s’imbrique et se clarifie. On est donc prêt à poursuivre l’aventure.

Voici d’ailleurs un message pour les lecteurs: n’hésitez pas à prolonger les branches du français vu du ciel par vous-même (dans votre tête ou avec un crayon) !

 

Pourrais-tu un jour concevoir un nouveau livre fondé sur le même principe et consacré au vocabulaire ? Peux-tu nous parler d’éventuels projets à venir ?

J’ai tout une carte mentale remplie de projets à venir! Certains concernent la langue française ou d’autres langues, d’autres sont des variantes ou des compléments du livre existant. Il y a aussi des projets d’expositions, de parcours pédagogiques, des posters, des jeux éducatifs. Il y a aussi un projet très singulier concernant le vocabulaire, j’espère qu’il trouvera preneur…
Je ne sais pas si tout cela aboutira, mais je souhaite vivement que Le français vu du ciel ouvre la voie à une nouvelle manière d’aborder l’enseignement et l’apprentissage du français (et des langues en général).

Pour finir, que dirais-tu à quelqu’un qui voudrait découvrir la langue française à travers ton livre ?

Je lui dirais avant tout qu’il s’agit d’un livre pour se faire plaisir, un compagnon de voyage. Je lui poserais ensuite des questions pour comprendre d’où il/elle part: cerner ses besoins, ses connaissances préalables, ses résistances, ses objectifs et ses motivations. Avec ses réponses, je pourrais lui indiquer comment utiliser mon livre et d’autres ressources adaptées. Je lui dirais aussi qu’il y a plusieurs façons de lire et d’apprendre avec Le français vu du ciel. On peut parcourir la langue en feuilletant l’ensemble, on peut se focaliser sur l’histoire et la progression du personnage sans entrer dans le détail, on peut consulter une carte en particulier pour un besoin précis (ex: comment poser des questions).

Je l’encouragerais vivement à réaliser “son français vu du ciel” en construisant ses propres cartes dans un grand cahier blanc, sur des thèmes qui l’intéressent, qu’il doit communiquer clairement ou mémoriser pour longtemps. Et je lui confierais ceci: le livre qu’il tient entre ses mains est né parce qu’un jour, me trouvant devant des personnes voulant apprendre le français, j’ai dû faire mes propres cartes pour apprendre à l’enseigner.

Marion Charreau, Le français vu du ciel, Editions Le Robert, 96 pages, 29 euros

Images Marion