
L’écrivain au cinéma : Un homme idéal de Yann Gozlan

Je suis blogueuse et autrice indépendante depuis 4 ans. Je m’intéresse à l’édition et l’autoédition, au marketing numérique, à l’e-commerce, etc. J’ai eu l’occasion de travailler avec diverses plateformes d’autoédition, des éditrices, et j’essaie de rester informée sur l’évolution de l’industrie du livre.
J’ai un regard encore neuf et émerveillé, mais sans être naïve sur le domaine de l’édition. Je pense savoir beaucoup de choses sur les différentes façons de publier un livre, mais comme pour tout, on n’a jamais fini d’apprendre. C’est un sujet complexe qui se cache derrière de faux airs de simplicité (écrire un livre remarquable et cibler le bon marché). Je peux discuter pendant des heures et des heures sur la façon de publier un livre, et j’ai un immense plaisir à toujours mieux comprendre ce processus.
J’essaie de suivre l’évolution de l’industrie, car je pense qu’on devient amer quand on se sent victime d’un changement qu’on n’a pas réussi à anticiper. Je veux rester émerveillée et ne pas connaître cette amertume alors je fais de mon mieux pour prendre ma carrière en main, être proactive et dans une dynamique de partenariat avec ceux qui m’entourent pour ne pas tomber dans le piège de la dépendance.
Concernant le recul, c’est vrai que la distance aide. Mais je pense que mon recul vient surtout du fait que, pour l’instant, je ne cherche pas à vivre de mon écriture. Les livres et le blog me permettent avant tout de m’épanouir et de faire de belles rencontres. Pour l’instant, c’est ce qui compte le plus pour moi. Ça changera peut-être quand j’aurai plus de temps à y consacrer, quand mes enfants seront plus grands.
Oui, c’est un avis que je partage. La profession est souvent cantonnée dans de petites cases et ça s’accompagne souvent d’un dédain pour l’auteur jeunesse, l’auteur autoédité… Alors quand tu es les deux… (Rires) J’y suis forcément sensible et je n’ai pas oublié cet article d’Antoine Dole qui témoigne du mépris auquel il a fait face de la part d’éditeur, d’organisateur de salon, de professeur d’école, de journaliste, d’auteurs de « vraie » littérature…
Il y a un certain snobisme dans le milieu littéraire français. La littérature populaire y est boudée par les critiques et les prix alors qu’elle est plébiscitée par les lecteurs. Je trouve ce mépris irrespectueux à la fois pour les auteurs et pour les lecteurs. Et puis il faut faire preuve d’honnêteté : ce sont les auteurs de littérature populaire qui gardent les librairies ouvertes et les maisons d’édition vivantes, en leur permettant de prendre des risques sur d’autres auteurs avec lesquels elles vont probablement perdre de l’argent. Qu’on le veuille ou non, ce sont les locomotives de l’industrie.
Les choses bougent du côté des petites structures. Exemplaire, la maison d’édition créée récemment par l’autrice et dessinatrice Lisa Mandel, promet à ses auteurs de 20 % à 70 % des droits sur la vente de leurs livres (là où les contrats habituels leur en concèdent de 8 % à 12 %). En retour, elle invite l’auteur à s’impliquer dans certaines étapes et le remet ainsi au centre de la chaîne de production. Monstrograph, petite structure fondée par les écrivains Martin Page et Coline Pierré, et qui publie depuis 2015 des livres « bizarres », des « essais intimes et iconoclastes » engagés, est à l’origine d’un des succès de la rentrée 2020, l’essai féministe Moi les hommes, je les déteste, de Pauline Harmange. Joël Dicker a annoncé qu’il va fonder sa propre structure et à l’heure où j’écris ces lignes, Arnaud Nourry vient d’être démis de ses fonctions à la tête de Hachette Livre par Arnaud Lagardère sur fond de désaccord sur le devenir de l’entreprise convoitée depuis des mois par Vincent Bolloré. Ces deux derniers événements sont à surveiller, car ils peuvent apporter d’importants changements.
En revanche, je ne pense pas que l’hégémonie de Galligrasseuil soit menacée. Les auteurs auront toujours une bonne raison de signer avec une maison d’édition. Dans le cas de Galligrasseuil, la raison est souvent le prestige recherché, parfois la légitimité, avoir son livre dans les rayons des librairies…
Je connais mal le monde de l’édition québécois mais je pense qu’on trouve moins ici cette surproduction de livres qu’on voit en France. Quand tu entres dans une librairie au Québec, tu vois beaucoup de livres français. Ça fait longtemps que les éditeurs français, Hachette en tête, ont compris qu’il y avait un marché intéressant ici. En revanche, c’est plus difficile de trouver des livres québécois dans une librairie française. Il y a bien des romans d’ici qui arrivent parfois jusqu’en France en étant réédités par des maisons parisiennes qui en achètent les droits, mais on ne connaît pas la maison québécoise à l’origine du livre. Mais il y a quelques maisons qui depuis trois ou quatre ans ont cessé de céder les droits pour amener elles-mêmes leurs livres dans les rayons des librairies européennes francophones. Je pense aux Éditions du remue-ménage, celles du Quartanier (qui avait publié L’année la plus longue, de Daniel Grenier, qu’on a retrouvé un an plus tard chez Flammarion), Mémoire d’encrier et La Peuplade… Et elles ont fait ça au bon moment, car il y a un intérêt européen pour la littérature québécoise. Donc plutôt que d’amputer leurs catalogues de certains titres à fort potentiel de vente en vendant les droits, les maisons québécoises s’en servent pour favoriser leur implantation en Europe. Ça leur évite des inquiétudes du genre : l’éditeur français défendra-t-il bien le livre ? Acquerra-t-il le suivant du même auteur ? Ça leur évite aussi de devoir faire leur preuve aux yeux des éditeurs français qui sont déjà submergés par la production nationale.
Ça leur demande un certain investissement et une certaine prise de risques mais quand le succès est au rendez-vous, ça leur rapporte bien plus que la vente de droits.
Comme pour beaucoup d’autres auteurs, par la lecture. J’ai été fascinée très tôt par la capacité qu’a la langue de donner corps à l’imaginaire, d’ouvrir, de construire, ou de poser des mondes dans lesquels le lecteur évolue. Rien ne me semblait plus magique à dix ans, et c’est toujours le cas. À cette époque, je rêvais de devenir autrice. Ensuite, cette idée m’est sortie de la tête. J’adorais écrire, mais pas de la fiction. J’avais lu Le journal d’Anne Frank et je voulais tenir, moi aussi, un journal intime. Au collège, on m’a offert Jane Eyre. Je n’avais jamais lu de roman habité par une telle héroïne. Puis j’ai lu Une vie et Bel-Ami et le roman d’apprentissage est devenu mon genre littéraire favori. Plus jeune, j’ai fait quelques tentatives d’écriture vite abandonnées car trop ambitieuses. Et puis, en 2017, quelques mois après la naissance de ma fille, j’ai décidé de me lancer pour de bon ; j’avais peur qu’on ne voie plus qu’une mère en moi.
J’avais envie de pouvoir m’exprimer, prendre l’habitude d’une discipline d’écriture, partager mes expériences et d’avoir un lieu pour interargir sans l’immédiateté des réseaux sociaux. Qu’il y ait de la réciprocité mais que si les autres le voulaient.
J’ai plusieurs projets de roman, mais le plus avancé est un roman de science-fiction. J’écris tous les jours mais pas autant que je le voudrais car mes enfants sont encore jeunes. Passer du temps avec eux est ma priorité, j’écrirai plus, plus tard.
J’aurais vraiment aimé avoir accès à une telle application dans mon adolescence ! Je lisais beaucoup donc pas pour me donner envie de lire plus mais pour m’accompagner dans mes découvertes. J’aime la façon singulière dont Un Texte Un Jour aborde la littérature classique, en présentant des œuvres, des thématiques ou des problématiques précises. À quand une application sur la littérature japonaise classique ?
Pour en savoir plus sur Coralie, découvrez son blog, riche de ressources précieuses sur l’édition et l’auto-édition.
👉 L’histoire ? Mathieu Vasseur est un jeune écrivain qui ne parvient pas à être publié. Il mène une vie solitaire, essentiellement dédiée à l’écriture. Pour subvenir à ses besoins, il travaille en tant que déménageur. Un jour, en vidant l’appartement d’un défunt, Léon Vauban, Mathieu tombe sur ses mémoires de la guerre d’Algérie. Mathieu s’empare du texte, le recopie intégralement, et le soumet à un éditeur. L’œuvre est immédiatement publiée et rencontre un succès colossal. Trois ans plus tard, Mathieu n’a pas écrit une ligne et ses dérobades éveillent les soupçons au sein du monde de l’édition. C’est alors qu’un ami de Léon Vauban se présente à lui : il entend bien le faire chanter.
👉 Pourquoi faire découvrir ce film ?
👉 Malgré quelques incohérences, et une présentation irréaliste du métier d’universitaire / prof en faculté, il s’agit d’un divertissement efficace, au suspense rondement mené. Les acteurs (Ana Girardot, André Marcon, Marc Barbé, Thibault Vinçon) sont justes et la photographie est belle.
👉 L’écrivain en question est confronté à l’échec, agit avec duplicité, traverse des épreuves. Tout cela favorise l’identification de jeunes spectateurs.
👉 La passion de Mathieu pour la littérature est palpable et communicative. Martin Eden est son livre de chevet, Romain Gary son maître, et le minuscule studio dans lequel il habite déborde de livres.
👉 Le film montre très bien ce qu’écrire une fiction veut dire. Avant de rencontrer son futur éditeur, Mathieu se documente sur l’Algérie, et sur l’écriture : il doit convaincre, faire croire que ce manuscrit qu’il a envoyé, il l’a porté en lui des semaines, des années durant. Il doit ensuite vivre avec son secret et pleinement incarner le personnage qu’il est devenu.
👉 Sans réfléchir à la portée de son geste, Mathieu recopie intégralement le journal de Léon Vauban, alors qu’il aurait pu s’en nourrir, s’en inspirer, y puiser de quoi construire une fiction nouvelle. L’œuvre offre ainsi une très subtile réflexion sur le plagiat, et sur les qualités qui font un réel écrivain.
👉 Empêtré jusqu’au cou dans ses mensonges, harcelé par son banquier et par son éditeur, Mathieu est longtemps victime du syndrome de la page blanche. Confronté à un rival un peu trop clairvoyant et à un maître chanteur qui le pousse à commettre l’irréparable, notre héros, prêt à tout pour ne pas tomber le masque, finit par trouver en lui les ressources pour écrire un livre. En cela, Un homme idéal peut être, aussi, perçu comme un hymne au dépassement.
Photo : Pierre Niney dans Un homme idéal (Yann Gozlan, 2015)
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