Qui sont les Mathilde de la littérature classique ?

Mathilde, héroïne du Moine de Lewis

Méconnu en France, Le Moine, publié en 1796 en Angleterre connut un succès considérable,  notamment de scandale. Le roman raconte la passion funeste et coupable que conçoit Ambrosio, prieur du couvent des capucins, pour Mathilde, une sublime jeune femme.

Pour Mathilde, Ambrosio succombe à la tentation bien sûr, abjure sa foi et se voue au culte de Satan. Livre d’une passion vécue comme une malédiction, Le Moine est une œuvre inclassable, fascinant, dans lequel folie et désir sexuel se côtoient.

A l’image de Tamino qui découvre le portrait de Pamina dans La Flûte enchantée, Ambrosio découvre pour la première fois Mathilde à travers un portrait ; et son émotion est manifeste :

« Jamais il n’a existé de mortelle aussi parfaite que cette peinture ; et quand même il en existerait, l’épreuve pourrait être trop forte pour une vertu ordinaire ; mais Ambrosio est à l’abri de la tentation. »[1]

Mathilde de la Mole, héroïne du Rouge et le Noir

Mathilde de la Mole est aux antipodes de Louise de Rênal, premier et grand amour de Julien Sorel. Quand la rencontre de Julien et de Louise constitue un véritable coup de foudre, celle de Mathilde et Julien laisse présager d’une relation autrement plus compliquée.

Mathilde de la Mole est une aristocrate exigeante et gâtée par la vie, gorgée de lectures et d’idées élevées sur ce que doivent être l’amour et la séduction. Elle est de ce fait extrêmement exigeante envers Julien et ses autres prétendants, et son histoire avec Julien ne semble qu’une succession de mises à l’épreuve. Aimant plus que tout être regardée, elle n’aime rien tant que se donner en spectacle, un spectacle dont elle est bien sûr l’héroïne. La fin du roman nous offre un aspect un peu plus attachant de Mathilde : lorsqu’elle emporte la tête de Julien sur ses genoux, elle nous rappelle ses origines. Descendante de Boniface de la Mole, qui avait été décapité pour avoir été l’amant de Marguerite de Navarre, la reine Margot, Mathilde agit comme Marguerite, qui avait emporté la tête de son amant.

Mathilde Loisel, tragique héroïne de Maupassant

Mathilde est l’héroïne de La Parure, nouvelle de Maupassant dans laquelle une jeune femme égare une rivière de diamants qu’on lui a prêtée. Elle mettra des années entière avant de pouvoir la rembourser.

Mathilde Stangerson, la dame en noir

Mathilde Stangerson est la très énigmatique héroïne du diptyque que forment Le Mystère de la chambre jaune et Le Parfum de la Dame en noir, de Gaston Leroux. Derrière la figure tranquille d’une scientifique qui assiste son père dans ses travaux, Mathilde cache un passé tumultueux de grande amoureuse, et de grande voyageuse. Si son mariage avec Robert Darzac semble heureux, nous découvrirons qu’il s’agit plus ou moins, d’un mariage de raison ; d’une union en tout cas très différente de sa première grande histoire d’amour. La résolution du mystère de la chambre jaune témoigne d’un personnage prêt à dissimuler de nombreux secrets, quitte à mettre en péril sa famille et son propre équilibre. Et si Joseph Rouletabille arrivait à mettre à jour les mystères de Mathilde ?

Une héroïne inoubliable, à découvrir absolument !

Vous souhaitez relire le portrait de Mathilde dans Le Parfum de la Dame en noir, et d’autres extraits encore du Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux ? Téléchargez l’application Un texte Un jour !

 

 

[1] Matthew Lewis, Le Moine, 1796

Qui sont les François de la littérature classique ?

François le Champi

François le Champi est le héros du roman éponyme de George Sand. C’est un enfant trouvé, un « champi », c’est-à-dire un marginal qui a grandi tel un enfant sauvage, sans aucune éducation, dans la nature. On le croit voleur et fourbe, mais il se révèle, à l’image des héros de George Sand, bon et attachant. Abandonné par sa mère, il est élevé par une meunière, dont il s’éprend progressivement.

François le Champi est évoqué dans Du côté de chez Swann : c’est le livre que la mère du Narrateur lui lit avant de s’endormir.

François Lepic ou Poil de Carotte

Poil de Carotte relate les aventures d’un petit garçon, François, surnommé Poil de Carotte à cause de ses cheveux roux. Malheureux et donc cruel, le petit François se retrouve isolé entre une mère, la célèbre Mme Lepic, cruelle et indifférente, un père quasiment absent et un frère et une sœur, Ernestine et Félix, dont il n’est finalement pas très proches.

Il serait facile de victimiser Poil de Carotte, mais, et c’est tout le talent de Jules Renard et toute la complexité de l’œuvre, Poil de Carotte est un enfant sournois, assez peu attachant. Et à travers ce roman autobiographique, Jules Renard nous décrit le monde paysan.

« Poil de Carotte » est en tout cas resté une expression, peu flatteuse, pour désigner les roux.

François dans Le Diable au corps

François est le prénom attribué au héros du Diable au corps. Le roman raconte, pendant la première guerre mondiale, la liaison d’un jeune de quinze ans avec une jeune femme de dix-huit ans, alors que le mari de cette dernière a été envoyé au front. Le personnage de François y apparaît comme particulièrement complexe. Hypocrite, et calculateur, il ne ressent aucune culpabilité particulière envers la situation qui est la sienne. François prend même un plaisir certain à manipuler Marthe en l’orientant vers des choix qui ne sont pas les siens.

Malgré la fin dramatique du roman, François n’est pas particulièrement condamné par son auteur. Il reste un personnage en devenir, qui a vécu une expérience à la fois formatrice et particulière dans un contexte singulier.

François de Séryeuse dans Le Bal du comte d’Orgel

C’est également le prénom de François qui est attribué au héros du Bal du comte d’Orgel, deuxième et ultime roman de Radiguet. Publié à titre posthume, en 1924, le roman que l’on a souvent comparé à La princesse de Clèves, raconte l’étrange relation que nouent François, un très jeune homme issu de la noblesse française, avec Mahaut et Anne d’Orgel, un couple plus âgé. François et Mahaut tombent amoureux l’un de l’autre mais, cernés par leur entourage et par Anne qui feint de ne rien voir, ils ne pourront vivre leur amour.

Le roman, qui se déroule dans une atmosphère féérique au sein de laquelle les non-dits règnent en maîtres, nous présente un François délicat, fin observateur, et racé, mais également attaché à un lignage qui l’entrave dans son propre cheminement.

Illustration : Gérard Philippe et Micheline Presle dans Le Diable au corps (Claude Autant-Lara, 1947)