Les plus belles lettres d’amour de la littérature classique

Quel écrivain classique n’a pas écrit sur l’amour ? Sujet aussi inépuisable qu’incontournable, l’amour a donné lieu à des romans, poèmes, pièces ou essais (pensons à De l’amour, de Stendhal) ; mais nombreux sont ces auteurs à avoir également été amoureux et écrit à l’élu(e) de leur cœur.

Nous vous proposons des extraits des plus belles lettres d’amour de la littérature à travers une sélection subjective et nécessairement incomplète…

Lettre de Stendhal à Métilde Dembovski, Varèse, le 16 novembre 1818

«  Enfin ! J’ai besoin, j’ai soif de vous voir. Je crois que je donnerais le reste de ma vie pour vous parler un quart d’heure des choses les plus indifférentes.

Adieu, je vous quitte pour être plus avec vous, pour oser vous parler avec tout l’abandon, avec toute l’énergie de la passion qui me dévore. »

Lettre de George Sand à Alfred de Musset, 15 avril 1834

«  Mais je sais, je sens que nous nous aimerons toute la vie avec le cœur, l’intelligence, que nous tâcherons par une affection sainte de nous guérir mutuellement du mal que nous avons souffert l’un pour l’autre. Hélas non ! ce n’était pas notre faute, nous suivions notre destinée, et nos caractères plus âpres, plus violents que ceux des autres, nous empêchaient d’accepter la vie des amants ordinaires. Mais nous sommes nés pour nous connaître et nous aimer, sois-en sûr. »

Lettre du marquis de Sade à Renée-Pélagie, octobre 1781

«  Tu m’as promis de te suivre, tu me l’as promis en m’embrassant, tu me l’as juré, je te crois ; Et y eût-il mille 17,  jamais je ne me tromperai au langage de ton cœur, et c’était lui qui parlait quand tu me l’as promis.  Si tu ne me tiens pas parole, tu m’exposeras à mille extravagances en sortant, car je te proteste, sur tout ce que j’ai de plus cher au monde, que rien ne sera capable de m’arrêter, et de m’empêcher de t’aller arracher aux entrailles de la terre, dût-ce être là que l’on voulut te cacher pour te soustraire à moi. Que toutes les foudres du ciel puissent m’écraser, qu’elles engloutissent avec moi ma fortune, mes enfants, tout ce que je possède dans le monde, que je ne puisse plus faire un pas dans l’univers sans trouver des poignards ou des abîmes, si je respire huit jours hors des chaînes sans toi. »

Lettre de Louis Pergaud à sa femme Delphine, 2 février 1815

«  Tu es toute ma vie et je veux vivre pour te revoir et pour t’aimer comme tu mérites de l’être, toi, la bénie, la seule élue entre toutes les femmes. Je ne t’ai pas rendue encore assez heureuse, je ne t’ai pas conquis encore tout ce que je veux que tu aies ; tu as été la si fidèle et si chère compagne des jours mauvais, des jours de lutte, des jours de peine, qu’il faut que tu goûtes toutes les revanches et tu les auras, ma Delphine adorée. »

Lettre d’Edgar Poe à Virginia Clem, New York, le 12 juin 1846

«  Sans vous, ma chère petite femme, j’aurais perdu courage après ma dernière grande déception. Vous êtes maintenant mon unique et ma plus grande motivation pour lutter contre cette vie hostile, insatisfaisante et ingrate. Je serai avec vous demain après-midi et soyez sûre que jusques là je garderai en mon tendre souvenir vos dernières paroles et votre prière fervente ! Dormez bien et que Dieu vous accorde un été paisible. »

Lettre de Rainer Maria Rilke à Lou Andreas-Salomé, Munich, 9 juin 1897

«  Je suis riche et libre, et je revis en rêve, à plein poumons, chaque seconde de l’après-midi. Je n’ai plus aucune envie de sortir aujourd’hui. Je veux rêver de légers rêves et parer ma chambre de leur éclat comme des guirlandes, pour l’accueil. Je veux emporter dans ma nuit la bénédiction de tes mains sur mes mains et mes cheveux. Je ne veux parler à personne, pour ne pas gaspiller l’écho de tes paroles qui tremble tel un émail sur les miennes et les fait sonner plus tendres ; et, le soleil couché, je ne veux voir aucune lampe pour allumer au feu de tes yeux mille bûchers secrets… »

Lettre de Gérard de Nerval à Jenny Colon

«  Vous êtes la première femme que j’aime et je suis peut-être le premier homme qui vous aime à ce point. Si ce n’est pas là une sorte d’hymen que le ciel bénisse, le mot amour n’est qu’un vain mot ! »

Lettre de John Keats à Fanny Brawne, mercredi 13 octobre 1819

« Mon credo est l’amour et vous êtes mon seul dogme. Vous m’avez ravi à moi-même par une force à laquelle je ne résiste pas. Pourtant, avant de vous rencontrer, je savais résister. Et même après vous avoir vue, je me suis souvent efforcé de raisonner contre les raisons de mon amour. Je ne peux plus le faire. L’effort serait trop grand. Mon amour est égoïste. Je ne puis respirer sans vous.

A vous pour toujours,

John Keats »

Abélard, Histoire des malheurs d’Abélard adressée à un ami, Lettre I, 1115

« Il y avait dans la ville même de Paris une jeune fille nommée Héloïse, nièce d’un chanoine appelé Fulbert, lequel, dans sa tendresse, n’avait rien négligé pour la pousser dans l’étude de toute science des lettres. Physiquement, elle n’était pas des plus mal ; par l’étendue du savoir, elle était des plus distinguées. Plus cet avantage de l’instruction est rare chez les femmes, plus il ajoutait d’attrait à cette jeune fille : aussi était-elle déjà en grand renom dans tout le royaume. »

Lettre d’Anaïs Nin à Henry Miller, 8 septembre 1932

« Oh ! Je ne sais pas ce qui m’arrive. J’exulte. Je suis presque folle, de travailler, de t’aimer, de t’écrire, de penser à toi, d’écouter des disques, de danser dans la pièce quand mes yeux sont fatigués. Tu m’as donné de telles joies que peu m’importe ce qui peut m’arriver maintenant – je suis prête à mourir – et prête à t’aimer toute ma vie ! […] J’aimerais que tu embarques ta machine à écrire dans un taxi et que tu accoures jusqu’ici. Écris aujourd’hui à ta mère pour lui demander le jour et l’heure exacts de ta naissance. Je t’aime. »

Lettre de Guillaume Apollinaire à Lou, 28 octobre 1914

« Je pense à toi sans cesse. Rapporte aussi tes lettres à Nice que je les relise, dans les entractes que l’amour voudra bien nous laisser les plus courts possible.

Je te lèche partout, te bois, t’adore, Lou adorable, je te prends toute, comme mon bien, mon seul bien, ma seule chose précieuse, la seule chose qui vaille la peine qu’on la désire, la seule chose qui vaille la peine qu’on soit soldat pour la défendre. Tu es cela, mon Lou adoré, je t’embrasse. »

Lettre de Diderot à Sophie Volland, 10 Juillet 1759

« Adieu, ma Sophie, bonsoir ; votre cœur ne vous dit donc pas que je suis ici ? Voilà la première fois que j’écris dans les ténèbres : cette situation devrait m’inspirer des choses bien tendres. Je n’en éprouve qu’une : je ne saurais sortir d’ici. L’espoir de vous voir un moment m’y retient, et j’y continue de vous parler, sans savoir si j’y forme des caractères. Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime. »

Lettre de Victor Hugo à Juliette Drouet, automne 1835

« Je t’aime jusqu’à mourir, jusqu’à te tuer. Ne te plains pas trop de cela, va. Il n y a rien de meilleur ni de plus beau sous le soleil que d’être aimée ainsi.

Aime-moi de même, et le jour où tu prendras mon sang, je baiserai ta main qui m’aura frappé. Mais non, rien de tout cela. Nous nous aimerons. Tu seras heureuse. Moi, je relis ta lettre, je suis à tes pieds, je suis au ciel. »

Lettre d’Alfred de Musset à George Sand, 25 juillet 1833

« Mon cher George,

J’ai quelque chose de bête et de ridicule à vous dire. Je vous l’écris sottement, au lieu de vous l’avoir dit, je ne sais pourquoi, en rentrant de cette promenade. J’en serai désolé ce soir. Vous allez me rire au nez, me prendre pour un faiseur de phrases dans tous mes rapports avec vous jusqu’ici. Vous me mettrez à la porte et vous croirez que je mens. Je suis amoureux de vous, je le suis depuis le premier jour où j’ai été chez vous. »

Lettre d’Héloïse à Abélard, Lettre II, Héloïse à Abélard, 1115

« Par votre ordre, j’ai pris avec un autre habit un autre cœur, afin de vous montrer que vous étiez le maître unique de mon cœur aussi bien que de mon corps. Jamais, Dieu m’en est témoin, je n’ai cherché en vous que vous-même ; c’est vous seul, non vos biens que j’aimais. »

Honoré de Balzac, Lettres à Madame Hanska, 1899

« Je t’aime, mon ange de la terre, comme on aimait au Moyen-âge, avec la plus entière des fidélités, et mon amour sera toujours plus grand, sans tache, je suis fier de mon amour. C’est le principe d’une nouvelle vie. De là, le nouveau courage que je me sens contre mes dernières adversités. Je voudrais être plus grand, être quelque chose de glorieux pour que la couronne à poser sur ta tête fût la plus feuillue, la plus fleurie, de toutes celles qu’ont noblement gagnées les grands hommes. N’aie donc jamais ni défiance, ni crainte ; il n’y a pas d’abymes dans les cieux. Mille baisers pleins de caresses, mille caresses pleines de baisers. Mon Dieu, ne pourrais-je donc jamais te faire bien voir combien je t’aime, toi, mon Ève. »
Lettre de Sarah Bernhardt à Edmond Rostand

«  Vous savez la puissance de mon amour pour vous et si je dis le mot amour c’est qu’amitié, tendresse, dévotion ne sont pas l’expression vraie de ce que j’éprouve pour vous. Je vous aime d’un amour inconditionnel et les années qui sont derrière moi me donnent le droit de vous dire cela. »

Lettre de Napoléon Bonaparte à Joséphine de Beauharnais, Marmirolo, le 29 messidor an IV (17 juillet 1796)

« Crois bien qu’il n’est plus en mon pouvoir d’avoir une pensée qui ne soit pas à toi, et une idée qui ne te soit pas soumise.

Repose-toi bien, rétablis ta santé. Viens me rejoindre et au moins qu’avant de mourir, nous poussions dire : « Nous fûmes tant de jours heureux ! »

Millions de baisers,

Bonaparte. »

Lettre de Gustave Flaubert à Louise Colet, 22 août 1853

« Toi, je t’aime comme je n’ai jamais aimé et comme je n’aimerai pas. Tu es et resteras seule, et sans comparaison avec nulle autre. C’est quelque chose de mélangé et de profond, quelque chose qui me tient par tous les bouts, qui flatte tous mes appétits et caresse toutes mes vanités. »

 

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© Omar Sharif dans Le Docteur Jivago, David Lean, 1965 (photographie de Frederick A. Young et Nicolas Roeg)

 

 

Trois très bonnes raisons de (re)lire Octave Mirbeau

Écrivain subversif et inclassable, ami de Pissaro, de Monet et de Rodin, Octave Mirbeau, né en 1848 et mort en 1917, connut un très grand succès de son vivant. Après sa mort, son œuvre, libertaire et politiquement incorrecte, fut longtemps réduite à des succès de scandale à la dimension érotique, mais elle est pleinement redécouverte aujourd’hui. En 2015, Benoît Jacquot nous offrit une nouvelle adaptation du Journal d’une femme de chambre, avec Vincent Lindon et Léa Seydoux, 51 ans après celle de Luis Buñuel. Deux ans plus tard, en 2017, nous fêtions le centenaire de la mort d’Octave Mirbeau, ce qui donna lieu à plusieurs festivités.  Retour sur les trois plus célèbres œuvres de celui qu’Apollinaire désignait comme le « seul prophète de son temps ».

Le Jardin des Supplices, 1899

Roman inclassable, qualifié par Mirbeau lui-même de « pages de crime et de sang », Le Jardin des  Supplices raconte le voyage, teinté d’horreur et de lubricité, d’un Occidental en Orient. Guidé par une Anglaise, Clara Watson, rousse incendiaire aux « yeux verts, pailletés d’or, comme ceux des fauves », le narrateur découvre les mœurs sexuelles des Orientaux ainsi que leur conception de la torture. Tous deux visitent une maison close et assistent à une orgie, pénètrent le bagne de Canton et découvrent le somptueux jardin qui jouxte le théâtre d’indicibles actes de barbarie. C’est un voyage au bout de l’enfer que nous offre ici Mirbeau, et ce roman flatte nos plus bas instincts entre voyeurisme et sadisme. Tel Orphée, Clara est celle qui descend aux Enfers pour aller chercher un amour perdu dont elle-même semble ignorer jusqu’au nom.

Le Journal d’une femme de chambre, 1900

Roman le plus célèbre d’Octave Mirbeau, Le Journal d’une femme de chambre relate les mésaventures professionnelles d’une femme de chambre, Célestine, que l’on suit dans les différentes maisons où elle est employée. Féroce satire sociale, le roman explore à loisir les dessous de la bourgeoisie, entre grivoiserie et franche dépravation, à travers le portrait d’une héroïne revenue de tout et qui n’a pas son pareil pour débusquer la vulgarité et le clinquant derrière un vernis de respectabilité. Ainsi, Le Journal d’une femme de chambre nous offre des scènes mémorables, parfois franchement drôles, du maître de maison fétichiste qui après avoir rebaptisée Célestine Marie, lui demande de porter des bottines « très très vernies », ou de « Madame », qui cache des images pornographiques dans ses livres de messe !

Jeanne Moreau incarna une puissante Célestine dans l’adaptation que fit Luis Buñuel du roman, en 1964.

Les affaires sont les affaires, 1903

Injustement méconnue, Les affaires sont les affaires est un véritable bijou de drôlerie ! La pièce met en scène le personnage d’Isidore Lechat de Vauperdu, un homme d’affaires sans scrupules au sourire carnassier qui aime à se faire surnommer « Le Chat-Tigre ». Isidore affiche une insolente réussite, dont il aime faire profiter son fils chéri Xavier, un coureur automobile à qui il a expressément demandé de ne pas conduire trop vite. Manipulateur, enjôleur quand il le faut, Isidore est capable d’écraser sans vergogne le premier inconscient venu osant se mettre en travers de son chemin, et il sait toujours avoir une ou deux longueurs d’avance sur ses interlocuteurs en qui il ne perçoit que de futurs concurrents. Craint de ses employés, ouvertement misogyne, méprisant tout ce qui n’est pas mercantile, Isidore a pour projet de marier sa fille Germaine au marquis de Porcellet, âgé de soixante ans.

Dans son château de Vauperdu au style Louis XIV, il reçoit deux ingénieurs qui souhaitent le berner en le faisant investir dans une chute d’eau dédiée au thermalisme. Mais soutenu par un flair infaillible, Isidore déjoue les plans des deux drôles…

 

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© Léa Seydoux dans Le journal d’une femme de chambre, Benoît Jacquot, 2015 (photographie Romain Winding)