Des Fleurs du mal aux effluves de Tobacco Vanille, les classiques de Clara Muller

 

2017 sera l’année Baudelaire ou ne sera pas ! Pour célébrer les 160 ans de la parution des Fleurs du mal et les 150 ans de la disparition de leur auteur, le Musée de la Vie romantique à Paris organise, du 20 septembre 2016 au 29 janvier 2017 une exposition, « L’œil de Baudelaire ». Rencontre avec Clara Muller, stagiaire sur l’expo, collaboratrice au sein de la revue Nez, passionnée de Baudelaire, et de parfums…

 

Clara, quelle lectrice es-tu, et notamment quelle lectrice de classiques ?

J’ai su lire assez tôt, grâce à ma grand-mère qui était une grande lectrice et qui m’a appris à lire. C’est véritablement à elle que je dois mon amour des livres, et elle m’a d’ailleurs transmis beaucoup de ses ouvrages. Petite, j’ai commencé avec Le Club des Cinq. J’en lisais énormément, deux par semaine, et ma grand-mère devait toujours venir vérifier que j’avais bien éteint. Je les lisais dans les éditions de l’époque, qui sentent le vieux papier, et aujourd’hui, lorsque j’en trouve chez les bouquinistes, je les achète. J’ai ensuite lu des classiques, et si je ne me souviens pas exactement de l’âge auquel je les ai découverts, je me souviens de quelques titres qui m’ont véritablement marquée au collège. Il y a eu Pauline d’Alexandre Dumas, dont je garde un souvenir brumeux, romantique et mystérieux. C’est grâce à Pauline que je me suis passionnée pour les écrits romantiques, gothiques, les histoires de pacte avec le diable, ce genre de choses ! Il y a eu Le Portrait de Dorian Gray, que j’ai adoré, La Peau de Chagrin, et plus récemment Faust, que j’ai adoré également. Et aujourd’hui je lis des classiques dans la journée, et des livres pour enfants le soir, parce que cela m’aide à dormir !

Et quels sont tes auteurs de prédilection ?

Je lis essentiellement de la littérature du XIXème et du XXème siècle. Baudelaire est un de mes auteurs fétiches, et Les Fleurs du Mal est constamment sur ma table de nuit. C’est un livre que je ne cesse de relire, mais j’aime l’ensemble des écrits de Baudelaire. J’aime aussi particulièrement Aragon, sa poésie comme ses romans. Il a une sensibilité encore romantique qui me parle. Après, je suis attachée à des œuvres ponctuelles plus qu’à des auteurs.

Comment expliquer ton amour pour Baudelaire ?

Ce qu’il a écrit résonne en moi. Il a un jour écrit une lettre à Wagner pour lui dire combien il aimait sa musique. Lorsqu’il a compris pourquoi cette musique de Wagner le touchait autant, il a écrit : « cette musique était la mienne ». Et en fait, c’est exactement ce que je ressens pour la poésie de Baudelaire. C’est une poésie que je sens proche de moi, qui m’est intime. J’ai découvert Baudelaire adolescente, alors que j’avais parfois des accès de mélancolie – encore aujourd’hui il m’arrive de l’être. La poésie de Baudelaire a fait écho à cette tristesse. J’aimais aussi l’idée de transmuer la laideur en beauté. A ce titre, j’ai huit éditions des Fleurs du mal, dont quatre anciennes et trois illustrées !

Peux-tu nous parler de cette exposition consacrée à Baudelaire au Musée de la Vie romantique ?

Le Musée de la Vie Romantique organise donc une exposition, « L’œil de Baudelaire », du 20 septembre 2016 au 29 janvier 2017. C’est une exposition sur les critiques d’art de Baudelaire, qui met en relation les critiques et textes de Baudelaire avec les oeuvres dont il a parlé, notamment de Delacroix, d’Ingres, Daumier, Manet, Tassaert, etc. Cette exposition est en lien avec l’année 2017, qui sera l’année Baudelaire. On commémorera à la fois la parution des Fleurs du mal et la mort de Baudelaire. Pour ma part, je me suis occupé du dossier pédagogique à destination des professeurs du lycée. J’ai ainsi eu le privilège d’assister à la mise en place de l’exposition.

Tu es passionnée de parfums et tu collabores d’ailleurs à la revue Nez. N’y-a-t-il pas un parallèle entre ton amour pour Baudelaire et celui pour les parfums ?

Tout à fait, et c’est d’ailleurs un peu grâce à Baudelaire que je suis venue aux parfums… Un jour, j’ai senti par hasard Tobacco Vanille de Tom Ford. J’ai eu un espèce de choc, de synesthésie, comme si j’étais tout d’un coup projetée à l’intérieur d’un boudoir baudelairien tel que je l’imagine, avec des images orientalistes. Une sorte de syncrétisme s’est opéré et je me suis vraiment, par la suite, intéressée à la parfumerie. Tobacco Vanille n’est pas un chef-d’œuvre en terme de parfumerie, mais j’imagine la peau de Jeanne Duval qui sentirait à la fois la vanille, le chocolat et le tabac. Ce parfum de Tom Ford évoque tout cela pour moi… Si je ne devais garder qu’un seul parfum, ce serait celui-là !

Ta première collaboration avec la revue s’est concrétisée par un très bel article consacré à l’olfaction dans l’œuvre d’Aragon. Tu y parles du Monde réel et notamment d’Aurélien. Comment as-tu découvert ce roman ?

Je connaissais bien sûr Aragon, sa poésie notamment, mais je l’ai surtout découvert à la fac, avec son roman Aurélien. C’est un roman très poétique, avec de réelles envolées lyriques, des évocations d’art, de musique, de littérature, qui évoque la vie artistique des années 20. On y voit passer Picabia, Cocteau, Picasso, et c’est extrêmement intéressant. Il y a ces personnages qui se croisent sans réellement se parler, ce qui donne un aspect onirique à l’ensemble. Il y a enfin l’histoire de la noyée de la Seine, et j’ai été fascinée par cette évocation de masques, de ressemblances entre les visages… D’ailleurs, je rêve de m’acheter le masque de l’Inconnue de la Seine qui est encore fait chez un mouleur de la région parisienne !

Que penses-tu d’Aurélien et Bérénice, qui demeurent relativement insondables ?

Le personnage d’Aurélien, bien qu’agaçant, est assez fascinant dans ses errances et son absence de but. Il ne va nulle part, c’est bien là son problème, mais c’est ce qui fait son intérêt. Je suis plus mesurée concernant Bérénice, qui est, selon moi, un personnage sans trop d’aspérités. C’est une rêveuse, une provinciale qui découvre la ville.

Penses-tu continuer ta collaboration avec la revue Nez ?

Tout à fait, l’on pourra me retrouver au sommaire du second numéro (sortie le 20 octobre) mais sur un sujet tout à fait différent ! Et Baudelaire sera probablement évoqué dans le troisième numéro (avril 2017), pour célébrer encore l’anniversaire de sa mort…

Pour en savoir plus

Exposition « L’œil de Baudelaire » au Musée de la Vie romantique : http://www.vie-romantique.paris.fr/fr

Pour lire le passionnant article de Clara Muller consacré à Louis Aragon : http://www.nez-larevue.fr/

Crédit photographique : ©Sarah Bouasse

 

 

Quels sont les incipit les plus célèbres de la littérature ?

On appelle « incipit » les premières lignes d’un récit, roman ou nouvelle. Le mot vient de la formule latine « incipit liber », « ici commence le livre ». L’incipit, dont la longueur est variable (on peut parler de la première phrase d’un récit, ou alors d’un ou plusieurs paragraphes) constitue un enjeu majeur. Il doit donner envie de lire la suite, mettre mal à l’aise, dépayser, questionner, renseigner. Certains incipit sont restés particulièrement célèbres dans la littérature. Petit tour d’horizon des célèbres premières phrases de romans.

Les incipit les plus poétiques

L’incipit des beaux quartiers d’Aragon : « Dans une petite ville française, une rivière se meurt de chaud au-dessus d’un boulevard, où, vers le soir, des hommes jouent aux boules, et le cochonnet valse aux coups habiles d’un conscrit portant à sa casquette le diplôme illustré, plié en triangle, que vendaient à la porte de la mairie des forains bruns et autoritaires. »

L’incipit de Lolita de Nabokov : « Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. »

L’incipit de Salammbô de Flaubert : « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar. »

Les incipit qui instaurent une atmosphère

L’incipit de Germinal de Zola : « Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles, d’une obscurité et d’une épaisseur d’encre, un homme suivait seul la grande route de Marchiennes à Montsou dix kilomètres de pavé coupant tout droit, à travers les champs de betteraves. »

L’incipit de La Modification de Butor : « Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant. »

Les incipit qui nous plongent tout de suite dans le bain

L’incipit des Aventures de Télémaque de Fénelon : « Calypso ne pouvait se consoler du départ d’Ulysse. »

L’incipit de La Condition humaine de Malraux : « Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire ? »

L’incipit de Bel-Ami de Maupassant : « Quand la caissière lui eut rendu la monnaie de sa pièce de cent sous, Georges Duroy sortit du restaurant. »

L’incipit qui comporte une morale

L’incipit d’Anna Karénine de Tolstoï : « Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon. »

Les incipit qui déstabilisent

L’incipit de L’Etranger de Camus : « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. »

L’incipit d’Aurélien d’Aragon : « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. »

Les incipit qui informent

L’incipit du Comte de Monte-Cristo de Dumas : « Le 24 février 1815, la vigie de Notre-Dame de la Garde signala le trois-mâts le Pharaon, venant de Smyrne, Trieste et Naples ».

L’incipit des Misérables de Hugo : « En 1815, M. Charles-François-Bienvenu Myriel était évêque de Digne. C’était un vieillard d’environ soixante-quinze ans ; il occupait le siège de Digne depuis 1806. »

L’incipit délicieusement ironique

L’incipit d’Orgueil et préjugés : « C’est une vérité universellement reconnue qu’un célibataire pourvu d’ une belle fortune doit avoir envie de se marier. »

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Illustration : Keira Knightley dans Anna Karénine (Joe Wright, 2012)