Qui est l’Aurélien de la littérature classique ?

Aurélien est le héros éponyme du roman de Louis Aragon, publié en 1844.

Aurélien fait partie du cycle du Monde réel, le cycle romanesque d’Aragon qui va de 1889 (Exposition universelle à Paris) à 1940 (guerre). Aurélien est le roman d’un amour déçu ou raté, dont l’intrigue se déroule dans la haute société parisienne et qui évoque, en arrière-plan, la première guerre mondiale qui vient juste de s’achever. Si Aurélien a été mal reçu à sa sortie, il est aujourd’hui considéré comme un des plus grands romans d’amour du XXème siècle. Ce roman est resté très célèbre pour sa première phrase « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. »[1]

Que raconte Aurélien ?

Hiver 1921-1922 à Paris. Bérénice Morel, une jeune provinciale passée quelques jours à Paris chez son cousin Edmond Barbentane, rencontre Aurélien Leurtillois, un jeune homme, traumatisé par la guerre à laquelle il a participé, qui vit de ses fermages et a de nombreuses liaisons. Bien que tombés amoureux, Bérénice et Aurélien, qu’a priori tout oppose, n’arriveront jamais à vivre cet amour. Le roman dépeint un Paris fascinant, à travers l’évocation de la vie littéraire et théâtrale de ces années-là.

Qui est Aurélien ?

Aurélien est un personnage particulièrement énigmatique et insondable. C’est un anti-héros, un homme qui refuse les responsabilités, et  ce refus traduit son traumatisme de la guerre. Nous pourrions également penser que c’est un snob, un dandy cynique, mais le personnage est plus complexe. Aurélien est en tout cas un héros mais un héros velléitaire, qui laisse passer sa chance. C’est donc un personnage mystérieux et insondable, partiellement construit, qui donne son nom au roman.

Aurélien et Bérénice

Le personnage d’Aurélien est indissociable de Bérénice, des sentiments d’Aurélien pour Bérénice. Aurélien et Bérénice exercent tous deux une fascination sur les autres personnages, mais aussi sur bien des lecteurs ? Ces personnages fascinent-ils parce qu’ils sont imparfaits et complexes ? Parce qu’ils permettent au lecteur, grâce à leur incomplétude et à leur complexité, de rêver ? Enfin, Bérénice est aussi insondable qu’Aurélien. C’est un personnage à multiples facettes, une jeune femme de 22 ans qui a « le goût de l’absolu »[2] et qui navigue entre la provinciale niaise et l’amoureuse passionnée.

Pourquoi lire et relire Aurélien ?

Ce roman très poétique et inclassable n’en finit pas de fasciner et pose plusieurs questions :

comment continuer à vivre après la guerre ? Comment arriver à appréhender le réel quand on a été traumatisé ? Comment vivre et faire des choix quand on est épris d’absolu ?

Aurélien, que l’on pourrait qualifier de « bobo » de son époque, demeure quant à lui un personnage profondément moderne, et particulièrement actuel.

Vous souhaitez en savoir plus ? Découvrez l’incipit du roman !

« La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide.

Elle lui déplut, enfin. Il n’aima pas comment elle était habillée. Une étoffe qu’il n’aurait pas choisie. Il avait des idées sur les étoffes. Une étoffe qu’il avait vue sur plusieurs femmes. Cela lui fit mal augurer de celle-ci qui portait un nom de princesse d’Orient sans avoir l’air de se considérer dans l’obligation d’avoir du goût. Ses cheveux étaient ternes ce jour-là, mal tenus. Les cheveux coupés, ça demande des soins constants. Aurélien n’aurait pas pu dire si elle était blonde ou brune. Il l’avait mal regardée. Il lui en demeurait une impression vague, générale, d’ennui et d’irritation. Il se demanda même pourquoi. C’était disproportionné. Plutôt petite, pâle, je crois… Qu’elle se fût appelée Jeanne ou Marie, il n’y aurait pas repensé, après coup. Mais Bérénice. Drôle de superstition. Voilà bien ce qui l’irritait. »[3]

Vous souhaitez relire le roman d’Aragon de manière drôle et décalée ? Découvrez La première fois que Bérénice vit Aurélien, elle le trouva franchement con, de Sarah Sauquet aux éditions Eyrolles

[1] Louis Aragon, Aurélien,

[2] Louis Aragon, Aurélien, 1944

[3] Louis Aragon, Aurélien, 1944

Des Fleurs du mal aux effluves de Tobacco Vanille, les classiques de Clara Muller

 

2017 sera l’année Baudelaire ou ne sera pas ! Pour célébrer les 160 ans de la parution des Fleurs du mal et les 150 ans de la disparition de leur auteur, le Musée de la Vie romantique à Paris organise, du 20 septembre 2016 au 29 janvier 2017 une exposition, « L’œil de Baudelaire ». Rencontre avec Clara Muller, stagiaire sur l’expo, collaboratrice au sein de la revue Nez, passionnée de Baudelaire, et de parfums…

 

Clara, quelle lectrice es-tu, et notamment quelle lectrice de classiques ?

J’ai su lire assez tôt, grâce à ma grand-mère qui était une grande lectrice et qui m’a appris à lire. C’est véritablement à elle que je dois mon amour des livres, et elle m’a d’ailleurs transmis beaucoup de ses ouvrages. Petite, j’ai commencé avec Le Club des Cinq. J’en lisais énormément, deux par semaine, et ma grand-mère devait toujours venir vérifier que j’avais bien éteint. Je les lisais dans les éditions de l’époque, qui sentent le vieux papier, et aujourd’hui, lorsque j’en trouve chez les bouquinistes, je les achète. J’ai ensuite lu des classiques, et si je ne me souviens pas exactement de l’âge auquel je les ai découverts, je me souviens de quelques titres qui m’ont véritablement marquée au collège. Il y a eu Pauline d’Alexandre Dumas, dont je garde un souvenir brumeux, romantique et mystérieux. C’est grâce à Pauline que je me suis passionnée pour les écrits romantiques, gothiques, les histoires de pacte avec le diable, ce genre de choses ! Il y a eu Le Portrait de Dorian Gray, que j’ai adoré, La Peau de Chagrin, et plus récemment Faust, que j’ai adoré également. Et aujourd’hui je lis des classiques dans la journée, et des livres pour enfants le soir, parce que cela m’aide à dormir !

Et quels sont tes auteurs de prédilection ?

Je lis essentiellement de la littérature du XIXème et du XXème siècle. Baudelaire est un de mes auteurs fétiches, et Les Fleurs du Mal est constamment sur ma table de nuit. C’est un livre que je ne cesse de relire, mais j’aime l’ensemble des écrits de Baudelaire. J’aime aussi particulièrement Aragon, sa poésie comme ses romans. Il a une sensibilité encore romantique qui me parle. Après, je suis attachée à des œuvres ponctuelles plus qu’à des auteurs.

Comment expliquer ton amour pour Baudelaire ?

Ce qu’il a écrit résonne en moi. Il a un jour écrit une lettre à Wagner pour lui dire combien il aimait sa musique. Lorsqu’il a compris pourquoi cette musique de Wagner le touchait autant, il a écrit : « cette musique était la mienne ». Et en fait, c’est exactement ce que je ressens pour la poésie de Baudelaire. C’est une poésie que je sens proche de moi, qui m’est intime. J’ai découvert Baudelaire adolescente, alors que j’avais parfois des accès de mélancolie – encore aujourd’hui il m’arrive de l’être. La poésie de Baudelaire a fait écho à cette tristesse. J’aimais aussi l’idée de transmuer la laideur en beauté. A ce titre, j’ai huit éditions des Fleurs du mal, dont quatre anciennes et trois illustrées !

Peux-tu nous parler de cette exposition consacrée à Baudelaire au Musée de la Vie romantique ?

Le Musée de la Vie Romantique organise donc une exposition, « L’œil de Baudelaire », du 20 septembre 2016 au 29 janvier 2017. C’est une exposition sur les critiques d’art de Baudelaire, qui met en relation les critiques et textes de Baudelaire avec les oeuvres dont il a parlé, notamment de Delacroix, d’Ingres, Daumier, Manet, Tassaert, etc. Cette exposition est en lien avec l’année 2017, qui sera l’année Baudelaire. On commémorera à la fois la parution des Fleurs du mal et la mort de Baudelaire. Pour ma part, je me suis occupé du dossier pédagogique à destination des professeurs du lycée. J’ai ainsi eu le privilège d’assister à la mise en place de l’exposition.

Tu es passionnée de parfums et tu collabores d’ailleurs à la revue Nez. N’y-a-t-il pas un parallèle entre ton amour pour Baudelaire et celui pour les parfums ?

Tout à fait, et c’est d’ailleurs un peu grâce à Baudelaire que je suis venue aux parfums… Un jour, j’ai senti par hasard Tobacco Vanille de Tom Ford. J’ai eu un espèce de choc, de synesthésie, comme si j’étais tout d’un coup projetée à l’intérieur d’un boudoir baudelairien tel que je l’imagine, avec des images orientalistes. Une sorte de syncrétisme s’est opéré et je me suis vraiment, par la suite, intéressée à la parfumerie. Tobacco Vanille n’est pas un chef-d’œuvre en terme de parfumerie, mais j’imagine la peau de Jeanne Duval qui sentirait à la fois la vanille, le chocolat et le tabac. Ce parfum de Tom Ford évoque tout cela pour moi… Si je ne devais garder qu’un seul parfum, ce serait celui-là !

Ta première collaboration avec la revue s’est concrétisée par un très bel article consacré à l’olfaction dans l’œuvre d’Aragon. Tu y parles du Monde réel et notamment d’Aurélien. Comment as-tu découvert ce roman ?

Je connaissais bien sûr Aragon, sa poésie notamment, mais je l’ai surtout découvert à la fac, avec son roman Aurélien. C’est un roman très poétique, avec de réelles envolées lyriques, des évocations d’art, de musique, de littérature, qui évoque la vie artistique des années 20. On y voit passer Picabia, Cocteau, Picasso, et c’est extrêmement intéressant. Il y a ces personnages qui se croisent sans réellement se parler, ce qui donne un aspect onirique à l’ensemble. Il y a enfin l’histoire de la noyée de la Seine, et j’ai été fascinée par cette évocation de masques, de ressemblances entre les visages… D’ailleurs, je rêve de m’acheter le masque de l’Inconnue de la Seine qui est encore fait chez un mouleur de la région parisienne !

Que penses-tu d’Aurélien et Bérénice, qui demeurent relativement insondables ?

Le personnage d’Aurélien, bien qu’agaçant, est assez fascinant dans ses errances et son absence de but. Il ne va nulle part, c’est bien là son problème, mais c’est ce qui fait son intérêt. Je suis plus mesurée concernant Bérénice, qui est, selon moi, un personnage sans trop d’aspérités. C’est une rêveuse, une provinciale qui découvre la ville.

Penses-tu continuer ta collaboration avec la revue Nez ?

Tout à fait, l’on pourra me retrouver au sommaire du second numéro (sortie le 20 octobre) mais sur un sujet tout à fait différent ! Et Baudelaire sera probablement évoqué dans le troisième numéro (avril 2017), pour célébrer encore l’anniversaire de sa mort…

Pour en savoir plus

Exposition « L’œil de Baudelaire » au Musée de la Vie romantique : http://www.vie-romantique.paris.fr/fr

Pour lire le passionnant article de Clara Muller consacré à Louis Aragon : http://www.nez-larevue.fr/

Crédit photographique : ©Sarah Bouasse