Hermine Mauzé, classique sans être passéiste

« Quand j’étais enfant je lisais la Comtesse de Ségur et je faisais beaucoup de cauchemars en pensant à Mme Fichini…

Cela explique mes névroses sans doute ! »

 Après avoir créé La Box culturelle qui réinvente vos sorties culturelles parisiennes, Hermine Mauzé vient de se lancer dans une nouvelle aventure, celle de la création d’une émission consacrée aux startups. La journaliste, passionnée de numérique et de culture et qui ne manque pas de cordes à son arc a répondu à nos questions ! Nous l’en remercions.

 Hermine, quelle lectrice de classiques es-tu ?

Je suis une véritable amoureuse de la littérature classique parce que j’ai un véritable côté old school.  J’aime les choses un peu poussiéreuses, désuètes. Je suis une grande nostalgique. J’aime cultiver l’image d’un monde passé en me disant que j’y étais bien. Et les classiques m’invitent à cela.

Quels sont les grands classiques qui t’ont marquée ?

Quand j’étais enfant je lisais la Comtesse de Ségur : Les malheurs de Sophie, Les petites filles modèles, Gribouille. Je me souviens que je faisais beaucoup de cauchemars en pensant à Mme Fichini, et j’étais complètement fasciné par la sagesse de Madeleine et Camille de Fleurville. Cela explique mes névroses sans doute ! Plus tard, j’ai adoré Maupassant: Bel Ami, la maison Tellier… Il fallait vraiment m’obliger à éteindre la lumière le soir pour que j’accepte de lâcher mes livres. Aujourd’hui encore c’est vraiment un plaisir de relire cet auteur. Et puis j’ai aussi beaucoup aimé Zola. J’ai découvert cet auteur avec ma maman. Ca a beaucoup développé mon imagination. Les corons, les Rougon-Macquart … Pour ce qui est des écrivains étrangers je suis une grande fan d’Orwell !

Le ou les classiques qui te tombent des mains ?

J’ai toujours détesté Rabelais ! Je suis une traumatisée de Gargantua. La lecture imposée de cet ouvrage au lycée m’a complètement dégoutée. Je n’ai jamais réussi à en saisir la portée satirique. Et puis je n’ai plus du tout envie de m’y replonger aujourd’ hui !

Tu es à l’origine de La Box Culturelle, une startup qui aborde la culture d’une façon innovante et réjouissante. Selon toi, quel regard porte-t-on sur la littérature classique, en France, aujourd’hui ?

La littérature classique est abordée souvent de manière un peu rébarbative à l’école alors qu’il existe plusieurs façons de parler de littérature classique de façon joyeuse aux étudiants ! Ton application, Sarah, est une manière originale de découvrir des textes classiques. Il y a également Audiolib que j’aime beaucoup qui propose des livres audio. Dans leur bibliothèque on trouve des classiques comme Flaubert ou Maupassant lus par André Dussollier ou encore Michael Lonsdale… Cela dit j’ai la sensation que beaucoup de Français aiment lire des classiques et qu’il y a beaucoup de maisons d’éditions qui vivent de cela. Il faut dire que la diversité du patrimoine littéraire français est exceptionnelle ! On a de la chance !

 

 

 

La goujaterie guidant le peuple : Félix Tholomyès dans « Les Misérables »

« L’homme est, je vous l’avoue, un méchant animal. »

Molière

Vous aviez rencontré quelqu’un mais cette charmante personne vient de vous quitter, par texto, sur un post-it, par mail ou en disparaissant dans la nature ? Avant de pleurer toutes les larmes de votre corps, apprenez qu’à une époque où quitter quelqu’un par texto relevait de la pure science-fiction, nos héros savaient déjà faire preuve d’une étonnante goujaterie !

Félix Tholomyès, le gentleman de ces dames

La palme de la goujaterie en matière de rupture revient sans nul doute à Félix Tholomyès, dont nous vous avons déjà parlé dans un précédent article ! Après deux ans de relation avec Fantine, Tholomyès a la charmante idée de proposer à ses trois amis Blachevelle, Listollier et Fameuil d’organiser une surprise en l’honneur de Fantine, Dahlia, Zéphir et Favourite. Rendez-vous donc est pris au « cabaret Bombarda »[1] Les quatre couples sont attablés, l’alcool coule à flots, l’atmosphère est légère…et Tholomyès boit trop, embrassant même Favourite à la place de Fantine.

Au théâtre ce soir !

C’est à l’issue du dîner que la surprise, telle une représentation théâtrale que l’on a attendue toute la soirée, survient : les quatre hommes se lèvent de table, embrassent leurs maîtresses et quittent le cabaret, probablement pour dessoûler sur les Champs-Elysées.

Si Dahlia, Zéphir et Favourite s’amusent de la fuite des quatre hommes, Fantine, elle, reste constamment inquiète….et elle a bien raison. Au bout d’un long moment, le serveur du cabaret Bombarda leur apporte une lettre, que les quatre femmes décachètent. Sobrement intitulée « CECI EST LA SURPRISE. », Favourite nous en fait la lecture. Nous ne résistons pas au plaisir de vous en dévoiler un extrait :

« A l’heure où vous lirez ceci, cinq chevaux fougueux nous rapporteront à nos papas et à nos mamans. Nous fichons le camp, comme dit Bossuet. Nous partons, nous sommes partis. […]

Signé :  Blachevelle.

             Fameuil.

             Listolier.

             Félix Tholomyès. »[2]

«  POST-SCRIPTUM. Le dîner est payé. »

Un post-scriptum en guise d’odieux post-it

Résumons-donc ! Quatre hommes, après avoir pris du bon temps deux années durant avec leurs compagnes, décident, en l’honneur de ces deux ans, de leur organiser une « surprise » (sic), attendue par ces dames avec la plus grande impatience. Nos mousquetaires choisissent donc un lieu, le cabaret, y organisent un dîner qu’ils font durer. La surprise, que l’on imagine tous être le clou du spectacle, apparaît comme un véritable coup de théâtre. Nos quatre héros prennent la fuite, et laissent aux quatre amies une seule et unique lettre (pourquoi se fatiguer à écrire une lettre personnalisée ?), chef-d’œuvre d’incorrection, de prétention et de cruauté.

Fantine au désespoir

Si Dahlia, Favourite et Zéphir trouvent la mise en scène très drôle – mise en scène qu’elles imputent à Tholomyès, le seul d’ailleurs à avoir signé la lettre de son prénom- , Fantine, elle, est absolument dévastée. Et pour cause :« Une heure après, quand elle fut rentrée dans sa chambre, elle pleura. C’était, nous l’avons dit, son premier amour ; elle s’était donnée à ce Tholomyès comme à un mari, et la pauvre fille avait un enfant. »

L’on connaît la suite de l’histoire.

[1] Victor Hugo, Les Misérables, Première partie, Livre troisième « En l’année 1817 », Chapitre 5 « Chez Bombarda », 1862

[2] Victor Hugo, Les Misérables, Première partie, Livre troisième « En l’année 1817 », Chapitre 9 « Fin joyeuse de la joie », 1862

Illustration : Carrie Bradshaw (Sarah Jessica Parker) et son post-it de rupture dans la série « Sex in the city »