Quels sont les grands classiques de la littérature américaine ?

En ce 04 juillet, jour de fête nationale aux Etats-Unis, puisque l’on célèbre la Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776, il nous fallait vous présenter les grands classiques de la littérature américaine ! Entre roman et poésie, il y en aura pour tous les goûts !

Vous souhaitez découvrir le livre le plus lu au XIXe siècle après la Bible ? Lisez La Case de l’Oncle Tom !

On l’ignore souvent en France mais La Case de l’Oncle Tom est probablement, aux Etats-Unis, un des  romans les plus marquants de toute la littérature américaine. Publié à l’origine sous forme de feuilleton, La Case de l’Oncle Tom fut le deuxième livre le plus vendu aux Etats-Unis après la Bible au XIXe siècle, et il constitua un formidable succès mondial. Indissociable de l’histoire américaine, le roman est  un plaidoyer abolitionniste, et son autrice, Harriet Beecher Stowe, tint un rôle majeur dans la campagne contre l’esclavage menée par Abraham Lincoln.

L’histoire ? Celle, tragique, d’un esclave, Tom, dont le maître, ruiné, se voit contraint de se séparer.

Vous souhaitez découvrir un des plus grands mythes littéraires américains ? Lisez Moby Dick !

Roman de la mer, roman d’un territoire, celui de l’île de Nantucket, Moby Dick d’Herman Melville  est surtout le récit d’une obsession, celle du capitaine Achab pour un cachalot blanc qu’il a surnommé Moby Dick et qui lui a valu d’être amputé d’une jambe. Loin de se cantonner à la traque d’un animal, Moby Dick se double d’une réflexion sur le destin et d’une ode à l’esprit pionner et conquérant des Américains. A découvrir absolument !

A noter que la série Battlestar Galactica contient de nombreuses références au roman !

Vous souhaitez vous initier à la poésie américaine ? Découvrez le recueil Feuilles d’herbe (Leaves of Grass) de Walt Whitman !

Poète visionnaire du XIXème siècle, Walt Whitman contribua à définir l’identité américaine et le poète est considéré comme le poète national par excellence. Feuilles d’herbe, son recueil le plus populaire, constitue un hommage à l’Amérique des pionniers. Ecrit dans une langue accessible et faisant preuve d’un lyrisme authentique, le recueil constitue une excellente initiation au mythe des grands espaces. A noter qu’une section entière est consacrée à la Californie : un petit air de California dream’in des Mamas and the Papas avant l’heure !

Vous souhaitez plonger dans l’Amérique des années folles ? Découvrez Gatsby le magnifique !

On ne présente plus le roman le plus célèbre de Francis Scott Fitzgerald, que l’on désigne parfois en France, non sans ironie, comme « le seul roman que les Américains ont lu » – c’est d’ailleurs une œuvre relativement courte.

Roman d’un amour malheureux, celui de Gatsby pour Daisy, Gatsby le magnifique nous rappelle que l’argent n’achète ni le bonheur ni l’amour et que les plus grandes réussites peuvent cacher les désespoirs les plus profonds.La lecture de ce roman est indispensable pour comprendre la culture contemporaine américaine, qui se réfère constamment à Gatsby le magnifique. Considéré comme un des plus grands écrivains américains, Fitzgerald a lancé la carrière d’Hemingway.

Vous souhaitez comprendre la scission entre le Nord et le Sud des Etats-Unis ? Découvrez Autant en emporte le vent !

Récemment au coeur d’une importante polémique, le roman de Margaret Mitchell se situe en pleine guerre de Sécession. Ecrit par une sudiste convaincue, il suit le parcours de Scarlett O’Hara, une capricieuse Belle du Sud (a Southern Belle) que rien ne rend sympathique mais qui met tout en œuvre pour sauver sa propriété familiale, Tara, alors que la Géorgie est minée par la guerre.

Si le film s’attarde sur l’infantile passion de Scarlett (Vivien Leigh) pour Ashley Wilkes et sur son histoire inachevée avec Rhett Butler (Clark Gable), le roman ; lui, dépeint surtout un sud chevaleresque et héroïque, qui conçoit l’esclavage comme un système paternaliste approprié aux Noirs et apprécié d’eux. Vous l’aurez compris, un roman ambigu, donc, mais qui vous en apprendra beaucoup sur les nombreuses contradictions de l’Amérique. Une nouvelle traduction en français de Josette Chicheportiche  vient d’ailleurs d’être publiée aux éditions Gallmeister.

Vous souhaitez lire des extraits de ces œuvres en anglais ? Téléchargez notre appli A text A day ! * Vous pourrez également y lire des extraits de la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis !

Illustration : Leonardo DiCaprio dans Gatsby le Magnifique (Baz Lurhmann, 2013)

* Autant en emporte le vent ne figure pas au sein de l’application puisque le roman n’est pas encore dans le domaine public.

Les remèdes à la mélancolie d’Eva Bester

« Si je pouvais passer ma vie enfermée, dans une pièce, avec des choses délicieuses à manger bien sûr, à ne lire que des classiques, je pense que je le ferais ! »

Chaque dimanche matin, à 10h, sur France Inter, la journaliste Eva Bester nous offre une émission inclassable, et ô combien attachante, dans laquelle elle nous rappelle que les classiques sont un parfait remède à notre universelle mélancolie. Si elle n’aime rien tant que se plonger dans des œuvres délicieusement sombres, Eva est une lectrice dont la curiosité intellectuelle n’a d’égal que l’enthousiasme.

Portrait d’une irréductible « mélancolique-optimiste » !

Eva, quelle lectrice de classiques êtes-vous ou avez-vous été ?

J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont encouragée à lire, et je crois que je lis des classiques depuis toujours ! J’ai une véritable passion pour eux, à tel point que si je pouvais passer ma vie enfermée, dans une pièce, avec des choses délicieuses à manger bien sûr, à ne lire que des classiques, je pense que je le ferais ! (rires) J’ai déjà fait, dans ma tête, la liste de tous les classiques que j’aimerais lire avant de mourir, et j’ai vraiment ce fantasme faustien d’en lire le plus possible. Donc, pour répondre à votre question, je les dévore, et ceci depuis mon plus jeune âge.

Comment s’opère votre sélection ? Fonctionnez-vous par systématisme, par exemple, en décidant de lire « tous les Russes », ou « tout Balzac » ?

Pas vraiment, je fonctionne surtout par associations d’idées et par influences. Lorsque j’aime un auteur, je vais faire des recherches sur lui, et je découvre souvent quels auteurs l’ont influencé ou marqué, et j’irai donc creuser du côté de ces influences.

Je vous donne un exemple : je voue un véritable culte à John Fante, qui est un de mes écrivains préférés, et j’aime beaucoup Bukowski, dont j’aime la déglingue flamboyante et céleste. Or, il se trouve que Fante a influencé Bukowski. Je sais aussi que Knut Hamsun, qui a écrit La Faim, un autre de mes romans préférés, l’a également influencé.

J’ai par exemple, lors de mes études en fac d’anglais, relu Le Portrait de Dorian Gray, que j’avais découvert très jeune, trop jeune sûrement ; et lui ai consacré un mémoire. C’est grâce au Portrait de Dorian Gray que j’ai découvert A Rebours de Huysmans, qui est un autre de mes romans préférés. C’est en découvrant Huysmans que je me suis passionnée pour toute la littérature symboliste et les décadents, et je suis folle de tous ces auteurs de la fin du siècle comme Barbey d’Aurevilly, Baudelaire, Mallarmé, etc. J’aime une certaine préciosité qu’il y a en eux. J’aime aussi énormément Flaubert.

Vous avez lu beaucoup d’auteurs étrangers. A ce titre, quel portez-vous sur la culture et la littérature françaises ?

Il m’est très difficile de répondre à cette question, mais je pense qu’il y a un esprit français, au même titre qu’il y a un humour anglais ou une âme russe.

Lorsque je me sens spleenétique et que j’ai vraiment envie de partager les affres d’un personnage vraiment torturé, je lis un Russe. Si j’ai envie de lire le parcours d’un personnage un peu torturé, mais qui a une chance de s’en sortir, je lis un Français. Et si j’ai vraiment envie de m’amuser, je lis du Dickens. Les Anglo-Saxons sont plus rigolos, ont plus de fantaisie, et peuvent traiter de sujets tragiques, mais l’humour ne sera jamais loin.

Quand on vous écoute, l’on sent combien la littérature est pour vous quelque chose d’incarné et de vivant. La littérature est-elle, pour paraphraser le titre de votre émission, un remède à la mélancolie ?

Tout à fait ! Si j’ai créé cette émission, Remède à la mélancolie, c’est parce que je me suis rendue compte que la littérature était un formidable refuge à la condition tragique à laquelle nous sommes voués. La littérature, et l’art de manière générale, sont une façon de transcender la condition tragique. Les écrivains nous font un sublime cadeau lorsqu’ils mettent verbalisent et ordonnent leurs pensées.

Je lis sans cesse, je suis sans cesse fourrée à la bibliothèque municipale – bibliothèques qu’il faut impérativement réhabiliter.

Donc, vous êtes plutôt bibliothèques ?

Assurément !  J’adore flâner dans les librairies, mais j’adore les bibliothèques. J’apprécie le fait que mes lectures ne soient pas tributaires de l’actualité et les bibliothèques offrent cette possibilité, plus encore que les librairies. C’est une chance dans l’émission, ainsi que mes précédentes chroniques sur la littérature oubliée, de pouvoir être dans l’atemporel, d’être indépendante de toute promotion en dehors de celle des auteurs décédés.

Dans Remède à la mélancolie vous recevez des personnalités très variées. Pensez-vous que vos invités partagent votre amour des classiques ? Ou les classiques sont-ils en danger ?

J’ai l’impression que les classiques ont toujours du succès. Mais, aujourd’hui, le flux médiatique est tel que les classiques sont noyés loin derrière toutes les parutions, toutes les publications. Les émissions culturelles parlent davantage de ce qui sort que des classiques, et c’est bien normal, mais il ne faut pas oublier les classiques, et continuer à en parler. C’est pour cela qu’une initiative comme Un texte Un jour est très louable, et il faudrait peut-être leur accorder une plus grande place dans la rumeur du monde.

C’est pour cela que je suis ravie, et reconnaissante, de pouvoir parler de classiques à la radio. Remède à la mélancolie est une émission sur la consolation éphémère  par l’art ; les œuvres d’art qui consolent, accompagnent mes invités, sont bien souvent des classiques.

Pour finir, Eva, quels sont vos propres remèdes à la mélancolie ?

John Fante bien sûr, La Route de Los Angeles, Knut Hamsun et Bukowski, ses nouvelles, ainsi que L’Amour est un chien de l’enfer, son recueil de poésies.

Le livre qui a été une véritable claque pour moi c’est Karoo de Steve Tesich. C’est bien simple, je me suis levée le matin, je l’ai commencé, et l’ai fini le soir-même. Les livres que je vous cite ne sont vraiment pas des choses joyeuses, mais comme cela extrait de soi-même, ce sont de très bons remèdes à la mélancolie ! Flaubert est un de mes chouchous, Balzac quand j’ai du temps, ainsi que Dickens.

Je me suis totalement retrouvée dans plusieurs œuvres de Houellebecq : son essai sur Lovecraft, La Possibilité d’une île, son Rester vivant et ses recueils de poésie, comme ses premiers romans.

J’aime aussi les auteurs de l’Absurde slave, comme le Russe Daniil Harms, ou le Polonais Sławomir Mrożek, des désespérés drolatiques qui m’accompagnent partout. J’aime aussi les Chroniques de la montagne d’Alexandre Vialatte qui sont un délice pour la langue. Chez les Américains, j’aime Chuck Palahniuk, et Bret Easton Ellis de temps en temps.

Chez vous la mélancolie est-elle quelque chose dont vous guérissez par le rire ou par les larmes ?

Je vais avouer quelque chose de terrible : à mon sens, on ne guérit jamais de la mélancolie. On peut s’offrir de petites parenthèses de grâce par l’art, en lisant un classique, en regardant un beau film ou en contemplant un tableau.

Les œuvres joyeuses, si elles sont de grande qualité, consolent temporairement – et je tiens à cette notion d’éphémère. Quant aux choses tristes, elles offrent un écrin idéal à notre mélancolie.

Illustration : Eva Bester ©Radio France/Christophe Abramowitz