Quels classiques pour vos enfants ? « La Gloire de mon père » et « Le Château de ma mère »

En cette période où vous devez peut-être jongler entre l’école à la maison et le (difficile) maintien du télétravail, j’ai décidé de vous présenter régulièrement des classiques qui me semblent idéaux pour de jeunes enfants, et je commence aujourd’hui par les premiers classiques que j’ai lus, grâce auxquels j’ai véritablement attrapé le virus de la lecture. Il s’agit de La Gloire de mon père et du Château de ma mère.

L’édition dans laquelle je les ai lus, et les lis encore aujourd’hui, est celle que ma mère m’a offerte étant enfant. France Loisirs avait réédité tout Marcel Pagnol à l’occasion de la sortie des films d’Yves Robert. Nous étions en 1990, j’avais 7 ans, et ces deux films, découverts avant les livres, furent un véritable choc. Encore aujourd’hui, je ne peux entendre la voix de Jean-Pierre Darras ni entendre les cigales de la musique de Vladimir Cosma sans avoir les larmes aux yeux. Ma mère m’offrit donc ces deux livres quelques semaines après. Ils me marquèrent assez pour qu’un an plus tard, en CM1, alors que Mme Pimond, ma maîtresse, commençait la dictée, je levai la main et reconnus, rien qu’à une seule phrase, La Gloire de mon père. Je le connaissais par cœur.

Pourquoi lire et faire lire La Gloire de mon père et Le Château de ma mère à vos enfants ?

De manière très simple, La Gloire de mon père et Le Château de ma mère sont une évocation subtile, émouvante, de l’enfance, du lien que nous entretenons avec nos parents, avec notre histoire familiale, mais aussi avec un territoire. Pagnol sait se mettre aussi bien à hauteur d’enfant que d’adulte, et cette alternance de point de vue fait tout l’humour et toute la sensibilité de ces récits. Il nous emmène dans les collines et conjugue le quotidien sur le mode de l’aventure éternelle. Tout est voyage, tout est découverte avec Marcel. L’aventure est en bas de chez nous, et il nous suffit d’ouvrir grand notre porte, notre cœur, ou un album des Pieds Nickelés, pour en prendre la mesure. Lire Pagnol avec ses enfants, c’est tisser un lien entre les générations, l’occasion de revenir dans cette ville au loin perdue où vous avez passé votre enfance, et d’évoquer, avec eux, vos propres souvenirs d’enfance !

Plonger dans les souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol, c’est aussi le plaisir d’une langue raffinée et accessible, à l’image d’un petit garçon d’une nature rêveuse, qui a la passion des mots, et qui est curieux du monde des adultes. Même dans l’évocation des choses les plus simples de la vie, la langue de Pagnol se fait toujours poétique. Elle est chantante et gaie, quand elle ne se fait pas bouleversante, et c’est une façon très habile d’enrichir le lexique de vos enfants.

Enfin, et le plus important surtout, La Gloire de mon père, plus encore que Le Château de ma mère,  est une ode à la liberté. Désireux d’embrasser et de conquérir l’immense, superbe et inviolé territoire que sont les collines et dont il est tombé éperdument amoureux, Marcel, dont Robinson Crusoé est le héros préféré, fait l’expérience d’une symbiose entre un paysage et un âge de la vie. Tout à la revendication d’une patrie choisie, Pagnol nous rappelle ainsi que les premières amours sont souvent géographiques. Et que même enfermé, il ne convient qu’à nous, par la lecture, et par l’esprit, de parvenir à s’évader.

À partir de quel âge ?

Dès le CM2 pour de bons lecteurs, idéal dès la classe de cinquième.

Vous cherchez d’autres idées de lecture pour vos enfants ? Pourquoi ne pas leur faire découvrir Les quatre filles du docteur March de Louisa May Alcott, les romans d’Agatha Christie, Le Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux ?

 

@ Le Château de ma mère, Yves Robert, 1990

Quinze citations pour vous emmener en voyage

Descartes a beau nous dire que « « C’est quasi le même de converser avec ceux des autres siècles, que de voyager. », il n’est pas toujours simple de composer avec l’immobilisme et le confinement. Nombreux sont d’ailleurs ceux qui, comme Ishmael, le héros de Moby Dick, sont tourmentés « d’une éternelle démangeaison pour les choses lointaines. », aiment « naviguer sur les mers défendues  et atterrir sur les côtes sauvages. »[1].

Pour vous accompagner dans cette période particulière qu’est le premier confinement, nous vous proposons quelques citations qui vous feront voyager….

Espagne

« Immédiatement, sans cesser d’être Romain, on devint taurin. On apprit l’espagnol. On s’abonna à des journaux spéciaux de là-bas. On porta des régates rouge vif : elles suffisaient pour qu’on eût tout du matador. La chambre fut tapissée d’images de taureaux et de toreros. »

Henry de Montherlant, Les Bestiaires, 1926

Inde

« L’Inde était réveillée, et Kim se trouvait au milieu d’elle, plus éveillé, plus enflammé que quiconque, en train de mâchonner une brindille destinée à servir sous peu de brosse à dents (car il empruntait de droite et de gauche à toutes les coutumes du pays qu’il connaissait et qu’il aimait). »

Rudyard Kipling, Kim, 1901

États-Unis

« Laura comprenait ce qu’il voulait dire. Elle aimait cet endroit, elle aussi. Elle aimait l’immensité du ciel, les vents, les plaines dont on ne voyait pas la fin. Tout y était neuf, propre, démesuré, splendide. »

Laura Ingalls Wilder, La petite maison dans la prairie, 1935

« Le Mississippi ! quelle baguette enchantée a tout à coup changé les scènes si poétiquement décrites par Chateaubriand ! Ce fleuve majestueux qui, dans un silence magnifique, à travers toutes les pompes de la création, roulait ses ondes puissantes au milieu de solitudes sans bornes, a surgi, du pays des rêves, des visions, des merveilles, à une réalité à peine moins saisissante et moins splendide. »

Harriet Beecher Stowe, La Case de l’oncle Tom, 1852

Pérou

« Il n’est point de lieu sur la terre où les femmes soient plus libres, exercent plus d’empire qu’à Lima. Elles règnent là sans partage ; c’est d’elles, en tout, que part l’impulsion. Il semble que les Liméniennes absorbent, à elles seules, la faible portion d’énergie que cette température chaude et enivrante laisse à ces heureux habitants. »

Flora Tristan, Pérégrinations d’une paria, 1837

France

Biarritz

« Je ne sache point d’endroit plus charmant et plus magnifique que Biarritz. Il n’y a pas d’arbres, disent les gens qui critiquent tout, même le bon Dieu dans ce qu’il a fait de plus beau. Mais il faut savoir choisir : ou l’océan, ou la forêt. »

Victor Hugo, Voyage aux Pyrénées, 1843

Corse

« Vers le soir ils traversèrent Cargèse, le village grec fondé là jadis par une colonie de fugitifs chassés de leur patrie. De grandes belles filles, aux reins élégants, aux mains longues, à la taille fine, singulièrement gracieuses, formaient un groupe auprès d’une fontaine. […] En arrivant à Piana, il fallut demander l’hospitalité comme dans les temps anciens et dans les contrées perdues. »

Guy de Maupassant, Une Vie, 1883

Marseille

« L’armateur le suivit des yeux en souriant, jusqu’au bord, le vit sauter sur les dalles du quai, et se perdre aussitôt au milieu de la foule bariolée qui, de cinq heures du matin à neuf heures du soir, encombre cette fameuse rue de la Canebière, dont les Phocéens modernes sont si fiers, qu’ils disent avec le plus grand sérieux du monde et avec cet accent qui donne tant de caractère à ce qu’ils disent : « Si Paris avait la Canebière, Paris serait un petit Marseille. »

Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, 1844

Touraine

« Si vous voulez voir la nature belle et vierge comme une fiancée, allez là par un jour de printemps ; si vous voulez calmer les plaies saignantes de votre cœur, revenez-y par les derniers jours de l’automne ; au printemps, l’amour y bat des ailes à plein ciel, en automne on y songe à ceux qui ne sont plus. […] Ne me demandez plus pourquoi j’aime la Touraine. Je ne l’aime ni comme on aime son berceau, ni comme on aime une oasis dans le désert ; je l’aime comme un artiste aime l’art ; je l’aime moins que je ne vous aime, mais sans la Touraine, peut-être ne vivrais-je plus. »

Balzac, Le Lys dans la vallée, 1836

Auvergne

« Pascal aimait tellement l’Auvergne qu’il naquit à Clermont-Ferrand. C’est une ville noire comme le jansénisme, percée de rues au bout desquelles on voit le ciel comme dans les Pensées. Elle est noire parce qu’elle est en pierre de Volvic, roche ignée, dure, râpeuse, assez peu nourrissante, fille du feu des puys où va brouter la chèvre. »

Alexandre Vialatte, L’Auvergne absolue, 1983

Toulon

« Toulon est un passage, un lieu d’embarquement, l’entrée d’un port immense et d’un gigantesque arsenal. Voilà ce qui saisit le voyageur et l’empêche de voir Toulon même. Il y a pourtant là une ville, une vieille cité. […] L’originalité de la petite ville noire c’est de se trouver justement entre deux océans de lumière, le merveilleux miroir de la rade et le majestueux amphithéâtre de ses montagnes chauves d’un gris éblouissant et qui vous aveuglent à midi. »

Jules Michelet, La Sorcière, 1862

 Le Mont Saint-Michel

Je l’avais vu d’abord de Cancale, ce château de fées planté dans la mer. Je l’avais vu confusément, ombre grise dressée sur le ciel brumeux. Je le revis d’Avranches, au soleil couchant. […]  Et j’errai, surpris comme si j’avais découvert l’habitation d’un dieu à travers ces salles portées par des colonnes légères ou pesantes, à travers ces couloirs percés à jour, levant mes yeux émerveillés sur ces clochetons qui semblent des fusées parties vers le ciel et sur tout cet emmêlement incroyable de tourelles, de gargouilles, d’ornements sveltes et charmants, feu d’artifice de pierre, dentelle de granit, chef-d’œuvre d’architecture colossale et délicate. »

Guy de Maupassant, Le Mont Saint-Michel, Contes normands, 1882

Italie

« Je suis maintenant dans une belle ville, une vraie belle ville, c’est Gênes. On marche sur le marbre, tout est marbre : escaliers, balcons, palais. Ses palais se touchent les uns aux autres ; en passant dans la rue on voit ces grands plafonds patriciens tout peints et dorés. »

Gustave Flaubert, Lettre à Alfred Le Poittevin, 1er mai 1845

Grèce

« Quant aux îles, elles symbolisent les forteresses dans lesquelles on résiste aux assauts de la bêtise, de la laideur, à l’agression du temps. S’y réfugier n’est pas une démission, mais une occasion de faire oraison. »

Michel Déon

Canada

« Parce que les hommes, tâtonnant dans les ténèbres de l’Arctique, avaient découvert un métal jaune, et que des lignes maritimes et des compagnies de fret transformaient cette découverte en ruée, ils se précipitaient par milliers vers le Grand Nord. Ils avaient besoin de chiens à la puissante musculature, pour endurer la besogne, et à l’épaisse fourrure pour se garder du froid. »

Jack London L’Appel de la forêt, 1903

Cet article vous a plu ? Découvrez le tour de France, le tour des États-Unis et le tour d’Italie des classiques de la littérature. Découvrez aussi notre article consacré à l’hôtel littéraire Alexandre Vialatte.

 

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[1] Herman Melville, Moby Dick, 1851

© Garrett Hedlund dans Sur la route, Walter Salles, 2012