Dix autrices qui ont été soutenues par des hommes, à découvrir sur l’application et le livre « Un texte Une femme »

L’application et le livre Un texte Une femme vous permettent de redécouvrir la condition féminine dans ses aspects les plus variés, en vous proposant, chaque jour, un texte qui parle des femmes, et qui est écrit par une femme engagée, connue ou méconnue. De la romancière à la sage-femme, de la physicienne à la salonnière, des États-Unis à Tahiti en passant par le Québec ou la Suisse, du roman aux mémoires en passant par les lettres et essais, les autrices, textes et thèmes abordés sont particulièrement variés.

Cent-dix autrices figurent au sein de l’application et du livre, et, en découvrant leur biographies, l’on réalise que si certaines ont été invisibilisées par les hommes, d’autres n’auraient peut-être pas réussi à écrire, construire une œuvre ou une carrière, sans le soutien d’un père, d’un mari, d’un ami ou d’un mentor. Retour sur dix parcours d’exception, auxquels les hommes ne furent pas étrangers.

Madeleine de Scudéry (1607-1701), soutenue par son oncle

Orpheline à l’âge de six ans, Madeleine de Scudéry est élevée par un oncle ecclésiastique qui lui fait découvrir les lettres, la danse, la musique et qui, par ses entrées à la Cour, lui fait rencontrer des personnes influentes et intégrer le salon de l’hôtel de Rambouillet, au milieu des années 1630. Elle ouvre ensuite son propre salon, dans le Marais, où se pressent les Précieuses dont elle est une des plus remarquables représentantes. On lui doit des romans à clés, galants et précieux, où les analyses morales succèdent aux dissertations amoureuses.

4 textes de Madeleine de Scudéry sont à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Émilie du Châtelet (1706-1749), soutenue par Voltaire

Mathématicienne, femme de lettres et physicienne française, Émilie du Châtelet est une figure majeure du siècle des Lumières. Après avoir reçu une éducation exceptionnellement riche, et libre, (ses parents fréquentaient Rousseau et Fontenelle), elle épouse le marquis Florent Claude du Châtelet, de dix ans son aîné. Les deux époux vivent en union libre, et Emilie fréquente les intellectuels de son époque. Elle entretient une liaison de quinze ans avec Voltaire, qui la pousse à mener à bien les travaux et recherches scientifiques dans lesquels elle excelle, plus que lui. Elle décède à 43 ans, quatre jours après l’accouchement difficile d’une fille qui ne survivra pas, laissant Voltaire inconsolable. C’est ce dernier qui œuvrera pour faire publier sa traduction du traité de Newton.

3 textes d’Émilie du Châtelet sont à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Félicité de Genlis (1746-1830), soutenue par son mari

Issue d’une famille de la noblesse d’épée, Stéphanie Félicité du Crest doit composer très jeune avec un revers de fortune. Érudite, ambitieuse et débrouillarde, Félicité profite de l’entregent maternel pour fréquenter les salons des grands financiers de l’époque. À dix-sept ans, elle épouse le comte de Genlis qui lui assure une position dans le monde et n’interférera jamais dans les projets de son épouse. Deux ans après son mariage, elle est présentée à la cour de Louis XV, et sa trajectoire sera étonnante.

10 textes de Félicité de Genlis sont à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Sophie Germain (1776-1831), soutenue par son père

Mathématicienne, physicienne et philosophe, Sophie Germain naît au sein d’une famille aisée, et son père a de hautes fonctions pendant la période pré-révolutionnaire. Sophie grandit recluse, à l’écart des heurts de la Révolution, mais elle reçoit une éducation solide grâce à de nombreux précepteurs. La bibliothèque de son père lui donne accès aux textes mathématiques et physiques les plus récents. Sophie a une véritable révélation quand elle découvre les travaux d’Archimède, et c’est d’abord en secret qu’elle se consacre à l’étude des mathématiques, puisqu’il est alors très compliqué pour une femme de les étudier. Sophie gagne le soutien moral et financier de son père, impressionné par la détermination de sa fille. Il accepte qu’elle ne se marie pas et qu’elle se consacre à ses études.

Un texte de Sophie Germain est à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Claire de Duras (1777-1828), soutenue par Chateaubriand

Claire Louisa Rose Bonne, duchesse de Duras, naît dans une famille d’esprits éclairés qui participe de sa formation intellectuelle. Lorsque son père est guillotiné sous la Révolution, Claire s’exile en Martinique, d’où est originaire sa mère, et voyage dans divers pays. À trente ans elle épouse le duc de Duras, rencontré à Londres, et le couple ne rentre en France qu’en 1808, sous la Restauration. Devenue l’amie de Chateaubriand qui l’introduit au sein des salons littéraires parisiens, Claire de Duras fréquente Germaine de Staël, et écrit trois romans, tous traitant de sujets controversés. C’est à contrecœur et poussée par Chateaubriand qu’elle publie anonymement Ourika, en 1823.

Un texte de Claire de Duras est à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Josephine Butler (1828-1906), soutenue par son mari et par Victor Hugo

Anglaise, Josephine Butler est une militante féministe et réformatrice sociale anglaise de l’époque victorienne. Elle est la fille de John Grey, un ingénieur agronome libéral et la nièce de Charles Grey, premier ministre et militant de l’abolition de l’esclavage. De ce fait, Josephine grandit dans un milieu aisé, politisé, et c’est tout naturellement qu’elle s’engage en faveur des femmes. Elle est encouragée par son mari, pasteur et enseignant, et Josephine mène de front l’éducation de leurs quatre enfants et sa lutte pour les droits des femmes. Engagée dans la lute pour l’abolition de la prostitution, notamment enfantine, elle fut soutenue par de nombreuses personnalités comme Victor Hugo ou Florence Nightingale.

Un texte de Josephine Butler est à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Jeanne Schmahl (1846-1915), soutenue par son mari

Sage-femme et féministe française, Jeanne Elizabeth Archer naît en Grande-Bretagne d’un père anglais et d’une mère française. Elle étudie la médecine à Édimbourg, mais comme la Grande-Bretagne refuse de délivrer un diplôme de médecine à une femme, elle part en France afin de poursuivre ses études. Elle y rencontre Henri Schmahl, un Alsacien qu’elle épouse, et Jeanne prend la nationalité française. Elle travaille dès lors comme assistante sage-femme jusqu’en 1893 et son mari, la soutenant moralement et financièrement, lui permet de bénéficier d’un certain confort et de s’engager pour les femmes. Le droit de vote des femmes et leur indépendance financière furent au cœur de son engagement.

Un texte de Jeanne Schmahl  est à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Séverine (1855-1829), soutenue par Jules Vallès

Issue d’une famille originaire de Lorraine, Caroline Rémy est la fille d’un inspecteur des nourrices à la préfecture de police de Paris. Elle grandit dans un environnement austère, et à seize ans, elle est mariée, sans son consentement, à Antoine-Henri Montrobert, un employé du gaz, dont elle se sépare rapidement, malgré la naissance d’un fils. Elle exerce différents petits métiers et fait une rencontre décisive en la personne de Jules Vallès, journaliste et écrivain. Caroline devient sa secrétaire, et poussée par son mentor et ami, elle découvre le socialisme et se lance dans le journalisme. Tous deux relancent le quotidien Le Cri du peuple qu’elle dirige, seule, après la mort de Vallès. Lorsqu’elle est contrainte de quitter Le Cri du peuple, elle multiplie les articles et collaborations dans différents journaux. Sa carrière journalistique est lancée, et Séverine fut un témoin privilégié des retentissements des grandes affaires politiques de son temps.

3 textes de Séverine sont à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Marguerite Audoux (1863-1937), soutenue par Octave Mirbeau

Ancienne pupille de l’Assistance publique, Marguerite Audoux travailla d’abord dans une ferme du Morvan, en tant que bergère d’agneaux et servante, avant de s’établir en tant que couturière à Paris, où elle fréquenta les milieux littéraires de la rive gauche. Alors que rien ne la prédisposait à la littérature, elle couche sur papier ses souvenirs d’enfance. Ces feuillets deviennent un manuscrit, qui atterrit entre les mains d’Octave Mirbeau, alors extrêmement influent. Marie-Claire, le roman de Marguerite Audoux est publié, et c’est Octave Mirbeau qui en écrit la préface. Le succès sera aussi inattendu que considérable.

6 textes de Marguerite Audoux sont à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Cécile Brunschvicg  (1877-1946), soutenue par son mari et par Léon Blum

Cécile Kahn naît en 1877 à Enghien-les-Bains au sein d’une famille de confession juive, dans laquelle les femmes ne sont pas censées étudier. C’est en secret qu’elle prépare et obtient son brevet supérieur, à l’âge de dix-sept ans. Elle fait une rencontre déterminante en la personne de Léon Brunschvicg, un philosophe féministe de huit ans son aîné. Grâce à lui elle s’engage politiquement, milite pour les droits des femmes, et en 1924, elle adhère au Parti républicain, radical et radical-socialiste. En 1936, alors que les femmes n’ont pas encore le droit de vote, elle est nommée par Léon Blum sous-secrétaire d’État à l’Éducation nationale et son ministre de tutelle est Jean Zay.

Un texte de Cécile Brunschvicg  est à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Un texte Une femme, La littérature au féminin en 365 jours est publié chez LibriSphaera.

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Si Nohant-Vic m’était contée : la maison de George Sand

Quarante années consacrées à l’écriture, près de quatre-vingt-romans, une trentaine de pièces de théâtre, des articles, des contes, des nouvelles, une correspondance colossale, des amitiés et amours nombreuses. George Sand était, à n’en pas douter, une femme généreuse,  et sa maison de Nohant en témoigne. Visiter  Nohant-Vic, dans le Berry, c’est découvrir une George Sand intime, accueillante, extrêmement soucieuse de ses invités, du bien-être de ses domestiques et celui de ses petites-filles, amoureuse de la nature et en avance sur son temps. Suivez le guide pour un aperçu de ce lieu chargé en émotions, de ses principales pièces, de son histoire et de celle de la famille Dupin.

Une maison familiale

Si Nohant est un lieu aussi émouvant, aussi chargé d’histoires, c’est peut-être car il s’agit d’une maison familiale, transmise de générations en générations, et qui ne fut jamais laissée à l’abandon. Visiter Nohant, c’est découvrir une maison, mais aussi un jardin, son ancien poulailler, un cimetière dans lequel sont enterrés les membres de la famille Dupin, ainsi qu’une exposition dédiées aux marionnettes de Maurice Sand, le talentueux et polyvalent fils de George.

La décoration de la maison est soignée sans être chargée, la visite est bien pensée et équilibrée, les pièces principales donnent sur une nature que l’on devine essentielle. On y imagine aisément la vie de celles et ceux qui y vécurent.

Une vie entière, ou presque, à Nohant

Aurore Dupin, future George Sand, naît en 1804 et elle vient pour la première fois à Nohant à l’âge de quatre ans, en 1808. La propriété appartient à sa grand-mère paternelle, Marie-Aurore de Saxe. Aurore Dupin est la fille de Maurice Dupin, militaire, colonel des armées napoléoniennes, et de Sophie Victoire Delaborde, cantinière que Maurice Dupin avait rencontrée en service.  La mère de Maurice s’est opposée en vain à cette mésalliance, et la petite  Aurore est  le fruit de deux milieux, deux histoires, deux héritages.

Lors de ce premier séjour à Nohant, Maurice a un accident de cheval. Il meurt sur le coup, à l’âge de trente ans. La grand-mère paternelle, déjà veuve, dont le fils unique vient de décéder, propose prend en charge l’éducation d’Aurore. Aurore restera donc à Nohant, mais ne cessera jamais d’entretenir un lien avec sa mère, demeurée à Paris.

Aurore commence par passer ses étés à Nohant et ses hivers  à Paris, avant de s’établir toute l’année à Nohant. Lorsque sa grand-mère décède, George Sand a dix-sept ans. Elle hérite de la maison, s’empresse de se marier afin de pouvoir y rester en paix et d’avoir la respectabilité pour l’administrer. De ses quatre ans jusqu’à a mort, George Sand passera plusieurs mois par an à Nohant et elle mourra dans sa chambre, en 1876. Ses deux enfants, Maurice et Solange y grandiront, Maurice y vivra avec sa femme et ses filles. Après son divorce, George Sand devient l’unique gestionnaire et propriétaire du domaine.

Les deux-petits filles de George Sand, Aurore et Gabrielle, les filles de Maurice, habiteront la maison, l’investiront elles aussi après la mort de leur grand-mère. Nohant se transmettra de générations en générations. Gabrielle meurt à l’âge de quarante ans, en 1909. Aurore, dernière descendante de la famille, lèguera de son vivant la maison à l’État.

La salle à manger

La salle à manger de la maison témoigne de la vocation de cette maison, celle d’être un lieu d’accueil et de convivialité. La table dressée pour dix invités, jamais plus, évoque plutôt la fin de vie de George Sand, mais les invités mentionnés ne s’y retrouvèrent jamais en même temps.

Sont ici représentés, parcourant dix ans de la vie de George Sand,  Ivan Tourgueniev, qui ne fit qu’un seul séjour à Nohant, Gustave Flaubert qui y séjourna très souvent, Dumas fils qui vint à cinq reprises, la cantatrice Pauline Viardot qui vint tous les étés pendant vingt-cinq ans. Chaque décennie eut son hôte de marque.

Les verres en cristal seraient un cadeau de Chopin, le lustre en verre vient de Murano et fut acheté à Paris par George Sand, à l’occasion d’une exposition universelle. Le motif de fraisier sur la vaisselle fut dessiné par George Sand elle-même. En 1850, George Sand entreprit de gros travaux et fit installer un chauffage central dans la salle à manger. L’hiver, le dîner était servi à 17h. Après le dîner, on quittait la salle à manger pour le salon.

Le salon

Le salon était le lieu de la veillée, qui pouvait durer jusqu’à minuit. Autour de la table du salon on discute, on lit à voix haute, on manipule des marionnettes, on dessine, on fait des herbiers. Comme elle a de multiples talents, George Sand joue de la harpe, du piano, excelle dans les travaux d’aiguille.

La chambre rose

Cette chambre, en encore marquée de l’empreinte du XVIIIe siècle, trahit les origines aristocratique de la grand-mère de George Sand qui faisait salon dans sa chambre. La chambre devint celle de Solange et Maurice, les enfants de George Sand, et George Sand investit le couloir afin d’être à proximité de ses enfants et de pouvoir écrire, la nuit, ses journées étant extrêmement remplies.On peut y voir le placard transformé en bureau qui sera la première réelle table de travail de George Sand en tant que femme de lettres.

La cuisine

George Sand avait une dizaine de domestiques à son service, pour l’aider à s’occuper de la propriété, mais aussi choyer ses invités illustres tels que Franz Liszt ou Prosper Mérimée. En 1850, en même temps que l’installation du chauffage, George Sand dote sa grande cuisine de divers éléments et d’un four particulièrement sophistiqué. Ce four, moderne, décontenance les cuisinières berrichonnes qui sont à son service – on cuisine sans voir les flammes, on a quatre fours, c’est à l’époque du jamais vu – mais les robinets permettent de disposer de quarante litres d’eau chaude.

Il s’agit d’un confort exceptionnel pour l’époque, confort renforcé par la grande table en orme massif que George Sand commande à un menuisier local, afin que tous les domestiques puissent manger ensemble, et se rassembler. Un passe-plat, dans le couloir attenant à la cuisine, dessert la salle à manger. George Sand, elle, investira la cuisine pour faire des confitures.

Frédéric Chopin à Nohant

La relation amoureuse avec Frédéric Chopin durera neuf ans et le musicien séjournera sept étés durant dans cette maison, du printemps à l’automne, de 1840 à 1847.  George Sand lui donne à chaque fois la plus belle chambre, loue pour l’occasion un piano Pleyel qui arrive de Paris. Cette maison connaîtra sept pianos différents chaque été, et Chopin composera les deux-tiers de son œuvre dans cette maison.

Les années avec Chopin, entre 1840 et 1847, constituèrent l’âge d’or de Nohant. George Sand écrivait, Frédéric Chopin composait, Eugène Delacroix peignait. Trois monstres sacrés se retrouvèrent en même temps dans cette maison.

La chambre bleue

Le bleu était la couleur préférée de George Sand, et la chambre bleue était celle de la maîtresse de maison, du moins sa dernière chambre pendant une dizaine d’années. C’est dans cette chambre, qui donnait sur le jardin, qu’elle s’éteignit à l’âge de 72 ans. Juste à côté se trouvent un cabinet de travail, dans lequel elle travaillait, ainsi qu’une bibliothèque ou salle d’études, à laquelle tout le monde avait accès, et qui renfermait toute la documentation, classée, de la maison.

Le 17 janvier 1869, George Sand écrivait à son grand ami Gustave Flaubert combien elle était en paix à Nohant :

« L’individu nommé G. Sand se porte bien, savoure le merveilleux hiver qui règne en Berry, cueille des fleurs, signale des anomalies botaniques intéressantes, coud des robes et des manteaux pour sa belle-fille, des costumes de marionnettes, découpe des décors, habille des poupées, lit de la musique mais surtout passe des heures avec la petite Aurore qui est une fillette étonnante. Il n’y a pas d’être plus calme et plus heureux dans son intérieur que ce vieux troubadour retiré des affaires, qui chante de temps en temps sa petite romance à la lune, sans grand souci de bien ou mal chanter pourvu qu’il dise le motif qui lui trotte par la tête, et qui, le reste du temps, flâne délicieusement. Ça n’a pas été toujours si bien que ça. »[1]

 

 

Vous souhaitez en savoir plus et relire des textes de George Sand ? Découvrez notre autre article consacré  la femme de lettres, mais aussi notre anthologie Un texte Une femme, La littérature au féminin en 365 jours, sur laquelle retrouver dix-neuf textes de George Sand.

@Sarah Sauquet

[1] Lettre de George Sand à Gustave Flaubert, Nohant, 17 janvier 1869