Qui sont les François de la littérature classique ?

François le Champi

François le Champi est le héros du roman éponyme de George Sand. C’est un enfant trouvé, un « champi », c’est-à-dire un marginal qui a grandi tel un enfant sauvage, sans aucune éducation, dans la nature. On le croit voleur et fourbe, mais il se révèle, à l’image des héros de George Sand, bon et attachant. Abandonné par sa mère, il est élevé par une meunière, dont il s’éprend progressivement.

François le Champi est évoqué dans Du côté de chez Swann : c’est le livre que la mère du Narrateur lui lit avant de s’endormir.

François Lepic ou Poil de Carotte

Poil de Carotte relate les aventures d’un petit garçon, François, surnommé Poil de Carotte à cause de ses cheveux roux. Malheureux et donc cruel, le petit François se retrouve isolé entre une mère, la célèbre Mme Lepic, cruelle et indifférente, un père quasiment absent et un frère et une sœur, Ernestine et Félix, dont il n’est finalement pas très proches.

Il serait facile de victimiser Poil de Carotte, mais, et c’est tout le talent de Jules Renard et toute la complexité de l’œuvre, Poil de Carotte est un enfant sournois, assez peu attachant. Et à travers ce roman autobiographique, Jules Renard nous décrit le monde paysan.

« Poil de Carotte » est en tout cas resté une expression, peu flatteuse, pour désigner les roux.

François dans Le Diable au corps

François est le prénom attribué au héros du Diable au corps. Le roman raconte, pendant la première guerre mondiale, la liaison d’un jeune de quinze ans avec une jeune femme de dix-huit ans, alors que le mari de cette dernière a été envoyé au front. Le personnage de François y apparaît comme particulièrement complexe. Hypocrite, et calculateur, il ne ressent aucune culpabilité particulière envers la situation qui est la sienne. François prend même un plaisir certain à manipuler Marthe en l’orientant vers des choix qui ne sont pas les siens.

Malgré la fin dramatique du roman, François n’est pas particulièrement condamné par son auteur. Il reste un personnage en devenir, qui a vécu une expérience à la fois formatrice et particulière dans un contexte singulier.

François de Séryeuse dans Le Bal du comte d’Orgel

C’est également le prénom de François qui est attribué au héros du Bal du comte d’Orgel, deuxième et ultime roman de Radiguet. Publié à titre posthume, en 1924, le roman que l’on a souvent comparé à La princesse de Clèves, raconte l’étrange relation que nouent François, un très jeune homme issu de la noblesse française, avec Mahaut et Anne d’Orgel, un couple plus âgé. François et Mahaut tombent amoureux l’un de l’autre mais, cernés par leur entourage et par Anne qui feint de ne rien voir, ils ne pourront vivre leur amour.

Le roman, qui se déroule dans une atmosphère féérique au sein de laquelle les non-dits règnent en maîtres, nous présente un François délicat, fin observateur, et racé, mais également attaché à un lignage qui l’entrave dans son propre cheminement.

Illustration : Gérard Philippe et Micheline Presle dans Le Diable au corps (Claude Autant-Lara, 1947)

 

 

Kitty est-elle l’unique et seul amour de Lévine ?

« Mais vous, vous êtes trois sœurs. Je me souviens – trois petites filles. » Anton Tchekhov, Les trois sœurs, 1901

 

Anna Karénine de Léon Tosltoï met en scène plusieurs couples, incarnant soit la paix et l’harmonie (Kitty et Lévine), soit la confusion et le désordre (Anna et Vronski, Dolly et Stiva) ; résumant à eux seuls la première phrase du roman : « Toutes les familles heureuses se ressemblent ; les familles malheureuses le sont chacune à leur façon ».

L’amour est dans le pré

Si le roman a pour titre Anna Karénine, il s’attarde davantage sur le personnage de Constantin Dmitrievitch Lévine, qui dirige une grande propriété dans la campagne moscovite. Lévine est un homme sensible et droit, amoureux des grands espaces, est également nourri d’idéaux politiques et sociaux, loin du cliché de l’austère moujik. S’il n’a ni la beauté de Vronski, ni le statut d’Alexis Karénine, ni le bagout d’un Stiva Oblonskï, frère d’Anna, c’est  un homme discret qu’il faut prendre le temps de découvrir, un de ces trésors cachés qu’il faut patiemment dénicher.

L’on connaît le grand amour de Lévine, Kitty Stcherbazka, qu’il finira par épouser et avec laquelle il forme un ménage heureux. Les lecteurs se souviennent du désarroi et du chagrin de Lévine lorsqu’il est éconduit par Kitty, et se réjouissent avec lui lorsqu’elle lui accepte finalement de l’épouser. Lévine est l’illustration parfaite de la victoire de la patience sur celle de l’intransigeance.

Mais Lévine a connu d’autres échecs avant Kitty, et, fait étonnant, au sein de la même famille puisque Lévine est successivement tombé amoureux de trois sœurs, celle de la fratrie Stcherbazki !

Tournez manège !

Notre héros d’abord été amoureux de Dolly Stcherbazka avant qu’elle ne jette son dévolu sur son meilleur ami Stiva Oblonskï. Mal en a pris à Dolly peut-être car cette dernière reste, tout au long du roman, une femme trompée. Lévine s’est ensuite entiché de Natalie, la sœur de Dolly. Si cette dernière a d’abord semblé sensible à l’intérêt que lui portait Lévine, c’est à peine arrivée dans le monde que Natalie épousa Lvov, un diplomate qui ne lui ressemblait en rien. Malgré ce deuxième échec, le courageux Lévine n’a de cesse de creuser le filon Stcherbazki, pour, contre toute attente, le plus grand bonheur de Kitty ! Dolly, Natalie et Kitty sont un peu comme Olga, Macha et Irina, Les trois sœurs de Tchekhov, les filles du colonel Prozorov !

Que faut-il en penser ? Lévine est-il réellement amoureux de Kitty ou est-il amoureux de ce qu’elle représente, de ce qu’elle incarne en tant que membre de la famille Stcherbazki ? La question mérite en tout cas d’être posée, tant le cas particulier d’un homme tombé successivement amoureux de ces trois sœurs laisse songeur !

Illustration : Alicia Vikander et Domhnall Gleeson dans Anna Karénine de Joe Wright (2012)