Comment organiser son mariage avec les écrivains classiques ?

La saison des mariages vient de débuter ! Que vous soyez en train de préparer le vôtre, ou en train d’enchaîner les mondanités, nous ne voulions pas vous laisser sans guide de survie ! Parce que les héros de la littérature ont eux aussi assisté à des mariages ou organisé leurs noces, petit tour d’horizon des questions à se poser avant de convoler !

Qui allez-vous épouser ?

Parce qu’il scelle des alliances, unit, réconcilie, le mariage apparaît souvent comme le point d’orgue, l’aboutissement de nombreuses œuvres littéraires. Le choix du conjoint constitue en lui-même un véritable suspense et on distingue généralement quatre types de mariage :

  • Le mariage d’amour (Octave qui épouse Hyacinthe dans Les Fourberies de Scapin)
  • Le mariage imposé (Marguerite de Valois qui épouse Henri de Navarre dans La Reine Margot pour raisons politiques
  • Le mariage arrangé (Jeanne Le Perthuis de Vaud qui épouse Julien de Lamarre dans Une Vie)
  • Le mariage de raison (Candide qui se résout à épouser Cunégonde, et se trouve heureux avec elle)

Le mariage d’amour peut avoir lieu à la fin de l’œuvre littéraire ou alors en cachette, au début de l’œuvre. A l’inverse du mariage imposé qui pose un problème aux deux futurs mariés, le mariage arrangé constitue, comme son nom l’indique, un « arrangement », qui convient aux familles et aux mariés. Il permet la transmission d’un nom et d’un héritage. Le mariage de raison est un mariage qui arrive après une longue période de concubinage, parce que l’on s’attache à la personne avec laquelle on vit.

Il ne faut pas se mentir : les mariages sont essentiellement homogames ! Les héroïnes épousent toujours un prétendant appartenant à leur milieu social et il est impossible qu’une bourgeoise épouse un valet.

Votre futur conjoint est-il fidèle ?

Cette question délicate est pourtant essentielle ! En effet, il arrive que des mariages soient voués à l’échec avant même d’être scellés, parce que les futurs conjoints, ou l’un des futurs conjoints est insatisfait, et va déjà voir ailleurs ! C’est ce qui arrive dans le roman Germinal ! Le roman évoque aussi bien les mineurs que les bourgeois qui possèdent les mines et exploitent les mineurs. Or, parmi ces derniers se trouve M. Hennebeau, propriétaire de la mine. M. Hennebeau découvre que sa femme le trompe avec son propre neveu, Paul Négrel. Or, Paul Négrel est quant à lui sur le point de se marier avec Cécile Grégoire ! Germinal dénonce donc un adultère presque doublé d’un inceste – « presque » car il n’y a aucun lien de sang entre Paul et Mme Hennebeau. Toujours est-il que l’union de Paul et Cécile est franchement mal partie !

Aimez-vous vraiment votre futur conjoint ?

Autre question dérangeante, mais pourtant cruciale ! Ce sont Marivaux ou Beaumarchais qui ont le mérite de mettre cette question au cœur de leurs différentes pièces. Les deux dramaturges abordent le mariage en profondeur, notamment dans sa dimension psychologique. Les futurs mariés prennent conscience de l’importance de cet engagement et dissèquent leurs sentiments et la véracité de leur choix. Le mariage est un moyen de se découvrir soi avant de découvrir l’autre. Alors que chez Molière  la question est « vais-je pouvoir l’épouser ? », chez Marivaux ou Beaumarchais, la véritable question est « est-ce que je souhaite réellement l’épouser ? » Et rappelez-vous, changer d’avis avant le jour J est chose possible !

Vos familles s’entendent-elles ?

A moins de vouloir s’épuiser dans un remake de Roméo et Juliette, l’entente cordiale entre les deux familles, même si elles n’ont rien en commun, est plutôt une bonne chose. Car un mariage qui scelle deux mondes, deux univers qui n’ont rien en commun voire se détestent, ne peut que causer des problèmes ! C’est ce qui arrive dans La Reine Margot d’Alexandre Dumas.

Le roman débute par un mariage, celui de celle qu’on surnomme « Margot ». Afin de pacifier le pays, l’intrigante Catherine de Médicis a décidé de marier sa fille, Marguerite de Valois, catholique, à Henri de Navarre, un protestant. Mais ce mariage, qui est une union de façade et est donc véritablement un mariage imposé à deux conjoints qui se détestent cordialement, va embraser une population tout sauf dupe et très vite donner au lieu… au massacre de la Saint-Barthélémy ! Sans aller jusqu’à ces extrémités, là encore, la question mérite d’être posée.

Mariage en petit comité ou en grande pompe ?

Il arrive qu’un budget réduit, qu’une famille peu nombreuse ou que des proches éloignés soient des facteurs qui imposent d’eux-mêmes le mariage en petit comité ! Si ce n’est pas le cas, vous êtes chanceux et pouvez, peut-être, vous permettre le luxe de choisir le type de noces que vous souhaiterez organiser !

Dans Bel-Ami de Maupassant, Georges Duroy se marie deux fois, la première en petit comité, la seconde en grande pompe ! Pour son premier mariage, quoi de plus normal ! Georges épouse en effet Madeleine Forestier, à peine remise de son veuvage ! Rappelons que la situation est d’autant plus dérangeante que c’est Charles Forestier, mari de Madeleine, qui avait introduit Georges au sein du journal La Vie française ! Pour son deuxième mariage, la situation est ô combien différente et Georges voit les choses en grand. Georges, qui s’appelle désormais Georges du Roy de Cantel, et est donc anobli, épouse dans l’enceinte prestigieuse de l’église de la Madeleine, à Paris, la fille de M. Walter, son patron, dont il avait auparavant séduit l’épouse. Maupassant nous décrit l’église de la Madeleine noire de monde et la foule qui acclame les jeunes mariés. Ce mariage en grande pompe témoigne du triomphe de Bel-Ami.

Vous l’aurez compris, un mariage en petit comité ou en grand pompe n’envoie pas les mêmes messages, n’est pas chargé de la même symbolique. Cette symbolique n’est ni positive ni négative, elle est liée aux mariés et à leur histoire.

Y-a-t-il des personnes qui s’opposent à ce mariage ?

On pense souvent que cela n’arrive qu’aux autres, et pourtant ! La malheureuse Jane Eyre voit son mariage avec Edward Fairfax Rochester interrompu, et annulé ! En effet, un « invité surprise » vient rappeler que Rochester est déjà marié ! Ce dernier se voit donc dans l’obligation d’avouer à Jane son passé (il est marié à une femme devenue folle dont il ne peut se séparer).

Qu’avez-vous « prévu » pour la nuit de noces ?

Si la nuit de noces ne pose généralement pas de problèmes, elle en est pour certaines de nos héroïnes !

Dans Une Vie, Jeanne, vierge effarouchée qui n’a jamais connu que le couvent, angoisse à l’idée de sa future nuit de noces avec Julien de Lamare. Sa mère ne pouvant répondre à ses questions à peine formulées (nous sommes au XIXe siècle), Jeanne va, le soir-même de son mariage, subir les assauts de son mari. Le narrateur explique : « Mais une souffrance aiguë la déchira soudain. »[1] (sic)

Qu’allez-vous manger ?

Des convives heureux sont des convives qui ont bien mangé ! Là encore, le repas dépend et du style de votre mariage, et de votre budget et trahit votre style, vos goûts et votre degré de raffinement.

Le mariage de Charles et Emma Bovary est un mariage champêtre, et le repas servi trahit à la fois le manque de raffinement du mari et la pesanteur de la vie qui attend Emma :

« Il y avait dessus quatre aloyaux, six fricassées de poulets, du veau à la casserole, trois gigots, et, au milieu, un joli cochon de lait rôti, flanqué de quatre andouilles à l’oseille. Aux angles, se dressait l’eau-de-vie dans des carafes. Le cidre doux en bouteilles poussait sa mousse épaisse autour des bouchons, et tous les verres, d’avance, avaient été remplis de vin jusqu’au bord. De grands plats de crème jaune, qui flottaient d’eux-mêmes au moindre choc de la table, présentaient, dessinés sur leur surface unie, les chiffres des nouveaux époux en arabesques de nonpareille. »[2]

On n’imagine sans aucun souci l’indigestion dont pourraient être saisis les convives ! Veillez donc à ne pas surcharger le repas !

Après vous avoir adressé ces conseils, nous vous souhaitons un beau mariage, une belle réception et surtout de joyeux et mémorables moments !

Vous souhaitez relire la nuit de noces de Jeanne, le mariage de la reine Margot ou la trahison de Paul Négrel dans Germinal ? Téléchargez notre application Un Texte Un Eros !

Vous souhaitez en savoir plus sur les grandes œuvres de la littérature amoureuse ? Découvrez La première fois que Bérénice vit Aurélien, elle le trouva franchement con, de Sarah Sauquet aux éditions Eyrolles

Illustration : Owen Wilson et Vince Vaughn dans Serial noceurs (2005)

[1] Guy de Maupassant, Une Vie, Chapitre IV, 1883

[2] Flaubert, Madame Bovary, 1857

Qui sont les Top Chefs de la littérature classique ?

Si Hélène Darroze, Jean-François Piège, Michel Sarran ou Philippe Etchebest devaient monter une brigade, à quels héros de la littérature pourraient-ils faire appel ? Qui sont les fins cuisiniers de la littérature française ?

Françoise dans A la recherche du temps perdu de Marcel Proust

Excellente cuisinière doublée d’une fidélité à toute épreuve, Françoise est d’abord la cuisinière de tante Léonie, avant de devenir celle des parents du Narrateur. Ses plats, à la fois variés et de saison, relèvent d’une cuisine bourgeoise, champêtre et authentique. Cette cuisine ravit les sens du Narrateur et est indissociable de ses souvenirs olfactifs et gustatifs d’enfance qu’il décrit à loisir dans Du côté de chez Swann. Assurément la recrue idéale, qui irait nécessairement en finale. Un manque de prise de risques serait peut-être à déplorer.

« Au fonds permanent d’œufs, de côtelettes, de pommes de terre, de confitures, de biscuits, qu’elle ne nous annonçait même plus, Françoise ajoutait – selon les travaux des champs et des vergers – le fruit de la marée, les hasards du commerce, la politesse des voisins et son propre génie, et si bien que notre menu, comme ces quatre feuilles qu’on sculptait au XIIIème siècle au portail des cathédrales, reflétait un peu le rythme des saisons et des épisodes de la vie : une barbue parce que la marchande lui en avait garanti la fraîcheur, une dinde parce qu’elle en avait vu une belle au marché de Roussainville-le-Pin, des cardons à la moelle parce qu’elle ne nous en avait pas encore fait de cette manière-là, un gigot rôti parce que le grand air creuse et qu’il avait bien le temps de descendre d’ici sept heures, des épinards pour changer, des abricots parce que c’était encore une rareté, des groseilles parce que dans quinze jours il n’y en aurait plus »[1]

Cunégonde dans Candide de Voltaire

Cunégonde est une recrue idéale pour tout ce qui relève du sucré. Celle qui épouse Candide à la fin du conte de Voltaire, malgré une laideur repoussante et un caractère insupportable se révèle, in fine, « une excellente pâtissière »[2]. Tout est donc bien qui finit bien, et Cunégonde est la preuve vivante que malgré un prénom ridicule et une apparence physique des plus repoussantes, l’on peut tenir un homme par le ventre ! A noter que les talents culinaires de Cunégonde semblaient être en germe dès le début du conte puisque cette dernière, dans sa prime jeunesse, est décrite comme « haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante »[3]. Un gâteau, en somme !

Ragueneau dans Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand

Ragueneau, rôtisseur-pâtissier et ami de Cyrano, a sa boutique « au coin de la rue Saint-Honoré et de la rue de l’Abre-Sec »[4]. On y trouve des volailles qui tournent sur des broches et « des quinconces de brioches, des villages de petits fours »[5]. Mauvais gestionnaire, ce cuisiner est avant tout un poète passé maître en tartelettes amandines :

« Battez, pour qu’ils soient mousseux, / Quelques œufs ; / Incorporez à leur mousse / Un jus de cédrat choisi ; / Versez-y /Un bon lait d’amande douce ; / Mettez de la pâte à flan / Dans le flanc / De moules à tartelette ; / D’un doigt preste, abricotez / Les côtés ; / Versez goutte à gouttelette / Votre mousse en ces puits, puis / Que ces puits / Passent au four, et, blondines, / Sortant en gais troupelets, / Ce sont les /Tartelettes amandines ! »[6]

Cette recrue inventive et généreuse doit impérativement être canalisée, Ragueneau étant capable du meilleur… comme du pire !

Vatel dans les Lettres de Madame de Sévigné

Vatel a réellement existé, et il a même donné son nom à une école de cuisine ! François Vatel était un pâtissier et traiteur, au service de Louis XIV. C’est Madame de Sévigné qui nous relatera les circonstances de sa mort : alors qu’il a préparé un somptueux repas à l’occasion d’une réception royale, la marée, c’est-à-dire les poissons, n’arrive pas. Notre cuisinier, homme inquiet ne souffrant pas le déshonneur finit par se suicider ! Vatel est une recrue à manipuler avec douceur. Une fois en confiance, ce Stradivarius  au sens aiguisé du devoir peut faire des merveilles :

« On soupa ; il y eut quelques tables où le rôti manqua, à cause de plusieurs dîners où l’on ne s’était point attendu.  Cela saisit Vatel ; il dit plusieurs fois : « Je suis perdu d’honneur ; voici un affront que je ne supporterai pas. » Il dit à Gourville : « La tête me tourne, il y a douze nuits que je n’ai dormi ;  aidez-moi à donner des ordres. »  Gourville le soulagea en ce qu’il put.  Ce rôti qui avait manqué, non pas à la table du Roi, mais aux vingt-cinquièmes, lui revenait toujours à la tête.  Monsieur le Prince alla jusque dans sa chambre, et lui dit : « Vatel, tout va bien, rien n’était si beau que le souper du Roi. » »[7]

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Illustration : Top Chef, saison 7

[1] Marcel Proust, Du côté de chez Swann, 1913

[2] Voltaire, Candide, 1759

[3] Voltaire, Candide, 1759

[4] Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, II, 1897

[5] Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, II, 1897

[6] Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, II 4, 1897

[7] Lettre de la marquise de Sévigné à Mme de Grignan, 1671