15 conseils pour (re)donner le goût de lire aux enfants

Sous prétexte que j’écris et que j’enseigne, que mon appartement déborde de livres, on croit souvent que ma fille a su lire très tôt (rien n’est plus faux) et qu’elle est une lectrice assidue. Il aura fallu qu’elle découvre la saga Harry Potter pour qu’elle se mette réellement à lire, et je ne sais pas combien de temps cela durera. Quand on m’interroge sur des pistes et conseils pour donner le goût de lire aux enfants, j’explique toujours qu’offrir un livre à un enfant, c’est le confier à un adulte qu’il ne connaît pas, ou enlever les petites roues du vélo. Or, ce n’est pas parce qu’on enlève les petites roues qu’on ne peut pas tenir la selle ou faire du vélo à côté de son enfant.

Vous trouverez ci-dessous quelques conseils pour susciter le goût de lire, ce goût qui peut surgir, disparaître, revenir, s’installer durablement ou ne jamais apparaître !

👉 Laisser les enfants s’ennuyer. Un enfant qui n’a pas le temps de s’ennuyer et est submergé d’activités a moins de chances d’ouvrir un livre.

👉 Lire soi-même, devant ses enfants, éduquer par l’exemple ! Combien de parents déplorent que leurs enfants ne lisent pas, alors qu’eux-mêmes ne lisent jamais.

👉 Ritualiser des temps de lecture familiaux et limiter les temps d’écran en posant le téléphone.

👉 Continuer à faire la lecture aux enfants, même quand ils savent lire. Théâtraliser cette lecture, montrer que cela peut être un moment de vrai partage et de plaisir, quitte à lire moins longtemps.

👉 Les faire parler de leurs lectures et dédramatiser. Ce n’est pas grave de ne pas finir un livre, ce n’est pas grave de ne pas comprendre les premiers chapitres, et oui, entrer dans une œuvre, cela peut prendre du temps. On peut d’ailleurs sauter des pages.

👉 Les emmener en librairie et à la bibliothèque. Les inscrire en bibliothèque, en leur montrant l’incroyable avantage des bibliothèques : un livre emprunté gratuitement est un livre qu’on peut ne pas finir et rendre sans aucun scrupule. La bibliothèque, c’est la liberté du choix et l’absence de culpabilité.

👉 Faire confiance aux enfants et les laisser libres de leurs lectures. Bandes dessinées, mangas, textes mineurs développent l’imaginaire et peuvent conduire à des lectures plus exigeantes. Le temps fait son œuvre, plus souvent qu’on ne croit.

👉 Privilégier des formats courts pour entrer dans les classiques, comme avec l’application et l’anthologie Un texte Un jour. On peut aussi découvrir Maupassant à travers ses nouvelles, ou Flaubert en lisant Un cœur simple plutôt que Madame Bovary.

👉 Leur montrer les films et séries adaptés d’œuvres littéraires. Je n’aurais par exemple jamais eu le courage de me lancer dans Guerre et Paix de Tolstoï, que j’ai adoré, si je n’avais pas d’abord vu la très belle série qu’en a fait la BBC.

👉 L’adolescence est une période cruciale où il est tentant de se détourner de la lecture. On peut alors présenter celle-ci comme un instrument d’émancipation, d’opposition, et d’affirmation. Lire, c’est aussi lire d’autres livres que ceux de ses parents, construire sa pensée critique et développer une personnalité propre.

👉 Leur parler de nos propres expériences de lectures, de ces livres qu’on a adorés mais aussi de ceux qu’on a détestés, pas compris, pas finis !

👉 S’appuyer sur la biographie des auteurs, sur les anecdotes autour de la parution, de la réception, de l’écriture d’un livre. Les enfants en sont généralement friands !

👉 Leur faire découvrir Les 1000 livres qui donnent envie de lire aux éditions Glénat.

👉 Ne jamais oublier que la lecture doit être un plaisir et qu’il y a d’autres façons d’étoffer son vocabulaire et sa réflexion. Les jeux de rôles et de plateau, les arts plastiques, le théâtre, les travaux manuels ou le bricolage sont des activités qui développent l’imaginaire.

👉 Ne pas en faire une maladie si nos enfants ne lisent pas. Parfois, la lecture, comme dans une chanson populaire, ça s’en va et ça revient, et parfois cela ne vient pas, malgré un environnement favorable, malgré de très bonnes conditions réunies.

Vous souhaitez en savoir plus sur Sarah Sauquet qui a écrit cet article et enseigne en cours particuliers ? Plus d’infos via ce lien.

© Daisy Edgar-Jones dans Normal People, série TV de Sally Rooney et Alice Birch

L’écrivain au cinéma : Un homme idéal de Yann Gozlan

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Il y a quelques jours, un parent d’élève me demandait quel film mettant en scène un écrivain montrer à ses enfants. Un homme idéal de Yann Gozlan, avec Pierre Niney dans le rôle-titre, est le film auquel je reviens toujours et que je ne cesse de recommander. Ce film français est sorti en 2015.

 

👉 L’histoire ? Mathieu Vasseur est un jeune écrivain qui ne parvient pas à être publié. Il mène une vie solitaire, essentiellement dédiée à l’écriture. Pour subvenir à ses besoins, il travaille en tant que déménageur. Un jour, en vidant l’appartement d’un défunt, Léon Vauban, Mathieu tombe sur ses mémoires de la guerre d’Algérie. Mathieu s’empare du texte, le recopie intégralement, et le soumet à un éditeur. L’œuvre est immédiatement publiée et rencontre un succès colossal. Trois ans plus tard, Mathieu n’a pas écrit une ligne et ses dérobades éveillent les soupçons au sein du monde de l’édition. C’est alors qu’un ami de Léon Vauban se présente à lui : il entend bien le faire chanter.

👉 Pourquoi faire découvrir ce film ?

👉 Malgré quelques incohérences, et une présentation irréaliste du métier d’universitaire / prof en faculté, il s’agit d’un divertissement efficace, au suspense rondement mené. Les acteurs (Ana Girardot, André Marcon, Marc Barbé, Thibault Vinçon) sont justes et la photographie est belle.

👉 L’écrivain en question est confronté à l’échec, agit avec duplicité, traverse des épreuves. Tout cela favorise l’identification de jeunes spectateurs.

👉 La passion de Mathieu pour la littérature est palpable et communicative. Martin Eden  est son livre de chevet, Romain Gary son maître, et le minuscule studio dans lequel il habite déborde de livres.

👉 Le film montre très bien ce qu’écrire une fiction veut dire. Avant de rencontrer son futur éditeur, Mathieu se documente sur l’Algérie, et sur l’écriture : il doit convaincre, faire croire que ce manuscrit qu’il a envoyé, il l’a porté en lui des semaines, des années durant. Il doit ensuite vivre avec son secret et pleinement incarner le personnage qu’il est devenu.

👉 Sans réfléchir à la portée de son geste, Mathieu recopie intégralement le journal de Léon Vauban, alors qu’il aurait pu s’en nourrir, s’en inspirer, y puiser de quoi construire une fiction nouvelle. L’œuvre offre ainsi une très subtile réflexion sur le plagiat, et sur les qualités qui font un réel écrivain.

👉 Empêtré jusqu’au cou dans ses mensonges, harcelé par son banquier et par son éditeur, Mathieu est longtemps victime du syndrome de la page blanche. Confronté à un rival un peu trop clairvoyant et à un maître chanteur qui le pousse à commettre l’irréparable, notre héros, prêt à tout pour ne pas tomber le masque, finit par trouver en lui les ressources pour écrire un livre. En cela, Un homme idéal peut être, aussi, perçu comme un hymne au dépassement.

Photo : Pierre Niney dans Un homme idéal (Yann Gozlan, 2015)

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