Qui sont les Catherine de la littérature classique ?

Catherine, la mégère apprivoisée

Immortalisée au cinéma par Eizabeth Taylor, celle que l’on appelle « La mégère apprivoisée » dans la pièce de Shakespeare est Catherine, une femme à la très – trop – forte personnalité que doit conquérir Petruchio.

Voilà comment Catherine est présentée dans le prologue :

« Je puis, Petruchio, te procurer une femme riche à foison, et jeune, et belle, élevée comme il convient à une fille de qualité.  Son seul défaut, et il est assez grand, c’est qu’elle est intolérablement bourrue, acariâtre et entêtée, à un point si démesuré que, ma fortune fût-elle bien inférieure à ce qu’elle est, je ne voudrais pas l’épouser pour une mine d’or. »[1]

Lady Catherine de Bourgh, la tante tyrannique d’Orgueil et préjugés

Dans Orgueil et préjugés, Catherine est l’impressionnante Lady Catherine de Bourgh, la tante de M. Darcy qui voit d’un très mauvais œil le rapprochement qui s’opère entre Elizabeth Bennet et Darcy. Lorsqu’elle comprend qu’Elizabeth est sur le point d’accepter la demande en mariage de Darcy, Lady Catherine se rend chez les Bennet pour faire annuler cette union. Cette aristocrate à qui l’on n’a jamais dit « non » restera désarmée par l’attitude d’Elizabeth, nullement impressionnée par le rang et les menaces de Lady Catherine.

Au cinéma, Lady Catherine a été interprétée par Judi Dench dans l’adaption de Joe Wright.

Catherine, l’éternelle romantique des Hauts de Hurlevent

Catherine Earnshaw est l’inoubliable héroïne des Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë. Indissociable de son âme sœur Heathcliff, Catherine est une âme tourmentée, complexe et capricieuse. Son orgueil la vouera à un destin tragique en refusant d’épouser Heathcliff.

Découvrez un des plus beaux passages des Hauts de Hurlevent dans lequel transparaissent la singularité et le caractère excessif de Catherine :

« Maintenant, ce serait me dégrader qu’épouser Heathcliff, aussi ne saura-t-il jamais combien je l’aime. Je l’aime non parce qu’il est beau mais parce qu’il est plus moi-même que je ne le suis. C’est difficile à expliquer, mais sûrement vous vous êtes dits parfois, comme tout le monde, qu’il y a, ou qu’il peut y avoir, une autre part de votre être au-delà de votre personne. A quoi bon avoir été créée si  j’étais tout entière contenue ici ? Mes grands chagrins en ce monde ont été ceux de Heathcliff et je les ai tous observés et sentis depuis le principe. Il est la grande pensée de ma vie. Si tous les autres périssaient et que lui seul demeurât, je continuerais encore d’exister, et si tous les autres demeuraient et que lui pérît, l’univers se transformerait en un vaste monde étranger; je n’aurais pas l’impression d’en faire partie. Mon amour pour Heathcliff est semblable au roc immuable qui est au-dessous de nous, il est nécessaire. »[2]

Catherine et Les Hauts de Hurlevent sont également évoqués dans la chanson de Kate Bush Wuthering Heights.

Catherine Maheu

Catherine Maheu est une des principales héroïnes du roman Germinal d’Emile Zola. Si Germinal constitue l’évocation épique d’un conflit social, c’est aussi le récit pathétique d’une histoire d’amour entre le personnage principal, Etienne Lantier, et Catherine Maheu, la fille aînée du couple ouvrier chez lequel loge le jeune homme.

Attirés l’un par l’autre dès le début de l’œuvre, Etienne et Catherine ne peuvent laisser libre cours à leur passion, Catherine étant plus ou moins liée à Chaval, un prétendant nocif et manipulateur. Ce n’est qu’à la toute fin du roman, lorsqu’Etienne et Catherine se retrouvent tous les deux prisonniers dans une même galerie de la mine qu’ils pourront donner libre cours à leur passion. Leur étreinte est d’autant plus passionnelle qu’elle survient après des semaines d’attente.

Au cinéma, Catherine Maheu a été immortalisée par Judith Henry dans le film de Claude Berri.

Vous souhaitez relire l’étreinte d’Etienne et Catherine dans Germinal ? Téléchargez notre appli Un texte Un jour !

Vous souhaitez relire des extraits des Hauts de Hurlevent et d’Orgueil et préjugés ? Téléchargez notre appli A text A day !

Illustration : Elizabeth Taylor dans La Mégère apprivoisée (Franco Zefirelli, 1967)

[1] Shakespeare, La Mégère apprivoisée, 1623

[2] Emily Brontë, Les Hauts de Hurlevent, 1847

 

Qui sont les Charles de la littérature classique ?

Prénom d’origine germanique, « Charles » vient du germanique « karl » qui signifie « viril ». Associé à la force et au pouvoir, ce prénom intemporel a souvent été l’apanage des rois ou de grandes figures politiques et intellectuelles.

De façon étonnante et tout à fait significative, les héros de la littérature qui se prénomment « Charles » ne frappent pas, au premier abord, par leur virilité !  Ils sont cependant assez nombreux pour esquisser le portrait de Charles aussi différents les uns des autres, et porteurs d’imaginaires riches et variés.

Charles de Batz-Castelmore, comte d’Artagnan

Eh oui, on l’ignore souvent, mais Charles est le prénom de d’Artagnan ! Au début des Trois Mousquetaires, d’Artagnan est un jeune Gascon qui monte à Paris pour intégrer le corps des mousquetaires de Louis XIII. Après une première rencontre conflictuelle avec les Mousquetaires – notamment avec Aramis, à propos d’un mouchoir brodé que d’Artagnan a la maladresse de ramasser – les quatre hommes deviennent amis. Tous les quatre s’opposeront au cardinal Richelieu pour sauver l’honneur de la reine Anne d’Autriche.

Généreux, courageux, mais aussi amoureux ; d’Artagnan est l’incarnation d’un certain idéal de jeunesse que rien ne semble pouvoir ternir. On le retrouve, plus âgé, dans Vingt après et Le vicomte de Bragelonne. Il est le plus grand personnage de cape et d’épée de la littérature française.

Charles Bingley, solaire et généreux

Personnage d’Orgueil et préjugés, Charles Bingley est le meilleur ami de Fitzwilliam Darcy. Alors que ce dernier apparaît comme un personnage fier et ténébreux, Charles frappe par son aspect solaire, sa profonde gentillesse et sa générosité. Ce sont ces qualités, qui détonnent au sein de l’aristocratie du  Hertfordshire, qui séduisent Jane Bennet, qui se reconnaît en tout point en Charles.

Malheureusement, la gentillesse de Charles nuit à sa clairvoyance. Manipulé par sa sœur Caroline, il en faut de peu pour qu’il passe à côté de l’amour de sa vie et c’est grâce à l’intervention de Darcy que Charles pourra finalement s’unir à Jane.

Si Charles Bingley peut par moment paraître un peu falot, il apparaît au bout du compte comme un personnage un peu jeune, et tellement bon qu’il ne voit le mal nulle part. La fin du roman et la très belle demande en mariage qu’il fait à Jane achèvent de brosser le portrait d’un personnage éminemment sympathique, comme on n’en trouve guère en littérature.

Charles Bovary, l’humilié magnifique

Charles Bovary est un des personnages les plus connus, et les plus malheureux de la littérature française ! Hanté par le traumatisme d’une entrée en cinquième catastrophique, « Charbovary » est un personnage qui n’est jamais à la hauteur, ni des rêves de sa femme, Emma, ni des ambitions sociales de sa mère. Médiocre officier de santé, on imagine aisément qu’il aspirait à une vie plus simple que celle dont rêvait sa femme Emma. Mais d’ailleurs, sait-il lui-même ce dont il rêve ?

Toujours satisfait de lui-même, il est difficile de trouver des circonstances atténuantes à ce personnage sans finesse, cocu idéal.

Charles Swann, l’aristocrate fin et élégant

C’est un Charles bien différent que dépeint Marcel Proust dans A la recherche du temps perdu ! Ami fidèle du narrateur, Charles Swann est un modèle d’élégance, de culture, de distinction et de raffinement. Personnage sentimental et complexe, Charles Swann s’est trouvé embrigadé dans une relation amoureuse avec Odette de Crécy, une vulgaire cocotte qui ne lui ressemble en rien. Une fois leur relation finie, Charles le reconnaîtra : « Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre »[1]. Il aura d’ailleurs une fille, Gilberte, avec Odette qu’il finira par épouser.

Apprenant au cours du roman qu’il est mourant, Charles Swann se confie à son amie Oriane de Guermantes qui n’en croit un mot et préfère le planter pour aller changer de chaussures : c’est la magnifique scène finale du Côté de Guermantes.

La fin tragique de Charles Swann laissera le Narrateur et les lecteurs d’A la recherche du temps perdu bouleversés. Le personnage sombrera néanmoins dans l’oubli, car, contrairement au Narrateur, Swann n’aura pas su devenir un artiste.

 

Vous souhaitez relire des extraits d’Orgueil et préjugés ? N’hésitez pas à télécharger A text A day ! Vous trouverez des extraits de Madame Bovary, ainsi que la fameuse scène des souliers rouges de Proust sur notre appli Un texte Un jour.

[1] Marcel Proust, Un amour de Swann, 1913

Illustration : Simon Woods dans le rôle de Charles Bingley dans le film Orgueil et préjugés de Joe Wright (2005)