Quels personnages de la littérature classique pourraient être membres du jury au festival de Cannes ?

Le festival de Cannes a commencé ! Petit tour d’horizon des personnages qui pourraient, grâce à leur sensibilité artistique, une personnalité haute en couleur et un rayonnement international faire partie du jury du festival !

Gatsby le magnifique 

Sa sensibilité et son raffinement, doublés d’un sens inégalé de la fête, font de Gatsby le candidat idéal, qui apporterait une touche de glamour essentiel au festival.

Isabel Archer dans Portrait de femme

L’héroïne d’Henry James est une Américaine pleine d’esprit ! En quête d’enrichissement esthétique en Europe, elle est obsédée par sa liberté intellectuelle qu’elle a peur de perdre. Son biculturalisme ferait d’elle un membre idéal, promesse de nombreux débats.

Kim

Le héros de Rudyard Kipling est un orphelin irlandais qui a grandi à Lahore, livré à lui-même. Devenu membre des services secrets britanniques, il est la parfaite incarnation du renouveau culturel d’une Asie qui a dépassé son héritage colonialiste. Son sens du secret professionnel et de la diplomatie feraient merveille au sein du jury.

Wilhelm Meister

Le héros du roman de Goethe est un voyageur, passionné de littérature et de théâtre et notamment de Shakespeare dont il aime à décortiquer les pièces. Comédien à ses heures perdues, il constituerait un membre du jury à la fois passionné et véritable garant de l’indépendance d’esprit du jury.

Lucy Honeychurch dans Avec vue sur l’Arno

L’héroïne du roman de Forster est une pianiste de grand talent qui serait sûrement ravie de faire partie du jury du festival de Cannes ! Ecartelée entre son éducation victorienne et une culture latine qu’elle se forge notamment en Italie, elle trouverait dans le festival une formidable respiration, et s’investirait pleinement dans les délibérations ; matières à réflexion pour sa propre évolution.

Jean Des Esseintes dans A rebours

Le héros du roman de Huysmans, est un monomaniaque passionné de culture sous toutes ses formes. Ce bibliophile n’aurait aucun mal à rester en vase clos plusieurs jours durant pour visionner des films et en débattre.

Fitzwilliam Darcy dans Orgueil et préjugés

Le héros du roman de Jane Austen est un véritable esthète. Ce collectionneur d’art et mélomane cache derrière une apparente froideur une grande sensibilité. Parangon de l’honnêteté intellectuelle, il resterait de marbre face aux bassesses des festivaliers qui pourraient tenter d’influer sur ses choix.

Joséphine March dans Les quatre filles du docteur March

L’héroïne du roman de Louisa May Alcott est une jeune femme entière. Passionnée de théâtre, c’est un écrivain à l’indéniable sensibilité qui saurait parfaitement analyser les ressorts scénaristiques des films en compétition.

Et ceux qu’il ne faut surtout pas convier…

Oblomov

Représentation par excellence de la léthargie et de la myopie de l’aristocratie russe du XIXè siècle, le héros du roman de Gontcharov est un gentil garçon qui semble né pour dormir… et ne rien faire ! Oblomov s’endormirait devant la moindre projection, l’obscurité à peine faite.

Falstaff

Quel gâchis ! Ce personnage shakespearien, que l’on retrouve aussi bien dans Henri IV que dans Les Joyeuses Commères de Windsor est un bouffon truculent impossible à canaliser. Roublard et menteur, il transformerait le moindre jury soudé en véritable champ de bataille.

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Illustration : une partie des membres du jury du festival de Cannes de 2015

Qui sont les Jules de la littérature classique ?

Il est troublant de constater que le prénom « Jules » est associé en littérature à deux personnages qui se trouvent être des oncles ! Le prénom ferait-il l’oncle ? Ou l’oncle idéal s’appellerait-il nécessairement Jules ? Nous ne sommes pas loin de le penser, après avoir relu La Gloire de mon père de Marcel Pagnol !

« Mon oncle Jules » de Maupassant

Jules est avant tout le héros de la nouvelle de Maupassant, « Mon oncle Jules », que vous retrouverez au sein du recueil Miss Harriet, publié en 1884.

La nouvelle, lapidaire et cruelle à l’image des écrits de Maupassant, raconte le drame familial qu’ont connu les Davranche, plusieurs années auparant.

Les Davranche sont donc une famille désargentée du Havre. Le narrateur, Joseph, a alors deux sœurs à marier et son père est un petit employé de bureau qui ne peut leur offrir de dot. A l’issue du mariage de la sœur cadette, qui trouve finalement un mari, les Davranche s’offrent un voyage en bateau vers Jersey, destination courante en partant du Havre. Sur le bateau, un homme prématurément vieilli ouvre des huîtres aux voyageurs. Epouvantés, les parents de Joseph reconnaissent en cet homme l’oncle Jules, disparu des années plus tôt !

Qui est-il cet oncle ? Joseph Davranche nous le raconte : Jules était le frère de son père qui avait été contraint de partir aux Etats-Unis après une escroquerie familiale. De là-bas, il avait écrit deux lettres qui assuraient les Davranche de sa prochaine réussite. Ces derniers restent finalement sans aucune nouvelle plusieurs années durant. L’oncle Jules devient, dans la mythologie familiale, cet « oncle d’Amérique » dont on se glorifie et qu’ils pourront bientôt pouvoir rejoindre.

L’oncle Jules est donc une sorte d’Arlésienne, un mythe qui draine des images de réussite, d’aventure et d’exotisme. A noter que l’expression « oncle d’Amérique » est d’ailleurs passée dans le langage courant, désignant un parent riche et émigré, dont on reçoit un héritage inattendu.

L’Oncle Jules dans La Gloire de mon père et Le Château de ma mère

« L’oncle Jules était né au milieu des vignes, dans ce Roussillon doré où tant de gens roulent tant de barriques. Il avait laissé le vignoble à ses frères, et il était devenu l’intellectuel de la famille, car il avait fait son droit : mais il était resté fièrement catalan, et sa langue roulait les R comme un ruisseau roule de graviers. »[1]

C’est un tout autre « oncle Jules » qui est décrit dans La Gloire de mon père et Le Château de ma mère de Marcel Pagnol. Immortalisé au cinéma par Didier Pain, l’oncle Jules est le mari de tante Rose. Lorsque Marcel rencontre Jules au parc Borély, ce dernier lui fait croire qu’il est le directeur du parc. Il est en réalité « sous-chef de bureau à la préfecture » et il est âgé de « trente-sept ans ». Généreux, taquin, Jules devient un formidable compagnon de jeu pour Marcel et son frère Paul. C’est lui qui initie Joseph, le père de Marcel, à la chasse et c’est une forte amitié teintée de légère rivalité qui unit les deux hommes. Jules est catholique quand Joseph est laïque, et leur divergence d’opinion donne lieu à de savoureuses scènes.

Marcel Pagnol nous apprend que si tout le monde l’appelle Jules, sur décision de tante Rose, son véritable prénom est Thomas !

« Mais ma chère tante ayant entendu dire que les gens appelaient Thomas leur pot de chambre, avait décidé de l’appeler Jules, ce qui est encore beaucoup plus usité pour désigner le même objet. L’innocente créature, faute d’avoir fait son service militaire, l’ignorait, même pas Thomas-Jules, qui l’aimait trop pour la contredire, surtout quand il avait raison ! »[2]

Illustration : Didier Pain, Julien Ciamaca et Philippe Caubère dans La Gloire de mon père d’Yves Robert (1990)

[1] Marcel Pagnol, La Gloire de mon père, 1957

[2] Marcel Pagnol, La Gloire de mon père, 1957