Littéraire et fière de l’être : Gaëlle Picut

« Pour moi, peu importe que ce soit des écrivains hommes ou femmes, des héroïnes ou des héros, c’est l’humain qui m’intéresse, dans ce qu’il peut avoir de plus admirable ou de plus noir »

Se lancer dans une nouvelle, et seconde aventure professionnelle n’est jamais simple ! Lorsque je me suis lancée dans l’univers des applications et du numérique avec ma mère Dominique, il y a quatre ans, il m’a fallu jongler entre mon métier de prof et ma nouvelle activité, et de nouvelles problématiques sont apparues à moi. C’est en tentant de répondre à ces questions sur le mode de vie, la conciliation entre vie professionnelle et personnelle que j’ai découvert En Aparté, le blog de Gaëlle. Cette journaliste et blogueuse y relate ses observations, impressions et témoignages autour de la vie professionnelle et personnelle. Gaëlle m’a d’ailleurs consacré deux interviews.

Passionnée d’éducation, portant un regard averti et aiguisé sur les réformes que connaît notre système éducatif, soucieuse de la conservation de notre patrimoine littéraire et culturel, il me fallait, après la parution d’un article ô combien rafraîchissant, passer Gaëlle à la question !

Gaëlle, quelle lectrice es-tu et notamment quelle lectrice de classiques es-tu ?

Je suis une lectrice un peu boulimique, en ce sens que je dévore les livres. Je lis très vite ! Et lorsque j’aime un livre, j’ai du mal à faire autre chose (mes enfants me le reprochent d’ailleurs un peu ;-)…En revanche, mon rythme de lecture est assez inégal. Je peux lire beaucoup durant plusieurs semaines puis faire une grande pause. Enfant, j’ai le souvenir d’avoir régulièrement rallumé en cachette ma lampe de chevet ou une petite lampe de poche (je croyais naïvement que c’était plus discret…) pour finir un livre. J’étais inscrite à la bibliothèque municipale de mon quartier et je me souviens que les bibliothécaires étaient impressionnées par le nombre de livres que j’empruntais. J’en tirais une certaine fierté ! J’ai lu beaucoup de classiques jeune. Je me souviens que mes parents (enfin, surtout ma mère) m’ont bien conseillée, ensuite ils m’ont laissé une totale liberté dans mes lectures. Je les en remercie car j’ai beaucoup appris grâce aux livres. Collégienne puis lycéenne, j’ai dévoré Jules Verne, Dumas (père et fils), Balzac, Zola, Flaubert, Maupassant puis Camus, Céline, Gide, Mauriac… mais également des auteurs étrangers (Herman Hesse, Stefan Zweig, Thomas Mann)

A l’âge de 11-12 ans je pense, Le Comte de Monte Cristo a été un vrai coup de cœur. Cette terrible histoire de vengeance m’a beaucoup marquée. En revanche, il y a certains classiques que je n’ai jamais pu terminer : Proust par exemple. J’ai fait plusieurs essais, mais en vain…

Y-at-il des classiques qui constituent pour toi des œuvres de chevet ?

J’ai un attachement particulier pour Belle du Seigneur. Je l’ai lu à 18-20 ans, et relu il y a 1 ou 2 ans. Pour moi c’est un chef d’œuvre, même si je suis bien consciente que le style est particulier et que la longueur peut effrayer. J’ai également relu il y a quelques années certains romans de Dostoïevski, ils sont vraiment admirables.Mais sinon, je relis très peu de classiques, ce qui est un tort d’ailleurs car la littérature contemporaine est parfois un peu fade. Et je me dis souvent que je ferais mieux de relire de bons classiques plutôt que des titres récents moyens… Mais je crois aussi que j’ai un peu peur d’être déçue en relisant des classiques… D’un autre côté, je suis persuadée qu’il y a certains classiques que j’ai lu un peu jeune et que j’apprécierais sans doute encore plus aujourd’hui.

Tu es une journaliste engagée sensible notamment à la cause des femmes et à la conciliation vie privée-vie professionnelle. Y-a-t-il des héroïnes de la littérature ou des femmes de lettres qui ont pu constituer une source d’inspiration, forger ta représentation des femmes ?

La littérature en général me semble un formidable vecteur de liberté, que l’on soit un homme ou une femme. Je n’avais jamais réfléchi à ta question en fait ! Elle est intéressante. J’ai peut-être été influencée, plus ou moins inconsciemment, par des auteurs comme George Sand, Colette, Daphné du Maurier, Sagan. En revanche, je n’ai pas de nom d’héroïne qui me vienne comme cela spontanément. Pour moi, peu importe que ce soit des écrivains hommes ou femmes, des héroïnes ou des héros, c’est l’humain qui m’intéresse, dans ce qu’il peut avoir de plus admirable ou de plus noir.

Le journalisme était-il une vocation de jeunesse ? Comment l’idée d’une profession autour des mots, si telle est la conception de ton métier, s’est-elle imposée ?

Etudiante, je rêvais de travailler dans l’édition. Je me sentais redevable à la littérature et j’avais envie d’apporter quelque chose à ce secteur. J’ai d’ailleurs fait plusieurs stages dans ce milieu. Par ailleurs, je rêvais d’épouser un écrivain ! C’était mon fantasme 😉

Puis les choses évoluent ! J’ai épousé quelqu’un qui n’était pas du tout écrivain (mais qui a une sensibilité littéraire 😉 et qui avait un métier qui faisait que nous n’allions pas vivre à Paris (du moins pas avant quelques années). J’ai alors décidé de me tourner vers le journalisme. J’aime écrire, traduire en mots ce que j’observe, essayer de transmettre ce que j’ai appris, compris. Régulièrement je réalise que je gagne ma vie grâce à des mots, et je trouve cela plutôt chouette;-)

Quel regard portes-tu sur l’enseignement et la transmission de la littérature classique aujourd’hui  ?

Ouh là là, tu me lances sur un sujet très sensible sur lequel je suis intarissable ! Globalement, je trouve que l’enseignement du français a beaucoup baissé. Les raisons sont multiples : baisse du nombre d’heures consacrées au français, quasi-abandon de l’orthographe et de la grammaire, exercice de la rédaction de plus en plus tardif, etc.

Lire est désormais en concurrence avec plein d’autres activités, notamment les jeux vidéos, les films, les séries, les réseaux sociaux… Bien sûr il existe des professeurs et des écoles « résistantes » mais ils sont trop rares. J’aimerais plus de défis lecture organisés dans les classes, de livres à lire durant les vacances. Je souhaiterais qu’on leur fasse découvrir à la fois des œuvres classiques mais également de bons romans jeunesse contemporains.

Tu es mère de trois enfants. Y-a-t-il des auteurs ou des œuvres que tu as réussi à leur faire découvrir ou que tu aimerais un jour leur faire découvrir ? La littérature constitue-t-elle un vecteur de transmission au sein de votre famille ?

Il y en a tellement que j’aimerais leur faire découvrir mais j’ai du mal. Pourtant, enfants, leur père et moi, nous leur avons lu des centaines d’histoires ! Et ils savent que je ne refuserai jamais de leur acheter un livre. Mais ils n’en profitent pas assez à mon goût. Qu’ils perçoivent la lecture davantage comme une obligation, du travail que comme une formidable possibilité d’évasion, de détente, d’apprentissage m’attriste un peu. Après je me dis que nous plantons des graines et j’espère qu’un jour elles écloront. C’est tout le travail d’éducation d’ailleurs ! Un travail de long terme et on ne sait jamais à l’avance ce qu’il produira ;-)Et puis, parfois, un livre réussit à les happer et je suis toute contente ! (mais c’est rarement un classique…). Mon fils lit énormément de BD et de magazines, c’est déjà un bon point ! Ma fille lisait beaucoup lorsqu’elle était en primaire mais depuis qu’elle est au collège, la lecture a malheureusement perdu pas mal d’attraits à ses yeux.

Une bonne nouvelle : ma fille aînée hésite à passer en première L l’an prochain, c’est une grande joie pour moi de l’avoir vu durant son année de seconde, grâce à une excellente professeur de français, se laisser emmener vers des œuvres exigeantes mais passionnantes.

Bref, ils n’ont pas fini de m’entendre louer les vertus de la lecture !

Pour découvrir le blog de Gaëlle Picut : http://www.en-aparte.com/

Illustration : Gaëlle Picut

Avoir la classe avec les classiques : les livres à offrir pour la fête des pères !

Si votre père vous gonfle…

  • Le père Goriot : à force d’avoir voulu trop donner à ses filles, le personnage éponyme du roman de Balzac est un père à la fois étouffant et épuisant.

Si votre père est trop absent…

  • Phèdre : au début de la tragédie de Racine, Thésée est un père qui a littéralement disparu. Son fils Hippolyte le cherche en vain. Quand Thésée réapparaît enfin à Trézène, c’est une situation ô combien compliquée qui l’attend.
  • La Curée : Aristide Saccard est un homme pressé, un spéculateur très occupé à ses affaires et qui ne voit pas que sa femme le trompe avec son fils issu d’un premier mariage !

Si votre père est une lavette …

  • Tartuffe : Orgon, le père de Damis et Marianne, accueille chez lui à bras ouverts son « grand ami » Tartuffe. Littéralement aveuglé, Orgon ne voit pas qu’il met en danger sa famille.

Si votre père est un modèle de bonté et de générosité

  • Une Vie : le père de Jeanne Le Perthuis des Vauds est un gentilhomme bloqué au XVIIIème siècle. Ce père un peu trop faible aime sa fille d’un amour sincère, et lui transmet son goût pour la nature.
  • Orgueil et préjugés : drôle, sarcastique, tendre et attentif à ses filles, M. Bennet est un modèle de père. Toujours prêt à prendre la défense de sa fille chérie Elizabeth, il est également très conscient des nombreux défauts de son épouse. Contrairement à cette dernière, il ne laisserait pas ses filles épouser n’importe qui !

Si votre père vous a façonné(e) intellectuellement

  • Autant en emporte le vent : il en faut du caractère et de la force pour élever une Scarlett O’Hara et s’occuper d’une propriété telle que Tara ! C’est le père de Scarlett, Gerald O’Hara, qui rappelle à Scarlett ses devoirs et ses origines irlandaises. C’est à Gerald qu’elle doit son amour de la terre et son goût pour l’équitation.
  • La Gloire de mon père : le roman de Pagnol est un magnifique hommage à son père instituteur, à qui Marcel voue une véritable adoration qui n’empêche pas la lucidité.
  • Pantagruel : la lettre de Gargantua à son fils Pantagruel constitue un véritable traité d’éducation humaniste.
  • L’Odyssée : Télémaque est un fils qui attend religieusement le retour de son père. Ce dernier est une figure indétrônable malgré les nombreux prétendants qui courtisent Pénélope.

Si vous êtes une fille perdue sans son pôpa

  • Les Misérables : Jean Valjean est un père admirable pour Cosette !

Si vous voulez provoquez une crise familiale

  • Eugénie Grandet : le père Grandet est un parangon de tyrannie et d’avarice mêlées qui s’oppose au bonheur de sa fille, Eugénie.
  • Notre-Dame de Paris : le « père adoptif » de Quasimodo, Claude Frollo, soumet son fils à maints mauvais traitements. Faut-il vous faire un dessin ?

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Illustration : Jacques Gamblin et Marc-André Grondin dans Le premier jour du reste de ta vie de Rémi Bezançon (2008)