« Basic Instinct » ou la suspension d’incrédulité

« Vous avez affaire à un esprit diaboliquement retors. C’est que ce livre a dû être écrit au moins six mois si ce n’est plusieurs années avant d’être publié. Ce qui veut dire que l’auteur avait dû préméditer ce crime dans son subconscient depuis ce temps. Et le fait qu’elle l’ait réalisé indique un comportement d’obsession psychopathe ».

L’art qui imite la vie ou la vie qui imite l’art ?

Basic Instinct est un de mes films culte. Non pas un de mes films préférés, mais un film que j’aime beaucoup, que je revois souvent, avec un plaisir presque coupable mais assumé, parce que j’ai le sentiment de ne jamais en épuiser les significations malgré ses très nombreux clichés. Le scénario me paraît magistral, les acteurs parfaitement dirigés (on parle toujours de Sharon Stone mais Jeanne Tripplehorn est extrêmement convaincante), la photographie n’a pas pris une ride, et si le film me plaît tant, c’est parce que l’élucidation de son intrigue repose finalement sur une question, vieille comme la création : est-ce l’art qui imite la vie ou la vie qui imite l’art ?

Une romancière de second ordre

Rappelez-vous, Sharon Stone est l’énigmatique Catherine Tramell, une romancière de second ordre qui écrit « des romans sur des gens pas comme les autres » et qui est soupçonnée d’avoir commis un meurtre décrit dans un de ses ouvrages. Catherine a-t-elle commis ce crime ? Ou est-ce la psychiatre Elisabeth Garner qui serait passée à l’acte par identification et jalousie envers Catherine ?

Le travail de l’écrivain

Dans le film, si le spectateur ne la voit pas écrire (on la voit parfois imprimer le résultat de son travail), je n’ai aucun mal à croire au temps que Catherine consacrerait à ses recherches, et à cette maturation nécessaire à la création littéraire. Catherine est à proprement parler une autrice, une autrice certes totalement psychotique, dangereuse et immorale, mais quelqu’un qui sait s’emparer de ce qu’elle vit pour le transmuer, à la manière d’un alchimiste. Quelques phrases, certes caricaturales, mais habilement placées, participent d’ailleurs de l’illusion du réel (« quand vous inventez, il faut que ce soit crédible, ça s’appelle la suspension d’incrédulité« ) et rares sont les films mettant en scène des écrivains que je trouve réussis, qui me font croire au travail de l’écrivain.

La folie, cet instinct basique

Les livres que Catherine écrit sont-ils bons ? Sûrement pas, et Paul Verhoeven a le bon goût de ne laisse planer aucune ambiguïté à ce sujet. En revanche, le cinéaste nous laisse à penser que le chemin de la création serait nécessairement tortueux et marécageux, et que nous sommes tous le fou de quelqu’un d’autre. Un film véritablement dérangeant, mais presque drôle dans sa folie, et qui vieillit comme du bon vin.
© Michael Douglas et Sharon Stone dans Basic Instinct (Paul Verhoeven , 1992)

2 réflexions sur « « Basic Instinct » ou la suspension d’incrédulité »

  1. Reecouter Helene Frappat : « Le roman, la litterature, la suspension d incredulite et la fiction, c est ca notre Basic Instinct» Helene Frappat : « Le roman, la litterature, la suspension d incredulite et la fiction, c est ca notre Basic Instinct»

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