Quels classiques pour vos enfants ? « Le Lion » de Joseph Kessel

J’ai découvert Le Lion en classe de quatrième et sa dernière phrase (« Et les bêtes dansaient. »), comme l’évolution que connaît son héroïne, m’ont très longtemps hantée. Récit de l’amour fou que voue une petite fille à un animal sauvage, Le Lion dit ces blessures de l’enfance dont on ne se remet jamais mais qui n’en demeurent pas moins inévitables pour trouver son chemin.

Que raconte Le Lion ?

Le Kenya dans les années 1950. Le narrateur, un Parisien dont nous ignorerons le nom jusqu’à la fin, a entamé un long voyage en Afrique orientale. Frustré de ne pas avoir pu approcher de plus près les animaux croisés durant son périple, il choisit d’achever son parcours par un séjour dans une réserve animalière, un parc royal du Kenya où il est assuré de croiser « les bêtes sauvages dans toutes les formes de leur vie ».

Il y est accueilli par une singulière famille, celle du propriétaire du parc, John Bullit. John est l’époux de Sybil, une femme sophistiqué, issue de la haute bourgeoisie, ayant tout quitté par amour. Malade des nerfs, fragile, Sibyl ne supporte pas sa vie dans la réserve auprès d’un mari accaparé par les animaux. Le couple a une fille de dix ans, Patricia. Sibyl rêverait d’en faire une citadine et de l’envoyer dans les meilleurs pensionnats parisiens, mais l’enfant apparaît téméraire, frondeuse, viscéralement attachée au pays dans lequel elle a grandi.

Patricia entretient des liens de confiance avec les Masaïs,; mais elle a surtout noué une relation exceptionnelle, pour ne pas dire fusionnelle, avec un lion, King, qu’elle a connu bébé. Bien qu’ayant dû lui rendre sa liberté après avoir passé plusieurs années à ses côtés, Patricia continue à côtoyer King. La bête et l’enfant, qui n’en est plus tout à fait une, se donnent chaque jour rendez-vous.

Pourquoi ce livre ?

Parce qu’il constitue une parfaite introduction à l’œuvre de Joseph Kessel, ce romancier du voyage et de l’aventure, qu’on pourrait hisser au rang de lion impossible à mettre en cage.

Parce qu’il constitue un très beau portrait d’une héroïne forte et avide d’indépendance.

Parce qu’il est écrit dans une langue simple, puissante et énergique.

Parce qu’il est une invitation au voyage.

Parce qu’il constitue un hymne à la liberté, une ode à la nature, à l’Afrique et à ses animaux sauvages.

@ Pixabay

Vous cherchez d’autres idées de lecture pour vos enfants ? Pourquoi ne pas leur faire découvrir Les quatre filles du docteur March de Louisa May Alcott, les romans d’Agatha Christie, Le Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux, les souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol, ou L’homme qui plantait des arbres de Jean Giono ?

 

 

 

 

Pourquoi « Monsieur Prudhomme » est-il un poème universel ?

« Il est grave : il est maire et père de famille. » C’est ainsi que commence « Monsieur Prudhomme », le premier poème publié par Verlaine, en 1866, à l’âge de 19 ans, que vous pouvez retrouver sur les applications Un texte Un jour et Un Poème Un Jour, ainsi que sur le livre Un texte Un jour, Traverser la littérature en 365 jours.

Ce poème satirique, drôle, et brillant, est un des plus célèbres poèmes de Paul Verlaine, et probablement un des poèmes les plus connus de la littérature française. Pourquoi ?

Avant d’aborder le poème, rappelons que Monsieur Prudhomme est un personnage créé par le dramaturge et caricaturiste Henri Monnier en 1830 dans ses Scènes populaires. Un « prudhomme » désigne un homme expert, reconnu pour ses valeurs telles que le courage, la loyauté, mais « prudhomme » peut aussi désigner, de manière péjorative,  un homme prudent. Quoi qu’il en soit, le terme de « prudhomme » est employé chez Henri Monnier de manière péjorative, et le personnage devint si populaire qu’il inspira Verlaine, mais aussi Sacha Guitry, Honoré Daumier ou encore Franquin, puisque dans la bande dessinée Spirou et Fantasio, le personnage de Pacôme Hégésippe Adélard Ladislas, comte de Champignac est un hommage à Monsieur Prudhomme !

Un poème brillant sur Monsieur Prudhomme et Monsieur Machin

Monsieur Prudhomme est en apparence un bourgeois tranquille, installé, pour qui, quoi qu’il arrive « le printemps en fleur sur ses pantoufles brille. ». Il est maire et père de famille, mais notre pauvre homme est grave, et a trop de soucis.

Ses vêtements sont d’apparat, son faux col est démesuré, et ses chaussures, qui trahissent le confort, sont des pantoufles qui brillent pour accentuer son ridicule.

Ce grand contemplatif rêve parce qu’il ne pense pas, mais Monsieur Prudhomme est un homme de projet. « Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille / Avec monsieur Machin » : gendre idéal, Monsieur Machin est riche, politiquement correct (« juste milieu » c’est-à-dire au centre, et botaniste à ses heures perdues !

Un poème faussement simple, porteur d’un double discours cinglant

Mais ce poème est bien plus qu’une caricature d’un bourgeois ! Faussement classique dans sa forme, le poème entremêle deux voix : d’une part,  celle du poète, du locuteur, qui nous décrit Monsieur Prudhomme, et d’autre part celle de Monsieur Prudhomme lui-même, lorsqu’il évoque la poésie ou les poètes ! « Monsieur Prudhomme » nous offre une satire de la bourgeoisie à travers le regard que porte le bourgeois sur la poésie et les poètes.

Une parodie de la poésie romantique

Nous l’avons dit, notre homme est un rêveur et Monsieur Prudhomme est sensible à une certaine poésie. Malheureusement, la poésie qu’il aime ne comporte que des clichés et associations rebattues (« la charmille », « l’oiseau [qui] chante à l’ombre, les « prés verts », « printemps en fleurs ). Enfin le soleil, qui pourrait constituer un thème romantique, n’a ici pour fonction que de faire briller les chaussures de monsieur Prudhomme.

Un poème dans lequel Verlaine règle ses comptes avec la bourgeoisie

Rappelons qu’au XIXe siècle, les bourgeois perçoivent les poètes comme sont des êtres improductifs, paresseux, porteurs de révolte et assimilables à un danger.

Ainsi, Monsieur Prudhomme a en horreur les poètes, ces « faiseurs de vers », tous des « vauriens », des « maroufles », des « fainéants », « barbus, mal peignés ». Ces poètes, qui sont-ils ? Verlaine, pardi, en est le premier représentant !

 

Pour un coup d’essai c’est un coup de maître ! Ce portrait d’un personnage satisfait, adepte des idées reçues et à l’existence parfaitement chorégraphiée, est un formidable pied-de-nez à la bourgeoisie, mais surtout un des plus brillants exemples d’une poésie qui sait se mettre en scène et se moquer d’elle-même.

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© Mr. Prudhomme. Tu vois, oh! mon fils…, Honoré Daumier (1808-1879)