Huit autrices qui ont été invisibilisées par des hommes, à découvrir sur l’application et le livre « Un texte Une femme »

L’application et le livre Un texte Une femme vous permettent de redécouvrir la condition féminine dans ses aspects les plus variés, en vous proposant, chaque jour, un texte qui parle des femmes, et qui est écrit par une femme engagée, connue ou méconnue. De la romancière à la sage-femme, de la physicienne à la salonnière, des États-Unis à Tahiti en passant par le Québec ou la Suisse, du roman aux mémoires en passant par les lettres et essais, les autrices, textes et thèmes abordés sont particulièrement variés.

Cent-dix autrices figurent au sein de l’application et du livre, et, en découvrant leur biographies, l’on réalise que si certaines n’auraient peut-être pas réussi à écrire, construire une œuvre ou une carrière, sans le soutien d’un père, d’un mari, d’un ami ou d’un mentor, plusieurs d’entre elles furent invisibilisées par les hommes. Retour sur huit autrices dont les hommes entravèrent le parcours.

Louise Bourgeois (1563-1636) fut accusée de négligence et interdite d’enseignement

Première sage-femme à avoir écrit des traités d’obstétrique, première à prescrire l’administration de fer pour soigner l’anémie des femmes enceintes, Louise Bourgeois fut la sage-femme des grands de ce monde et de la reine, Marie de Médicis. Lorsque Marie de Bourbon duchesse de Montpensier, décéda après son accouchement, une autopsie fut pratiquée par des chirurgiens. Louise Bourgeois fut accusée de négligence, et elle dut se justifier dans un essai. Elle se vit aussi refuser le droit d’enseigner à la faculté de médecine, malgré une pétition de sages-femmes parisiennes.

Un texte de Louise Bourgeois est à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842) fut freinée par son mari

Fille d’un pastelliste qui lui transmet sa passion pour le dessin, Élisabeth Vigée Le Brun devint peintre officiel de la cour de Louis XVI et fut proche du roi et de Marie-Antoinette. Son talent précoce et sa formation lui permirent de voir son travail très tôt remarqué, et elle croula jeune sous les commandes, tout en ne cessant jamais de se former. Son mari, Jean-Baptiste-Pierre Lebrun, restaurateur de tableaux, dilapida sa fortune, dont il disposait entièrement.

5 textes d’Élisabeth Vigée Le Brun sont à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Henriette Campan (1752-1822) fut empêchée par Louis XVIII

Lectrice des filles de Louis XV puis femme de chambre de Marie-Antoinette, Henriette Campan, après la mort de Louis XVI et la Révolution, fonde un pensionnat de jeunes filles à Saint-Germain-en-Laye. L’institution, florissante, a pour élèves des membres des familles Beauharnais et Bonaparte. En 1807, Napoléon associe madame Campan à la création de la maison d’éducation de la Légion d’honneur, au château d’Écouen. Elle y officie jusqu’à la Restauration, lorsque Louis XVIII signe une ordonnance royale restituant le château d’Écouen au prince de Condé. Mme Campan tombe alors en disgrâce.

2 textes d’Henriette Campan sont à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Germaine de Staël (1766-1817) fut condamnée à l’exil et censurée par Napoléon Ier

Parce que la salonnière et autrice Germaine de Staël refusait de prêter allégeance à l’absolutisme, et que ses idées, libérales et sociales (elle réclame le droit au divorce), vont à l’encontre du premier Empire, Napoléon Ier condamne Germaine de Staël à l’exil en 1803. C’est à l’occasion de son exil que Mme de Staël découvre la littérature et la philosophie allemandes. Elle se consacre à l’écriture de De l’Allemagne, six années durant. En 1810, le livre est achevé et Mme de Staël décide de rejoindre la France afin d’en surveiller l’impression. Toujours en disgrâce auprès de l’empereur, elle s’installe à une distance raisonnable de Paris, dans le Loir-et-Cher. Mais les soldats de la police napoléonienne ont pour mission de mettre en pièces les dix mille exemplaires tirés du livre, et Germaine de Staël a l’ordre de quitter la France sous trois jours.

7 textes de Germaine de Staël sont à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Flora Tristan (1803-1844) fut séquestrée par son mari et invisibilisée par son beau-père

Flore Célestine Thérèse Henriette Tristan Moscoso Laisnay est la fille d’un noble péruvien, Mariano de Tristán y Moscoso, colonel au sein de l’armée du roi d’Espagne, et d’Anne-Pierre Laisnay, une petite bourgeoise parisienne, émigrée en Espagne pendant la Révolution française. Mariano et Anne-Pierre se marient en Espagne puis s’installent à Paris, où Flora naît. Mariano ne prend pas le temps de régulariser son mariage, et lorsqu’il meurt, en 1808 – Flora a alors 4 ans et demi – la fortune familiale revient à son frère, demeuré au Pérou. Flora et sa mère vont vivre plusieurs années durant dans la plus grande misère, après avoir connu l’opulence. À dix-sept ans, Flora travaille chez un coloriste graveur qu’elle est contrainte d’épouser. L’homme est violent, sadique, et il séquestre Flora. Celle-ci ne réussit à s’enfuir qu’après la naissance de leur troisième enfant, Aline, la future mère du peintre Paul Gaugin. Flora ne parvient pas obtenir le droit de divorce et les droits des femmes deviennent son cheval de bataille. En 1833, Flora Tristan voyage au Pérou dans l’espoir d’être reconnue par sa famille paternelle. Sa démarche n’aboutit pas, son oncle la considère comme une bâtarde, mais Flora puise dans cette expérience pour écrire son premier livre, Pérégrinations d’une paria, qui reçoit un accueil très favorable.

5 textes de Flora Tristan sont à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Louise Colet (1810-1876) fut invisibilisée par Gustave Flaubert

Louise Révoil de Servannes, dite Louise Colet, ne fut pas seulement la muse et la maîtresse de Gustave Flaubert ! Prolifique femme de lettres et notamment poétesse, Louise Colet reçut de nombreux prix prestigieux à commencer par celui de l’Académie française. Son salon était fréquenté par  Victor Hugo, Musset, Vigny, ou Baudelaire pour ne citer qu’eux. En 1846, elle rencontre Gustave Flaubert et leur liaison, sentimentale et épistolaire, et relativement déséquilibrée, durera dix ans, Flaubert ne se consacrant pas assez à Louise, selon cette dernière. Après leur rupture, l’auteur de Madame Bovary ne cessera de dénigrer l’œuvre de son ancienne maîtresse, ce qui explique en partie l’oubli relatif dans lequel sont tombés les écrits de Louise Colet.

5 textes de Louise Colet sont à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Pōmare IV (1813-1877) vit son pouvoir contesté par Abel Aubert Dupetit-Thouars

Pōmare IV, issue d’une dynastie royale, devint reine de Tahiti à l’âge de quatorze ans,  après la mort de son frère Pōmare III. Au cours de son règne d’une durée de cinquante ans, Pōmare IV vit son territoire, qui était dirigé par les missionnaires britanniques, devenir un protectorat français sous l’influence du navigateur français Abel Aubert Dupetit-Thouars, et contre sa volonté. Ce dernier imposa à la reine de reconnaître aux Français la liberté de circuler et de s’installer. Renversée puis rétablie, Pōmare IV dut composer avec ces deux autorités et lutta pour la reconnaissance et le maintien de son autorité. Elle était surnommée « la reine Victoria des mers du Sud ».

Un texte de Pōmare IV  est à découvrir sur l’application et le livre Un texte Une femme

Un texte Une femme, La littérature au féminin en 365 jours est publié chez LibriSphaera.

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A lire aussi : Dix autrices qui ont été soutenues par des hommes

Six raisons de relire George Sand

Le 1er juillet 1804 naissait Aurore Dupin, plus connue sous le nom de George Sand. Au-delà de la légende d’une femme de lettres fumant le cigare, portant le pantalon, prenant de nombreux amants parmi lesquels Alfred de Musset et Chopin, George Sand fut l’amie et confidente de Victor Hugo, Gustave Flaubert, Eugène Sue ou Dumas fils, pour ne citer qu’eux. Menant une existence mouvementée, cette femme de lettres sincère assimila la quête du bonheur à une régénération morale et à une meilleure redistribution des richesses.

Nous vous donnons six raisons de vous plonger dans son œuvre, à redécouvrir sur l’application Un texte Une femme et le livre Un texte Une femme, La littérature au féminin en 365 jours.

  • George Sand est féministe

Éprise de liberté, George Sand se séparera de son mari Casimir Dudevant et prônera le droit au bonheur, dans ou en dehors du mariage. George Sand en est même persuadée : comme elle l’écrit à son amie Marie-Sophie Leroyer de Chantepie, « vous me demandez si vous serez heureuse par l’amour et le mariage. Vous ne le serez ni par l’un, ni par l’autre, j’en suis bien convaincue. »[1]

Dans le roman Indiana, George Sand met en scène une héroïne souffrant d’un profond mal-être, enlisée dans une situation qui ne lui convient pas et qu’une passion amoureuse pourrait réveiller. Le roman paraît en 1832 et il connaît un succès immédiat et important. Néanmoins, George Sand essuie de nombreuses critiques puisqu’on lui reproche de s’attaquer à l’institution du mariage, comme aux maris. On lui reproche également d’instrumentaliser la littérature à des fins personnelles, puisque George Sand et son mari, Casimir Dudevant, sont alors au bord de la rupture. Le couple se séparera officiellement en 1835. Dix ans après sa parution, George Sand écrit une préface à Indiana dans laquelle elle réaffirme ses valeurs féministes, et la nécessité de ce roman.

  • George Sand vous fera redécouvrir la nature, et le Berry, comme vous ne les avez jamais lus

Déçue par la Révolution de 1848, George Sand se détourna de la politique pour se consacrer à des œuvres champêtres empreintes de naïveté dans lesquelles s’exprime une quête de vérité. Viscéralement attachée à la région du Berry, où elle vécut et décéda en 1876, « la Bonne Dame de Nohant » y situa nombre de ses intrigues, comme en témoignent La mare au diable, ou La petite Fadette. Ses héros ressemblent souvent à des paysans courageux et marginaux obstinés qui connaissent et comprennent de façon intime et physique le territoire qui est le leur. George Sand y met en avant les traditions locales, comme dans Les maîtres sonneurs, dédié à la cornemuse, alors très populaire dans le centre de la France.

Mais George Sand peut aussi faire preuve d’audace dans son évocation du Berry ! Dans Légendes rustiques, qui restitue douze croyances populaires ou contes folkloriques du Berry, George Sand n’hésite pas à y évoquer les « laveuses de nuit ou lavandières », ces spectres féminins qui seraient les âmes de mères infanticides condamnées à laver leur linge jusqu’à la fin des temps.

Enfin, on l’oublie souvent, mais George Sand a aussi écrit pour les enfants. Histoire du véritable Gribouille est un conte dans lequel Gribouille, un petit garçon droit et affectueux, mais aussi naïf, est piqué par un bourdon. Gribouille rencontre alors la reine des abeilles qui souhaite faire du garçonnet son messager. La nature y apparaît comme un univers enchanteur, porteur de danger mais vecteur de dépassement et d’accomplissement de soi.

  • George Sand appelle à la mansuétude et au droit à l’erreur

George Sand est une amie aussi fidèle qu’elle est une amante infidèle. Elle ne s’en est jamais cachée ni excusée. Dans une lettre à son ami Sainte-Beuve, critique littéraire et écrivain, George Sand relate sa rencontre avec Alfred de Musset, mais rappelle aussi son passé de grande amoureuse, comme son ancienne relation avec un certain « P.P. », Prosper Mérimée : « J’ai aimé une fois pendant six ans, une autre fois pendant trois et maintenant je ne sais pas ce dont je suis capable. Beaucoup de fantaisies ont traversé mon cerveau, mais mon cœur n’a pas été aussi usé que je m’en effrayais, »[2]. La franchise et la spontanéité désarmante avec laquelle elle se confie témoigne de plusieurs choses : George Sand est manifestement une femme aimante, simple et directe dans ses amitiés, mais surtout une femme libre, aux mille et une vies.

  • George Sand prône l’honnêteté intellectuelle

En 1857, George Sand publie le roman Daniella. Celui-ci tombe très vite dans l’oubli. Ses détracteurs sont nombreux, ils disent qu’elle n’a aucun talent, et George Sand parvient à faire la part des choses, ne renie en aucun cas son travail et n’a pas le mauvais goût de tomber dans l’auto-flagellation. George Sand reçoit d’ailleurs, à propos de Daniella,  un soutien qu’elle estime inattendu, en la personne de Victor Hugo. Dans une lettre, elle le remercie et lui confie, avec clairvoyance, qu’elle est consciente de sa propre valeur, que « son âme a de la vie et qu’elle est bien capable de progrès. »[3]

De même, lorsque son grand ami Gustave Flaubert souffre de voir son roman L’Éducation sentimentale mal reçu, George Sand n’hésite pas à expliquer au romancier qu’elle n’est en rien surprise, tout en ne cessant pas de l’encourager : « Tous les personnages de ce livre sont faibles et avortent, sauf ceux qui ont de mauvais instincts ; voilà le reproche qu’on te fait, parce qu’on n’a pas compris que tu voulais précisément peindre une société déplorable qui encourage ces mauvais instincts et ruine les nobles efforts ; quand on ne nous comprend pas, c’est toujours notre faute. »[4]

 

  • George Sand est surprenante

En 1835, au sein d’une lettre à Alfred de Musset, George Sand insère un poème de 23 vers, en apparence tout ce qu’il y a de plus banal. Il commence ainsi : « Je suis très émue de vous dire que j’ai / bien compris l’autre soir que vous aviez /toujours une envie folle de me faire /danser. Je garde le souvenir de votre »… Or, en en lisant un vers sur deux, l’on comprend que ce texte prend un tour extrêmement licencieux !

  • George Sand ne sacralise pas la littérature

Et cela fait du bien ! Si George Sand a de très nombreux amis écrivains, elle choisit, elle, de ne pas tout consacrer à la littérature, car elle refuse « d’être enterrée dans la littérature »[5], préfère les jeux et les rires, la vie tout simplement. George Sand n’a peut-être pas écrit Madame Bovary, ou Premier amour, comme son confrère Tourgueniev, mais elle a vécu, beaucoup, manifestement sans regrets, très consciente de sa place, de sa valeur, et du talent qui était le sien.

Si l’on veut connaître et comprendre George Sand, c’est avant tout à sa correspondance qu’il faut s’attaquer ! Les vingt mille lettres qui la composent brossent le portrait d’une femme incroyablement attachante, tour à tour amoureuse passionnée, mère attentive, amie sensible et citoyenne engagée. George Sand écrit des lettres pour entretenir des liens, certes, mais surtout pour défendre ses idées, et derrière une apparente spontanéité et un charmant badinage, la moindre de ses missives rappelle les valeurs qui sont les siennes.

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Source de l’iconographie : Gallica, George Sand par Delacroix, reproduit dans Le Monde illustré du 16 août 1884

[1] Lettre de George Sand à Marie-Sophie Leroyer de Chantepie, Nohant, 28 août 184

[2] George Sand, Le Roman de Venise, 1904

[3] George Sand, Lettre à Victor Hugo, Nohant, 24 mai 1857

[4] George Sand, Lettre à Gustave Flaubert, 1876

[5] George Sand, Lettre de George Sand à Gustave Flaubert, Nohant, 21 décembre 1868