Charlotte, Emily et Anne : pour ne plus confondre les trois sœurs Brontë

Parce qu’elles sont trois sœurs ayant grandi et publié ensemble, il n’est pas rare que le grand public confonde Charlotte, Emily et Anne, ou ne sache à laquelle des trois sœurs attribuer la paternité de Jane Eyre ou des Hauts de Hurlevent. Cet article synthétique et qui ne vise en rien à l’exhaustivité vous  propose quelques repères simples pour identifier les trois sœurs, et les œuvres qui sont les leurs.

 Qui est la plus jeune, qui est la plus âgée des trois sœurs Brontë ?

Charlotte est l’aînée, elle naît en 1816. Deux ans après naît Emily. Anne, la plus jeune, naît quatre ans après Charlotte et deux ans après Emily, en 1820.

Maria, la mère, meurt en 1821, un an après la naissance d’Anne.

Qui sont les autres enfants de la fratrie ?

Patrick et Maria Brontë, les parents de Charlotte, Emily et Anne, ont trois autres enfants : Maria, puis Elizabeth, nées toutes deux avant Charlotte, puis Branwell, le seul garçon, né entre Charlotte et Emily.

Maria, Elizabeth et Charlotte sont envoyées à Cowan Bridge, un pensionnat réputé pour former des gouvernantes. Les fillettes y subissent de mauvais traitements. Après les décès de Maria et Elizabeth, emportées toutes deux par la tuberculose, Patrick retire Charlotte de Cowan Bridge. Charlotte se retrouve alors l’aînée des quatre enfants Brontë survivants, Charlotte, Branwell, Emily, et Anne. Les enfants grandissent au sein du presbytère paternel. Patrick est le pasteur de Haworth, dans le Yorkshire.

Qui a écrit quoi ?

Charlotte a écrit les romans Jane Eyre, Shirley, Villette, Le Professeur, ainsi que des poèmes. Ils furent publiés sous le nom Currer Bell.

Emily a écrit Les Hauts de Hurlevent ainsi que des poèmes. Ils furent publiés sous le pseudonyme masculin Ellis Bell.

Anne a écrit les romans Agnes Grey, Le Locataire de Wildfell Hall, ainsi que des poèmes. Ils furent publiés sous le pseudonyme masculin Acton Bell.

Les pseudonymes adoptés par les trois sœurs reprennent les premières lettres des prénoms : Currer pour Charlotte, Ellis pour Emily, Acton pour Anne.

Qui est Charlotte ?

Passionnée par l’éducation, Charlotte enseigna un temps à Bruxelles et eut le projet de fonder une école en Angleterre. Ses divers romans questionnent la transmission et l’instruction des jeunes filles.

Jane Eyre est son chef-d’œuvre. Ce roman d’amour et de résilience appartient au patrimoine littéraire mondial. Jane Eyre fut le premier roman publié de Charlotte qui avait essuyé sept refus pour Le Professeur.

Mon astuce pour bien identifier Charlotte 

A tort ou à raison et parce qu’elle est traite de l’enseignement et de trajectoires parfois complexes, j’imagine Charlotte comme une personnalité plutôt raisonnable. Or, son prénom comporte des chuitantes (le son « ch ») que j’associe à la tempérance.

Qui est Emily ?

Emily est la plus connue des sœurs Brontë, et pourtant celle qui écrivit le moins.

Après avoir perdu sa mère très jeune, puis ses deux sœurs aînées, de la tuberculose, elle se réfugia dans l’imaginaire et grandit, presque recluse, au presbytère de Haworth. Sa situation matérielle et affective nourrit sa créativité et ses écrits témoignent d’une atmosphère aussi intense que tragique. Elle devint brièvement institutrice, voyagea en Europe, et à son retour devint la femme de charge du presbytère.

Mon astuce pour bien identifier Emily 

Il faut être une âme tourmentée et passionnée pour écrire un livre comme Les Hauts de Hurlevent ! J’aime à penser que le prénom « Emily », plus court et plus enlevé que « Charlotte », et qui a pour étymologie « aemulus », qui signifie « émule », convient bien à la personnalité nécessairement romantique d’Emily.

Qui est Anne ?

Plus jeune des enfants Brontë, Anne fut orpheline de mère à l’âge d’un an. Elle subit, davantage que ses sœurs, l’influence d’un père caractériel devenu peu à peu tyrannique. Elle grandit essentiellement en vase clos et reçut une éducation religieuse stricte et était d’une nature à la fois sensible et mélancolique. Son roman Agnes Grey témoigne de son expérience en tant que gouvernante, et il n’a pas, selon moi, pas les qualités littéraires de ceux de ses sœurs. Anne est d’ailleurs moins célèbre que Charlotte et Emily. Je n’ai pas lu Le Locataire de Wildfell Hall, qui est considéré comme un des premiers romans féministes.

Mon astuce pour bien identifier Anne

Anne est la dernière-née des enfants Brontë et celle dont le prénom commence par la première lettre de l’alphabet. Outre cela, Agnes Grey a selon moi un côté « première de classe » auquel la lettre A me fait penser.

Laquelle des sœurs Brontë a vécu le plus longtemps ?

Emily et Anne, d’ailleurs très proches l’une de l’autre, disparurent à un an d’intervalle. Emily disparut en 1848 à l’âge de trente ans. Elle fut emportée par la turberculose dont venait de décéder Branwell. Anne en mourut elle aussi en 1849, à l’âge de vingt-neuf ans.

Charlotte disparut en 1855 à l’âge de trente-six ans, emportée par la maladie. Elle était mariée depuis un an à Arthur Bell Nicholls, suppléant de Patrick Brontë.

Vous aimeriez découvrir des textes des sœurs Brontë ?

Plusieurs textes des trois sœurs sont à découvrir en français sur l’application Un texte Une femme ; d’autres textes des trois sœurs sont à découvrir, en anglais, sur l’application A text A day.

© Isabelle Adjani (Emily), Isabelle Huppert (Anne) et Marie-France Pisier (Charlotte) dans Les Sœurs Brontë, André Téchiné, 1979 (photographie : Bruno Nuytten)

Six raisons de relire George Sand

Le 1er juillet 1804 naissait Aurore Dupin, plus connue sous le nom de George Sand. Au-delà de la légende d’une femme de lettres fumant le cigare, portant le pantalon, prenant de nombreux amants parmi lesquels Alfred de Musset et Chopin, George Sand fut l’amie et confidente de Victor Hugo, Gustave Flaubert, Eugène Sue ou Dumas fils, pour ne citer qu’eux. Menant une existence mouvementée, cette femme de lettres sincère assimila la quête du bonheur à une régénération morale et à une meilleure redistribution des richesses.

Nous vous donnons six raisons de vous plonger dans son œuvre, à redécouvrir sur l’application Un texte Une femme et le livre Un texte Une femme, La littérature au féminin en 365 jours.

  • George Sand est féministe

Éprise de liberté, George Sand se séparera de son mari Casimir Dudevant et prônera le droit au bonheur, dans ou en dehors du mariage. George Sand en est même persuadée : comme elle l’écrit à son amie Marie-Sophie Leroyer de Chantepie, « vous me demandez si vous serez heureuse par l’amour et le mariage. Vous ne le serez ni par l’un, ni par l’autre, j’en suis bien convaincue. »[1]

Dans le roman Indiana, George Sand met en scène une héroïne souffrant d’un profond mal-être, enlisée dans une situation qui ne lui convient pas et qu’une passion amoureuse pourrait réveiller. Le roman paraît en 1832 et il connaît un succès immédiat et important. Néanmoins, George Sand essuie de nombreuses critiques puisqu’on lui reproche de s’attaquer à l’institution du mariage, comme aux maris. On lui reproche également d’instrumentaliser la littérature à des fins personnelles, puisque George Sand et son mari, Casimir Dudevant, sont alors au bord de la rupture. Le couple se séparera officiellement en 1835. Dix ans après sa parution, George Sand écrit une préface à Indiana dans laquelle elle réaffirme ses valeurs féministes, et la nécessité de ce roman.

  • George Sand vous fera redécouvrir la nature, et le Berry, comme vous ne les avez jamais lus

Déçue par la Révolution de 1848, George Sand se détourna de la politique pour se consacrer à des œuvres champêtres empreintes de naïveté dans lesquelles s’exprime une quête de vérité. Viscéralement attachée à la région du Berry, où elle vécut et décéda en 1876, « la Bonne Dame de Nohant » y situa nombre de ses intrigues, comme en témoignent La mare au diable, ou La petite Fadette. Ses héros ressemblent souvent à des paysans courageux et marginaux obstinés qui connaissent et comprennent de façon intime et physique le territoire qui est le leur. George Sand y met en avant les traditions locales, comme dans Les maîtres sonneurs, dédié à la cornemuse, alors très populaire dans le centre de la France.

Mais George Sand peut aussi faire preuve d’audace dans son évocation du Berry ! Dans Légendes rustiques, qui restitue douze croyances populaires ou contes folkloriques du Berry, George Sand n’hésite pas à y évoquer les « laveuses de nuit ou lavandières », ces spectres féminins qui seraient les âmes de mères infanticides condamnées à laver leur linge jusqu’à la fin des temps.

Enfin, on l’oublie souvent, mais George Sand a aussi écrit pour les enfants. Histoire du véritable Gribouille est un conte dans lequel Gribouille, un petit garçon droit et affectueux, mais aussi naïf, est piqué par un bourdon. Gribouille rencontre alors la reine des abeilles qui souhaite faire du garçonnet son messager. La nature y apparaît comme un univers enchanteur, porteur de danger mais vecteur de dépassement et d’accomplissement de soi.

  • George Sand appelle à la mansuétude et au droit à l’erreur

George Sand est une amie aussi fidèle qu’elle est une amante infidèle. Elle ne s’en est jamais cachée ni excusée. Dans une lettre à son ami Sainte-Beuve, critique littéraire et écrivain, George Sand relate sa rencontre avec Alfred de Musset, mais rappelle aussi son passé de grande amoureuse, comme son ancienne relation avec un certain « P.P. », Prosper Mérimée : « J’ai aimé une fois pendant six ans, une autre fois pendant trois et maintenant je ne sais pas ce dont je suis capable. Beaucoup de fantaisies ont traversé mon cerveau, mais mon cœur n’a pas été aussi usé que je m’en effrayais, »[2]. La franchise et la spontanéité désarmante avec laquelle elle se confie témoigne de plusieurs choses : George Sand est manifestement une femme aimante, simple et directe dans ses amitiés, mais surtout une femme libre, aux mille et une vies.

  • George Sand prône l’honnêteté intellectuelle

En 1857, George Sand publie le roman Daniella. Celui-ci tombe très vite dans l’oubli. Ses détracteurs sont nombreux, ils disent qu’elle n’a aucun talent, et George Sand parvient à faire la part des choses, ne renie en aucun cas son travail et n’a pas le mauvais goût de tomber dans l’auto-flagellation. George Sand reçoit d’ailleurs, à propos de Daniella,  un soutien qu’elle estime inattendu, en la personne de Victor Hugo. Dans une lettre, elle le remercie et lui confie, avec clairvoyance, qu’elle est consciente de sa propre valeur, que « son âme a de la vie et qu’elle est bien capable de progrès. »[3]

De même, lorsque son grand ami Gustave Flaubert souffre de voir son roman L’Éducation sentimentale mal reçu, George Sand n’hésite pas à expliquer au romancier qu’elle n’est en rien surprise, tout en ne cessant pas de l’encourager : « Tous les personnages de ce livre sont faibles et avortent, sauf ceux qui ont de mauvais instincts ; voilà le reproche qu’on te fait, parce qu’on n’a pas compris que tu voulais précisément peindre une société déplorable qui encourage ces mauvais instincts et ruine les nobles efforts ; quand on ne nous comprend pas, c’est toujours notre faute. »[4]

 

  • George Sand est surprenante

En 1835, au sein d’une lettre à Alfred de Musset, George Sand insère un poème de 23 vers, en apparence tout ce qu’il y a de plus banal. Il commence ainsi : « Je suis très émue de vous dire que j’ai / bien compris l’autre soir que vous aviez /toujours une envie folle de me faire /danser. Je garde le souvenir de votre »… Or, en en lisant un vers sur deux, l’on comprend que ce texte prend un tour extrêmement licencieux !

  • George Sand ne sacralise pas la littérature

Et cela fait du bien ! Si George Sand a de très nombreux amis écrivains, elle choisit, elle, de ne pas tout consacrer à la littérature, car elle refuse « d’être enterrée dans la littérature »[5], préfère les jeux et les rires, la vie tout simplement. George Sand n’a peut-être pas écrit Madame Bovary, ou Premier amour, comme son confrère Tourgueniev, mais elle a vécu, beaucoup, manifestement sans regrets, très consciente de sa place, de sa valeur, et du talent qui était le sien.

Si l’on veut connaître et comprendre George Sand, c’est avant tout à sa correspondance qu’il faut s’attaquer ! Les vingt mille lettres qui la composent brossent le portrait d’une femme incroyablement attachante, tour à tour amoureuse passionnée, mère attentive, amie sensible et citoyenne engagée. George Sand écrit des lettres pour entretenir des liens, certes, mais surtout pour défendre ses idées, et derrière une apparente spontanéité et un charmant badinage, la moindre de ses missives rappelle les valeurs qui sont les siennes.

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Source de l’iconographie : Gallica, George Sand par Delacroix, reproduit dans Le Monde illustré du 16 août 1884

[1] Lettre de George Sand à Marie-Sophie Leroyer de Chantepie, Nohant, 28 août 184

[2] George Sand, Le Roman de Venise, 1904

[3] George Sand, Lettre à Victor Hugo, Nohant, 24 mai 1857

[4] George Sand, Lettre à Gustave Flaubert, 1876

[5] George Sand, Lettre de George Sand à Gustave Flaubert, Nohant, 21 décembre 1868