Si Nohant-Vic m’était contée : la maison de George Sand

Quarante années consacrées à l’écriture, près de quatre-vingt-romans, une trentaine de pièces de théâtre, des articles, des contes, des nouvelles, une correspondance colossale, des amitiés et amours nombreuses. George Sand était, à n’en pas douter, une femme généreuse,  et sa maison de Nohant en témoigne. Visiter  Nohant-Vic, dans le Berry, c’est découvrir une George Sand intime, accueillante, extrêmement soucieuse de ses invités, du bien-être de ses domestiques et celui de ses petites-filles, amoureuse de la nature et en avance sur son temps. Suivez le guide pour un aperçu de ce lieu chargé en émotions, de ses principales pièces, de son histoire et de celle de la famille Dupin.

Une maison familiale

Si Nohant est un lieu aussi émouvant, aussi chargé d’histoires, c’est peut-être car il s’agit d’une maison familiale, transmise de générations en générations, et qui ne fut jamais laissée à l’abandon. Visiter Nohant, c’est découvrir une maison, mais aussi un jardin, son ancien poulailler, un cimetière dans lequel sont enterrés les membres de la famille Dupin, ainsi qu’une exposition dédiées aux marionnettes de Maurice Sand, le talentueux et polyvalent fils de George.

La décoration de la maison est soignée sans être chargée, la visite est bien pensée et équilibrée, les pièces principales donnent sur une nature que l’on devine essentielle. On y imagine aisément la vie de celles et ceux qui y vécurent.

Une vie entière, ou presque, à Nohant

Aurore Dupin, future George Sand, naît en 1804 et elle vient pour la première fois à Nohant à l’âge de quatre ans, en 1808. La propriété appartient à sa grand-mère paternelle, Marie-Aurore de Saxe. Aurore Dupin est la fille de Maurice Dupin, militaire, colonel des armées napoléoniennes, et de Sophie Victoire Delaborde, cantinière que Maurice Dupin avait rencontrée en service.  La mère de Maurice s’est opposée en vain à cette mésalliance, et la petite  Aurore est  le fruit de deux milieux, deux histoires, deux héritages.

Lors de ce premier séjour à Nohant, Maurice a un accident de cheval. Il meurt sur le coup, à l’âge de trente ans. La grand-mère paternelle, déjà veuve, dont le fils unique vient de décéder, propose prend en charge l’éducation d’Aurore. Aurore restera donc à Nohant, mais ne cessera jamais d’entretenir un lien avec sa mère, demeurée à Paris.

Aurore commence par passer ses étés à Nohant et ses hivers  à Paris, avant de s’établir toute l’année à Nohant. Lorsque sa grand-mère décède, George Sand a dix-sept ans. Elle hérite de la maison, s’empresse de se marier afin de pouvoir y rester en paix et d’avoir la respectabilité pour l’administrer. De ses quatre ans jusqu’à a mort, George Sand passera plusieurs mois par an à Nohant et elle mourra dans sa chambre, en 1876. Ses deux enfants, Maurice et Solange y grandiront, Maurice y vivra avec sa femme et ses filles. Après son divorce, George Sand devient l’unique gestionnaire et propriétaire du domaine.

Les deux-petits filles de George Sand, Aurore et Gabrielle, les filles de Maurice, habiteront la maison, l’investiront elles aussi après la mort de leur grand-mère. Nohant se transmettra de générations en générations. Gabrielle meurt à l’âge de quarante ans, en 1909. Aurore, dernière descendante de la famille, lèguera de son vivant la maison à l’État.

La salle à manger

La salle à manger de la maison témoigne de la vocation de cette maison, celle d’être un lieu d’accueil et de convivialité. La table dressée pour dix invités, jamais plus, évoque plutôt la fin de vie de George Sand, mais les invités mentionnés ne s’y retrouvèrent jamais en même temps.

Sont ici représentés, parcourant dix ans de la vie de George Sand,  Ivan Tourgueniev, qui ne fit qu’un seul séjour à Nohant, Gustave Flaubert qui y séjourna très souvent, Dumas fils qui vint à cinq reprises, la cantatrice Pauline Viardot qui vint tous les étés pendant vingt-cinq ans. Chaque décennie eut son hôte de marque.

Les verres en cristal seraient un cadeau de Chopin, le lustre en verre vient de Murano et fut acheté à Paris par George Sand, à l’occasion d’une exposition universelle. Le motif de fraisier sur la vaisselle fut dessiné par George Sand elle-même. En 1850, George Sand entreprit de gros travaux et fit installer un chauffage central dans la salle à manger. L’hiver, le dîner était servi à 17h. Après le dîner, on quittait la salle à manger pour le salon.

Le salon

Le salon était le lieu de la veillée, qui pouvait durer jusqu’à minuit. Autour de la table du salon on discute, on lit à voix haute, on manipule des marionnettes, on dessine, on fait des herbiers. Comme elle a de multiples talents, George Sand joue de la harpe, du piano, excelle dans les travaux d’aiguille.

La chambre rose

Cette chambre, en encore marquée de l’empreinte du XVIIIe siècle, trahit les origines aristocratique de la grand-mère de George Sand qui faisait salon dans sa chambre. La chambre devint celle de Solange et Maurice, les enfants de George Sand, et George Sand investit le couloir afin d’être à proximité de ses enfants et de pouvoir écrire, la nuit, ses journées étant extrêmement remplies.On peut y voir le placard transformé en bureau qui sera la première réelle table de travail de George Sand en tant que femme de lettres.

La cuisine

George Sand avait une dizaine de domestiques à son service, pour l’aider à s’occuper de la propriété, mais aussi choyer ses invités illustres tels que Franz Liszt ou Prosper Mérimée. En 1850, en même temps que l’installation du chauffage, George Sand dote sa grande cuisine de divers éléments et d’un four particulièrement sophistiqué. Ce four, moderne, décontenance les cuisinières berrichonnes qui sont à son service – on cuisine sans voir les flammes, on a quatre fours, c’est à l’époque du jamais vu – mais les robinets permettent de disposer de quarante litres d’eau chaude.

Il s’agit d’un confort exceptionnel pour l’époque, confort renforcé par la grande table en orme massif que George Sand commande à un menuisier local, afin que tous les domestiques puissent manger ensemble, et se rassembler. Un passe-plat, dans le couloir attenant à la cuisine, dessert la salle à manger. George Sand, elle, investira la cuisine pour faire des confitures.

Frédéric Chopin à Nohant

La relation amoureuse avec Frédéric Chopin durera neuf ans et le musicien séjournera sept étés durant dans cette maison, du printemps à l’automne, de 1840 à 1847.  George Sand lui donne à chaque fois la plus belle chambre, loue pour l’occasion un piano Pleyel qui arrive de Paris. Cette maison connaîtra sept pianos différents chaque été, et Chopin composera les deux-tiers de son œuvre dans cette maison.

Les années avec Chopin, entre 1840 et 1847, constituèrent l’âge d’or de Nohant. George Sand écrivait, Frédéric Chopin composait, Eugène Delacroix peignait. Trois monstres sacrés se retrouvèrent en même temps dans cette maison.

La chambre bleue

Le bleu était la couleur préférée de George Sand, et la chambre bleue était celle de la maîtresse de maison, du moins sa dernière chambre pendant une dizaine d’années. C’est dans cette chambre, qui donnait sur le jardin, qu’elle s’éteignit à l’âge de 72 ans. Juste à côté se trouvent un cabinet de travail, dans lequel elle travaillait, ainsi qu’une bibliothèque ou salle d’études, à laquelle tout le monde avait accès, et qui renfermait toute la documentation, classée, de la maison.

Le 17 janvier 1869, George Sand écrivait à son grand ami Gustave Flaubert combien elle était en paix à Nohant :

« L’individu nommé G. Sand se porte bien, savoure le merveilleux hiver qui règne en Berry, cueille des fleurs, signale des anomalies botaniques intéressantes, coud des robes et des manteaux pour sa belle-fille, des costumes de marionnettes, découpe des décors, habille des poupées, lit de la musique mais surtout passe des heures avec la petite Aurore qui est une fillette étonnante. Il n’y a pas d’être plus calme et plus heureux dans son intérieur que ce vieux troubadour retiré des affaires, qui chante de temps en temps sa petite romance à la lune, sans grand souci de bien ou mal chanter pourvu qu’il dise le motif qui lui trotte par la tête, et qui, le reste du temps, flâne délicieusement. Ça n’a pas été toujours si bien que ça. »[1]

 

 

Vous souhaitez en savoir plus et relire des textes de George Sand ? Découvrez notre autre article consacré  la femme de lettres, mais aussi notre anthologie Un texte Une femme, La littérature au féminin en 365 jours, sur laquelle retrouver dix-neuf textes de George Sand.

@Sarah Sauquet

[1] Lettre de George Sand à Gustave Flaubert, Nohant, 17 janvier 1869

 

Quels classiques pour vos enfants ? « L’homme qui plantait des arbres » de Jean Giono

Il est des livres aussi courts qu’ils sont généreux. Aussi économes de moyens et de mots qu’ils se révèlent d’une rare puissance. Riches de plaisirs si minuscules qu’on les devine intemporels.

L’homme qui plantait des arbres que Jean Giono écrivit en 1953 appartient à ces livres discrets qu’on se transmet entre initiés des années durant, tel un secret bien gardé. Écrit dans une langue simple, accessible, il peut se lire dès la classe de sixième mais exige une certaine maturité, si l’on veut en saisir toute la magie et la poésie.

 Que raconte L’homme qui plantait des arbres ?

Bien que purement fictive, la nouvelle de Jean Giono apparaît extrêmement réaliste et l’on ne veut que croire à l’existence de son héros, le berger Elzéard Bouffier.

L’homme qui plantait des arbres met en scène un narrateur totalement anonyme, un « Je » qui pourrait être Giono, qui fait une longue promenade dans les paysages arides de Haute-Provence. Les rares êtres qu’ils croisent ont l’âme revêche et taciturne de ceux qui mènent une vie extrêmement austère, essentiellement consacrée à la survie matérielle des fermes. Mais le narrateur rencontre un homme, d’un berger dont « la société […] donnait la paix ».

Parce que le village le plus proche est à plus d’un jour de marche, le narrateur passe la nuit chez ce singulier berger, dont la modeste demeure, comme la tenue, sont particulièrement soignés, et qui consacre du temps à trier des glands. Le lendemain, le narrateur observe le berger planter ses glands. Elzéard Bouffier, tel est le nom de ce berger d’une cinquantaine d’années, plante des arbres, des dizaines d’arbres qui deviendront, année après année, une véritable forêt. Car le narrateur reviendra voir Elzéard Bouffier.

Pourquoi ce livre ?

Pour son évocation minutieuse et sensuelle de la nature : sous la plume de Giono, les arbres prennent vie ! Érables, bouleaux, hêtres et frênes semblent doués d’une âme.

Pour son portrait d’un homme ayant vécu des drames mais pourtant trouvé la paix, dans le don de soi et la fidélité à ses valeurs.

Pour son message d’espoir puisque grâce à Elzéard, le paysage aride laisse place à une nature verdoyante qui fait revenir les populations dans ces terres délaissées.

Pour sa réflexion sur la solitude, sur notre capacité à supporter la solitude, que nous vivons différemment en période de confinement.

Vous l’aurez compris : L’homme qui plantait des arbres est un récit à la fois humaniste, écologique, social et politique. En nous parlant d’exode rural, de retour à la terre et à la nature, d’écologie, mais aussi, d’une certaine façon, de dépendance énergétique (Elzéard devient par la suite apiculteur…), Jean Giono nous offre un récit d’une foisonnante actualité qu’il faut lire et faire découvrir à ses enfants.

À partir de quel âge ?

Dès la sixième pour de bons lecteurs, idéal pour la classe de cinquième.

 

Vous cherchez d’autres idées de lecture pour vos enfants ? Pourquoi ne pas leur faire découvrir Les quatre filles du docteur March de Louisa May Alcott, les romans d’Agatha Christie, Le Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux, les souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol ?