Qui sont les Jeanne de la littérature classique ?

Jeanne, l’héroïne d’Une Vie

Jeanne est avant tout Jeanne Le Perthuis des Vauds, l’héroïne à la fois touchante et pathétique d’Une Vie, le roman de Maupassant.

Jeune fille sensible et romanesque, c’est au début du roman un personnage qui sort tout juste du couvent. Vive et enthousiaste, Jeanne est alors prête à embrasser tous les plaisirs d’une vie qu’elle imagine cotonneuse et douce, à l’image de la cage dorée dans laquelle elle a grandi. Cavalière émérite et amoureuse des animaux, Jeanne n’aime rien tant que les balades dans la nature normande au cours desquelles elle peut laisser son imagination s’envoler, et elle est dépeinte comme une ravissante jeune fille aux yeux bleues et aux joues rosies par le vent. Désireuse de se marier et de fonder une famille, elle épouse Julien de Lamare qui lui donnera un fils ; mais elle court, à travers ce mariage, de désillusions en catastrophes.

Jeanne, idéaliste et féminine

Sorte d’Emma Bovary qui n’aurait ni les moyens ni la force de vivre ses rêves, Jeanne oscille peu à peu entre la figure d’une mère possessive incapable de se détacher de son fils Paul, son « Poulet », et celle d’une éternelle romantique à qui on souhaiterait un avenir tellement meilleur.

La fin du roman nous montre un personnage qui, pareil à la fleur qu’il est, s’est certes fané, mais qui reste mû et sauvé par un instinct maternel dévorant. Malgré tous ses défauts et un anachronisme évident, Jeanne reste l’incarnation de la féminité à l’état pur.

Jeanne, la petite-fille de Victor Hugo

Dans un style tout à fait différent et que l’on préfèrera peut-être, il existe chez Victor Hugo une autre Jeanne. Il s’agit de sa petite-fille, qui est, avec son frère Georges, au cœur du recueil poétique L’Art d’être grand-père. Le poème « Jeanne était au pain sec » brosse le portrait d’une petite Jeanne espiègle et qui n’hésiterait pas à braver les interdits et à « porter des confitures » à son grand-père, s’il était à son tour « au pain sec ». Vous pourrez retrouver ce poème sur notre application Un poème Un jour.

Illustration : Une poupée, Alfred Stevens (peintre belge, 1823-1906)

Deux mariages et un enterrement : Héloïse Dubuc ou qui est la première épouse de Charles Bovary ?

Vous ne le savez peut-être pas, mais Emma Rouault n’est pas la première épouse de notre « Charbovary » national !

Charles Bovary, un fils à sa maman

Un des plus grands drames de Charles Bovary est probablement celui d’avoir été sous la coupe de parents n’ayant fait pour lui que de mauvais choix ! Après avoir couvé cet enfant tel le lait sur le feu et l’avoir affublé d’horribles casquettes, M. et Mme Bovary, persuadés d’avoir enfanté un génie, retirent Charles du lycée, avec le projet qu’il suive par lui-même ses études de médecine.

C’est bien sûr un échec total. Charles, peu à peu, délaisse ses cours, découvre les joies du cabaret et rate l’examen d’officier de santé, qui n’a rien à voir avec la difficulté des études de médecine. Il obtiendra son examen cinq ans plus tard, et décidera alors de s’installer à Tostes, dans la campagne normande. Mais, comme le raconte le narrateur, « ce n’était pas tout que d’avoir élevé son fils, de lui avoir fait apprendre la médecine et découvert Tostes pour l’exercer : il lui fallait une femme. »[1]

Héloïse, vieille et revêche…

Mme Bovary lui en trouve une : Héloïse Dubuc, quarante-cinq ans, veuve et rentière. Le mariage n’est bien sûr pas heureux. Après avoir été sous la coupe de sa mère, Charles est lamentablement soumis à son épouse. Héloïse est une véritable perverse narcissique qui lit son courrier, espionne ses consultations, surveille son alimentation et ses tenues. Et l’humilie. Comme le petit garçon pris en faute qu’il n’a jamais cessé d’être, Charles encaisse, et ne dit rien.

mais aussi dissimulatrice et menteuse

Lorsqu’il rencontre Emma Rouault, c’est un nouveau monde qui s’ouvre à Charles et ce dernier passe sa vie aux Bertaux, la ferme des Rouault. Très vite Mme Bovary mère s’inquiète. C’est alors qu’un Deus ex Machina survient : la veuve Dubuc a menti, la vieille carne se révèle criblée de dettes ! Une violente dispute entre les deux époux éclate, et huit jours après, comme par miracle, Madame se meurt, Madame est morte.

Charles enfin libre, mais néanmoins malheureux (« Elle l’avait aimé, après tout. »[2]) attend beaucoup de son union avec Emma, auprès de laquelle il espère découvrir les joies de la félicité conjugale.


[1] Gustave Flaubert, Madame Bovary, Première partie, 1857

[2] Gustave Flaubert, Madame Bovary, Première partie, 1857

[2]

Illustration : Kristin Scott Thomas et Hugh Grant dans le film Quatre mariages et un enterrement de Mike Newell, 1994