Perrine Perez, ou les classiques de celle qui a dit non…

« Lorsque je travaille sur la création d’un personnage, j’adore lier le façonnage de sa personnalité aux lectures qui se rattachent à lui, tant dans ses goûts imaginaires, que dans son style ou le rayonnement de son époque. »

 

 Tous les vendredis et samedis soirs, sur la scène de la Comédie des Boulevards, à Paris, l’hilarante Perrine Perez campe Celle qui a dit non, une jeune femme que le besoin d’accomplissement pousse à se jouer du système établi pour trouver son propre chemin. Déjouant les clichés propres à une situation très classique, Perrine Perez campe une galerie de personnages extrêmement justes. La finesse de son regard et la précision de son écriture nous ont donné envie d’en savoir plus sur les classiques qui avaient concouru à l’éclosion d’un vrai talent comique…

Perrine, quelle lectrice, et quelle lectrice de classiques êtes-vous ?

Je dirais que je suis une lectrice éclectique, je fonctionne aux envies, aux coups de cœur, au feeling. Je passe de lectures de polars/thrillers, dans le style Harlan Coben, ou comme en ce moment, le dernier Jacques Expert, « Le jour de ma mort », à des livres axés sur le développement personnel, en passant par des biographies (j’adore me plonger dans les histoires de vie d’artistes, de personnes engagées, de fortes personnalités qui créent leur destin ; c’est très inspirant). Et puis, lorsque je me passionne pour un domaine, j’ai ce besoin incompressible de dévorer des ouvrages dédiés à celui-ci, alliant apprentissage et parcours de vie. Depuis mon changement de vie, j’oscille entre des livres centrés sur les techniques de jeu d’acteur, d’écriture de scénario et des livres témoignages comme « Sick in the head », de Judd Apatow, dédié aux grands comiques américains, leur parcours, leurs aspirations, leurs doutes, leurs forces. Tout ceci me nourrit beaucoup.

Enfin, lorsque je travaille sur la création d’un personnage, j’adore lier le façonnage de sa personnalité aux lectures qui se rattachent à lui, tant dans ses goûts imaginaires, que dans son style ou le rayonnement de son époque.

Quant à la littérature classique, j’avoue que je ne suis pas une grande habituée, mais il m’arrive parfois de relire des ouvrages classiques. C’est d’ailleurs très intéressant de ressentir une nouvelle approche de la lecture et une connexion plus forte avec ce que voulait mettre en exergue l’écrivain.

Lorsque j’ai suivi ma formation aux Cours Cochet, j’ai pris beaucoup de plaisir à me replonger dans les pièces de Molière, Corneille, Shakespeare. Aujourd’hui, j’ai une envie toute particulière de me tourner vers des auteures classiques, comme George Sand, Colette, Simone de Beauvoir, qui, chacune à leur époque ont lutté pour imposer leur style et défendre la littérature féminine. A l’heure où les femmes unissent leurs forces pour lutter contre toutes formes de patriarcat, elles sont plus que jamais des références et des modèles de toutes nos générations de femmes.

Y a-t-il des classiques qui constituent vos livres de chevet ?

Les classiques auxquels je suis le plus attachée et qui ont une place dans ma petite bibliothèque coups de cœur classiques, sont des ouvrages de Victor Hugo, Emile Zola, Alfred de Musset, Charles Baudelaire… Peut-être de par mon parcours ou mes sensibilités, je suis plus attachée à la littérature du 19eme siècle, où d’ailleurs le théâtre devenait plus populaire.

Comment avez-vous découvert le théâtre et quels sont les dramaturges qui vous ont accompagnée dans votre parcours théâtral ?

J’ai découvert le théâtre avec une professeure de français extraordinaire, passionnée et désireuse de nous transmettre son enthousiasme créatif. J’étais plutôt portée par des créations de pièces contemporaines et puis je me suis intéressée au théâtre plus classique. Les dramaturges qui m’ont accompagnée dans cette nouvelle curiosité pour la création théâtrale sont Corneille, Alfred de Musset, Victor Hugo ou encore Shakespeare. Mais j’ai aussi puisé mon inspiration chez les grands de l’histoire du rire et notamment Charlie Chaplin. Aujourd’hui, je suis particulièrement sensible à la créativité subtile et sans limite d’Alexis Michalik. J’ai d’ailleurs vu Edmond plusieurs fois et j’ai eu plaisir à découvrir de nouvelles touches d’humour, dans les intentions de jeu ou les échanges entre personnages. Cela a donné une autre dimension à la pièce que j’ai adorée.

En tant que lectrice ou spectatrice, appréciez-vous le comique ?

Bien sûr, j’aime lorsqu’un auteur vient disséminer différentes touches comiques, acerbes dans les répliques de ses personnages ou l’absurdité des situations pour dénoncer, bousculer, déranger un système établi. Le comique a d’autant plus de force qu’il n’est pas attendu.

En tant que spectatrice, j’adore le comique sous différentes formes : dans l’absurde ou les jeux de mots et je crois que c’est dans la façon dont le comique enveloppe les personnages que ça me touche le plus. A titre d’exemple récent, j’ai adoré le film de Romain Gavras Le monde est à toi, qui mixe brillamment des éléments comiques sur fond de polar, par l’intermédiaire de ses personnages, comme celui de Vincent Cassel, dont l’interprétation est bluffante ou encore Isabelle Adjani, flamboyante dans son rôle de mère extravertie.

Celle qui a dit non est un spectacle résolument féministe. Comment ce projet est-il né ?

Le spectacle est en effet féministe, dans le sens où j’avais envie de mettre en lumière le parcours d’une femme qui ose dire non, fait fi des conventions sociales et rejette le rôle que l’on voudrait lui attribuer.

De ce point de vue, il est résolument lié à ma propre histoire et mon besoin de m’éloigner de la norme. Avec mon co-auteur, Csaba Zombori, on souhaitait que cette libération se ressente aussi bien dans l’histoire, que dans les traits de caractères des personnages, mais aussi dans la structure du spectacle. Thierry Sebban a d’ailleurs orienté sa mise en scène et sa création lumières pour accompagner l’évolution de la narratrice, ainsi que les tableaux qui reflètent les contradictions des personnages.

Y a-t-il des héroïnes féministes littéraires qui ont constitué une source d’inspiration ?

D’un point de vue classique, parmi les héroïnes littéraires qui m’ont inspirée, il y a bien sûr Elizabeth Bennet, dans Orgueil et Préjugés de Jane Austen. Elle s’appuie sur son caractère indépendant, sa forte personnalité et son audace pour oser refuser un mariage de convenance, à une époque où l’on attend d’elle qu’elle suive bien gentiment les directives imposées par le corps social de haut rang. Elle a aussi de l’humour, une certaine finesse dans sa malice et une observation très avertie du monde qui l’entoure.

Mais parmi les héroïnes féministes littéraires qui m’ont inspirée, j’ai aussi naturellement, très envie de vous répondre la fameuse Bridget Jones d’Helen Fielding ; je crois tout simplement, parce que la perfection de son imperfection me plaît beaucoup. Ce côté maladroit, presque enfantin, qui donne lieu à des scènes très drôles, offre une teinte de légèreté, mais aussi de complicité avec le lecteur. Elle apprend au gré des rencontres et situations qu’elle vit, à se donner plus de crédit et en accorder bien moins aux esprits critiques.

Le spectacle témoigne d’une réelle attention au langage et à ses évolutions, vous arrivez à croquer de nombreux personnages à travers des discours très différents. Avez-vous toujours été attentive à la façon dont les gens parlent, s’expriment ou écrivent autour de vous ? Des artistes vous ont-ils initiée à ce travail-là ?

En effet, nous avons voulu jouer sur cette dimension. Les personnages sont porteurs de contradictions inhérentes à leur génération et c’est avec beaucoup de plaisir et de malice que nous avons construit le champ lexical de chacun, comme un reflet oral de leur flamboyante personnalité, pour mieux surprendre le spectateur.

D’un point de vue personnel, j’ai toujours été séduite par les artistes qui manient la langue française à merveille, Fabrice Luchini en est l’exemple même. Je suis fascinée lorsque je l’entends parler et partir en improvisation.

Ma mère a toujours été très attentive, voire dictatoriale quant aux éventuelles fautes de français susceptibles de jaillir lors d’un dîner de famille. Je vous rassure, c’est devenu un running gag ; on l’imagine toujours en PLS si l’un de nous ose dire un « malgré que » ou « si j’aurais su » dans un élan d’affront linguistique intersidéral.

Donc il est vrai que j’ai hérité de cette propension à parler correctement. Je ne suis toujours pas passée à l’écriture des ados, ultra simplifiée des SMS et d’ailleurs, ça m’énerve de mettre 2 jours ½ à comprendre ce que m’envoie ma petite nièce…

Pour finir, après Celle qui a dit non écrirez-vous un jour Celle qui a dit oui ?

Ahah ! Très bonne question, mais vous savez, ce NON, élément déclencheur d’une page qui se tourne, est en réalité surtout un grand OUI à la liberté de vivre sa vie. Si un « Celle qui a dit oui » doit naître ; il est déjà en cours… 😉

Perrine Perez, Celle qui a dit non à la Comédie des Boulevards, les vendredis et samedis à 20h10

@Christine Ledroit-Perrin

Sept héroïnes méconnues de la littérature classique, à découvrir dans « Un prénom d’héroïne et de héros », le dictionnaire des prénoms littéraires

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous avons souhaité vous présenter quelques héroïnes de la littérature classique. Souvent oubliées, parfois issues d’œuvres elles-mêmes oubliées, ces héroïnes frappent, pourtant, par leur courage, leur modernité, et par leur tentative de s’affranchir des règles pour tracer leur propre chemin.

Émilie dans Cinna, Pierre Corneille, 1641

Héroïne passionnée et déterminée, devant laquelle les hommes s’inclinent, Émilie complote contre l’empereur Auguste qu’elle souhaite voir mort, pour avoir tué son propre père. Elle est amoureuse de Cinna.

Hortense dans Le Petit-Maître corrigé de Marivaux, 1734

Aussi belle que brillante, Hortense, en sa qualité de fille de comte, est promise au marquis Rosimond. Si ce dernier pense l’affaire conclue la jeune fille à peine rencontrée, Hortense frappe Rosimond par sa force de caractère, son refus des conventions et son exigence envers elle-même comme envers les autres. Horripilée par un fiancé qui la prend pour une oie blanche, Hortense annonce la couleur : si Rosimond ne se corrige pas, Hortense fera annuler le mariage !

Eugénie Danglars dans Le Comte de Monte-Cristo, Alexandre Dumas, 1844

Âgée de dix-sept ans, Eugénie Danglars, est un électron libre mû par l’amour de l’art, qui ne rêve que de devenir cantatrice et de se soustraire aux rêves de mariage que son père, le baron Danglars, forme pour elle. Amoureuse de son professeur de musique, la jeune et jolie Louise d’Armilly, Eugénie stupéfait son entourage par son aplomb et son esprit d’initiative. Elle est capable de tous les risques pour vivre la vie qu’elle s’est imaginée.

Aurore de Lautenbourg-Detmold dans Kœnigsmark, Pierre Benoit, 1918

Fille d’un fantasque prince mongol, Aurore de Lautenbourg-Detmold est une princesse qui ensorcèle tout son peuple se distingue par une surprenante alchimie avec la nature. Chasseuse hors-pair capable de recueillir entre ses mains et de baiser l’oiseau qu’elle vient de tuer, Aurore est aussi une excellente cavalière, un « Murat androgyne », à laquelle son cheval fougueux, nommé Tarass Boulba, est entièrement soumis.

Julie Gamelin dans Les dieux ont soif, Anatole France, 1912

Sous la Terreur, Julie Gamelin est une ancienne ouvrière des modes qui a été enlevée et emmenée à Londres par son fiancé, Fortuné de Chassagne. Lorsque les amants reviennent à Paris, Fortuné, noble, est emprisonné sous la Terreur par le Tribunal révolutionnaire. Julie, hardie, aventureuse et prête à tout pour faire libérer son amant, se déguise en commis drapier, et pénètre les milieux interlopes du Tribunal révolutionnaire.

Clara Zetkin dans Les Cloches de Bâle, Louis Aragon, 1934

Âgée d’une cinquantaine d’années, Clara Zetkin est une militante allemande qui fait son apparition lors du congrès socialiste de Bâle, en 1912 où elle prend la parole « au nom de toutes les femmes socialistes ». Apôtre de la paix et d’une solidarité à la fois féminine et intemporelle, Clara Zetkin transcende les peuples.

Pélagie LeBlanc dans Pélagie-la-Charrette, Antonine Maillet, 1979

Au XVIIIème siècle,  Pélagie LeBlanc, âgée de 20 ans, subit le traumatisme du Grand Dérangement  et est déportée en Géorgie, où elle devient esclave dans les champs de coton. Après quinze années de servitude, Pélagie, hantée par sa terre natale, emmène ses enfants à bord d’une charrette et tente le tout pour le tout pour retrouver sa terre natale. Son infernale odyssée durera dix ans.

Vous souhaitez en savoir plus sur ces héroïnes ? Découvrez Un prénom d’héroïne et de héros, le dictionnaire des prénoms littéraires de Sarah Sauquet dans lequel vous sont présentés 244 prénoms et 400 personnages.