Six raisons de relire George Sand

Le 1er juillet 1804 naissait Aurore Dupin, plus connue sous le nom de George Sand. Au-delà de la légende d’une femme de lettres fumant le cigare, portant le pantalon, prenant de nombreux amants parmi lesquels Alfred de Musset et Chopin, George Sand fut l’amie et confidente de Victor Hugo, Gustave Flaubert, Eugène Sue ou Dumas fils, pour ne citer qu’eux. Menant une existence mouvementée, cette femme de lettres sincère assimila la quête du bonheur à une régénération morale et à une meilleure redistribution des richesses.

Nous vous donnons six raisons de vous plonger dans son œuvre, à redécouvrir sur l’application Un texte Une femme et le livre Un texte Une femme, La littérature au féminin en 365 jours.

  • George Sand est féministe

Éprise de liberté, George Sand se séparera de son mari Casimir Dudevant et prônera le droit au bonheur, dans ou en dehors du mariage. George Sand en est même persuadée : comme elle l’écrit à son amie Marie-Sophie Leroyer de Chantepie, « vous me demandez si vous serez heureuse par l’amour et le mariage. Vous ne le serez ni par l’un, ni par l’autre, j’en suis bien convaincue. »[1]

Dans le roman Indiana, George Sand met en scène une héroïne souffrant d’un profond mal-être, enlisée dans une situation qui ne lui convient pas et qu’une passion amoureuse pourrait réveiller. Le roman paraît en 1832 et il connaît un succès immédiat et important. Néanmoins, George Sand essuie de nombreuses critiques puisqu’on lui reproche de s’attaquer à l’institution du mariage, comme aux maris. On lui reproche également d’instrumentaliser la littérature à des fins personnelles, puisque George Sand et son mari, Casimir Dudevant, sont alors au bord de la rupture. Le couple se séparera officiellement en 1835. Dix ans après sa parution, George Sand écrit une préface à Indiana dans laquelle elle réaffirme ses valeurs féministes, et la nécessité de ce roman.

  • George Sand vous fera redécouvrir la nature, et le Berry, comme vous ne les avez jamais lus

Déçue par la Révolution de 1848, George Sand se détourna de la politique pour se consacrer à des œuvres champêtres empreintes de naïveté dans lesquelles s’exprime une quête de vérité. Viscéralement attachée à la région du Berry, où elle vécut et décéda en 1876, « la Bonne Dame de Nohant » y situa nombre de ses intrigues, comme en témoignent La mare au diable, ou La petite Fadette. Ses héros ressemblent souvent à des paysans courageux et marginaux obstinés qui connaissent et comprennent de façon intime et physique le territoire qui est le leur. George Sand y met en avant les traditions locales, comme dans Les maîtres sonneurs, dédié à la cornemuse, alors très populaire dans le centre de la France.

Mais George Sand peut aussi faire preuve d’audace dans son évocation du Berry ! Dans Légendes rustiques, qui restitue douze croyances populaires ou contes folkloriques du Berry, George Sand n’hésite pas à y évoquer les « laveuses de nuit ou lavandières », ces spectres féminins qui seraient les âmes de mères infanticides condamnées à laver leur linge jusqu’à la fin des temps.

Enfin, on l’oublie souvent, mais George Sand a aussi écrit pour les enfants. Histoire du véritable Gribouille est un conte dans lequel Gribouille, un petit garçon droit et affectueux, mais aussi naïf, est piqué par un bourdon. Gribouille rencontre alors la reine des abeilles qui souhaite faire du garçonnet son messager. La nature y apparaît comme un univers enchanteur, porteur de danger mais vecteur de dépassement et d’accomplissement de soi.

  • George Sand appelle à la mansuétude et au droit à l’erreur

George Sand est une amie aussi fidèle qu’elle est une amante infidèle. Elle ne s’en est jamais cachée ni excusée. Dans une lettre à son ami Sainte-Beuve, critique littéraire et écrivain, George Sand relate sa rencontre avec Alfred de Musset, mais rappelle aussi son passé de grande amoureuse, comme son ancienne relation avec un certain « P.P. », Prosper Mérimée : « J’ai aimé une fois pendant six ans, une autre fois pendant trois et maintenant je ne sais pas ce dont je suis capable. Beaucoup de fantaisies ont traversé mon cerveau, mais mon cœur n’a pas été aussi usé que je m’en effrayais, »[2]. La franchise et la spontanéité désarmante avec laquelle elle se confie témoigne de plusieurs choses : George Sand est manifestement une femme aimante, simple et directe dans ses amitiés, mais surtout une femme libre, aux mille et une vies.

  • George Sand prône l’honnêteté intellectuelle

En 1857, George Sand publie le roman Daniella. Celui-ci tombe très vite dans l’oubli. Ses détracteurs sont nombreux, ils disent qu’elle n’a aucun talent, et George Sand parvient à faire la part des choses, ne renie en aucun cas son travail et n’a pas le mauvais goût de tomber dans l’auto-flagellation. George Sand reçoit d’ailleurs, à propos de Daniella,  un soutien qu’elle estime inattendu, en la personne de Victor Hugo. Dans une lettre, elle le remercie et lui confie, avec clairvoyance, qu’elle est consciente de sa propre valeur, que « son âme a de la vie et qu’elle est bien capable de progrès. »[3]

De même, lorsque son grand ami Gustave Flaubert souffre de voir son roman L’Éducation sentimentale mal reçu, George Sand n’hésite pas à expliquer au romancier qu’elle n’est en rien surprise, tout en ne cessant pas de l’encourager : « Tous les personnages de ce livre sont faibles et avortent, sauf ceux qui ont de mauvais instincts ; voilà le reproche qu’on te fait, parce qu’on n’a pas compris que tu voulais précisément peindre une société déplorable qui encourage ces mauvais instincts et ruine les nobles efforts ; quand on ne nous comprend pas, c’est toujours notre faute. »[4]

 

  • George Sand est surprenante

En 1835, au sein d’une lettre à Alfred de Musset, George Sand insère un poème de 23 vers, en apparence tout ce qu’il y a de plus banal. Il commence ainsi : « Je suis très émue de vous dire que j’ai / bien compris l’autre soir que vous aviez /toujours une envie folle de me faire /danser. Je garde le souvenir de votre »… Or, en en lisant un vers sur deux, l’on comprend que ce texte prend un tour extrêmement licencieux !

  • George Sand ne sacralise pas la littérature

Et cela fait du bien ! Si George Sand a de très nombreux amis écrivains, elle choisit, elle, de ne pas tout consacrer à la littérature, car elle refuse « d’être enterrée dans la littérature »[5], préfère les jeux et les rires, la vie tout simplement. George Sand n’a peut-être pas écrit Madame Bovary, ou Premier amour, comme son confrère Tourgueniev, mais elle a vécu, beaucoup, manifestement sans regrets, très consciente de sa place, de sa valeur, et du talent qui était le sien.

Si l’on veut connaître et comprendre George Sand, c’est avant tout à sa correspondance qu’il faut s’attaquer ! Les vingt mille lettres qui la composent brossent le portrait d’une femme incroyablement attachante, tour à tour amoureuse passionnée, mère attentive, amie sensible et citoyenne engagée. George Sand écrit des lettres pour entretenir des liens, certes, mais surtout pour défendre ses idées, et derrière une apparente spontanéité et un charmant badinage, la moindre de ses missives rappelle les valeurs qui sont les siennes.

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Source de l’iconographie : Gallica, George Sand par Delacroix, reproduit dans Le Monde illustré du 16 août 1884

[1] Lettre de George Sand à Marie-Sophie Leroyer de Chantepie, Nohant, 28 août 184

[2] George Sand, Le Roman de Venise, 1904

[3] George Sand, Lettre à Victor Hugo, Nohant, 24 mai 1857

[4] George Sand, Lettre à Gustave Flaubert, 1876

[5] George Sand, Lettre de George Sand à Gustave Flaubert, Nohant, 21 décembre 1868

 

Quels classiques pour vos enfants ? « Le Lion » de Joseph Kessel

J’ai découvert Le Lion en classe de quatrième et sa dernière phrase (« Et les bêtes dansaient. »), comme l’évolution que connaît son héroïne, m’ont très longtemps hantée. Récit de l’amour fou que voue une petite fille à un animal sauvage, Le Lion dit ces blessures de l’enfance dont on ne se remet jamais mais qui n’en demeurent pas moins inévitables pour trouver son chemin.

Que raconte Le Lion ?

Le Kenya dans les années 1950. Le narrateur, un Parisien dont nous ignorerons le nom jusqu’à la fin, a entamé un long voyage en Afrique orientale. Frustré de ne pas avoir pu approcher de plus près les animaux croisés durant son périple, il choisit d’achever son parcours par un séjour dans une réserve animalière, un parc royal du Kenya où il est assuré de croiser « les bêtes sauvages dans toutes les formes de leur vie ».

Il y est accueilli par une singulière famille, celle du propriétaire du parc, John Bullit. John est l’époux de Sybil, une femme sophistiqué, issue de la haute bourgeoisie, ayant tout quitté par amour. Malade des nerfs, fragile, Sibyl ne supporte pas sa vie dans la réserve auprès d’un mari accaparé par les animaux. Le couple a une fille de dix ans, Patricia. Sibyl rêverait d’en faire une citadine et de l’envoyer dans les meilleurs pensionnats parisiens, mais l’enfant apparaît téméraire, frondeuse, viscéralement attachée au pays dans lequel elle a grandi.

Patricia entretient des liens de confiance avec les Masaïs,; mais elle a surtout noué une relation exceptionnelle, pour ne pas dire fusionnelle, avec un lion, King, qu’elle a connu bébé. Bien qu’ayant dû lui rendre sa liberté après avoir passé plusieurs années à ses côtés, Patricia continue à côtoyer King. La bête et l’enfant, qui n’en est plus tout à fait une, se donnent chaque jour rendez-vous.

Pourquoi ce livre ?

Parce qu’il constitue une parfaite introduction à l’œuvre de Joseph Kessel, ce romancier du voyage et de l’aventure, qu’on pourrait hisser au rang de lion impossible à mettre en cage.

Parce qu’il constitue un très beau portrait d’une héroïne forte et avide d’indépendance.

Parce qu’il est écrit dans une langue simple, puissante et énergique.

Parce qu’il est une invitation au voyage.

Parce qu’il constitue un hymne à la liberté, une ode à la nature, à l’Afrique et à ses animaux sauvages.

@ Pixabay

Vous cherchez d’autres idées de lecture pour vos enfants ? Pourquoi ne pas leur faire découvrir Les quatre filles du docteur March de Louisa May Alcott, les romans d’Agatha Christie, Le Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux, les souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol, ou L’homme qui plantait des arbres de Jean Giono ?