Quels classiques pour vos enfants ? « L’homme qui plantait des arbres » de Jean Giono

Il est des livres aussi courts qu’ils sont généreux. Aussi économes de moyens et de mots qu’ils se révèlent d’une rare puissance. Riches de plaisirs si minuscules qu’on les devine intemporels.

L’homme qui plantait des arbres que Jean Giono écrivit en 1953 appartient à ces livres discrets qu’on se transmet entre initiés des années durant, tel un secret bien gardé. Écrit dans une langue simple, accessible, il peut se lire dès la classe de sixième mais exige une certaine maturité, si l’on veut en saisir toute la magie et la poésie.

 Que raconte L’homme qui plantait des arbres ?

Bien que purement fictive, la nouvelle de Jean Giono apparaît extrêmement réaliste et l’on ne veut que croire à l’existence de son héros, le berger Elzéard Bouffier.

L’homme qui plantait des arbres met en scène un narrateur totalement anonyme, un « Je » qui pourrait être Giono, qui fait une longue promenade dans les paysages arides de Haute-Provence. Les rares êtres qu’ils croisent ont l’âme revêche et taciturne de ceux qui mènent une vie extrêmement austère, essentiellement consacrée à la survie matérielle des fermes. Mais le narrateur rencontre un homme, d’un berger dont « la société […] donnait la paix ».

Parce que le village le plus proche est à plus d’un jour de marche, le narrateur passe la nuit chez ce singulier berger, dont la modeste demeure, comme la tenue, sont particulièrement soignés, et qui consacre du temps à trier des glands. Le lendemain, le narrateur observe le berger planter ses glands. Elzéard Bouffier, tel est le nom de ce berger d’une cinquantaine d’années, plante des arbres, des dizaines d’arbres qui deviendront, année après année, une véritable forêt. Car le narrateur reviendra voir Elzéard Bouffier.

Pourquoi ce livre ?

Pour son évocation minutieuse et sensuelle de la nature : sous la plume de Giono, les arbres prennent vie ! Érables, bouleaux, hêtres et frênes semblent doués d’une âme.

Pour son portrait d’un homme ayant vécu des drames mais pourtant trouvé la paix, dans le don de soi et la fidélité à ses valeurs.

Pour son message d’espoir puisque grâce à Elzéard, le paysage aride laisse place à une nature verdoyante qui fait revenir les populations dans ces terres délaissées.

Pour sa réflexion sur la solitude, sur notre capacité à supporter la solitude, que nous vivons différemment en période de confinement.

Vous l’aurez compris : L’homme qui plantait des arbres est un récit à la fois humaniste, écologique, social et politique. En nous parlant d’exode rural, de retour à la terre et à la nature, d’écologie, mais aussi, d’une certaine façon, de dépendance énergétique (Elzéard devient par la suite apiculteur…), Jean Giono nous offre un récit d’une foisonnante actualité qu’il faut lire et faire découvrir à ses enfants.

À partir de quel âge ?

Dès la sixième pour de bons lecteurs, idéal pour la classe de cinquième.

 

Vous cherchez d’autres idées de lecture pour vos enfants ? Pourquoi ne pas leur faire découvrir Les quatre filles du docteur March de Louisa May Alcott, les romans d’Agatha Christie, Le Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux, les souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pourquoi « Monsieur Prudhomme » est-il un poème universel ?

« Il est grave : il est maire et père de famille. » C’est ainsi que commence « Monsieur Prudhomme », le premier poème publié par Verlaine, en 1866, à l’âge de 19 ans, que vous pouvez retrouver sur les applications Un texte Un jour et Un Poème Un Jour, ainsi que sur le livre Un texte Un jour, Traverser la littérature en 365 jours.

Ce poème satirique, drôle, et brillant, est un des plus célèbres poèmes de Paul Verlaine, et probablement un des poèmes les plus connus de la littérature française. Pourquoi ?

Avant d’aborder le poème, rappelons que Monsieur Prudhomme est un personnage créé par le dramaturge et caricaturiste Henri Monnier en 1830 dans ses Scènes populaires. Un « prudhomme » désigne un homme expert, reconnu pour ses valeurs telles que le courage, la loyauté, mais « prudhomme » peut aussi désigner, de manière péjorative,  un homme prudent. Quoi qu’il en soit, le terme de « prudhomme » est employé chez Henri Monnier de manière péjorative, et le personnage devint si populaire qu’il inspira Verlaine, mais aussi Sacha Guitry, Honoré Daumier ou encore Franquin, puisque dans la bande dessinée Spirou et Fantasio, le personnage de Pacôme Hégésippe Adélard Ladislas, comte de Champignac est un hommage à Monsieur Prudhomme !

Un poème brillant sur Monsieur Prudhomme et Monsieur Machin

Monsieur Prudhomme est en apparence un bourgeois tranquille, installé, pour qui, quoi qu’il arrive « le printemps en fleur sur ses pantoufles brille. ». Il est maire et père de famille, mais notre pauvre homme est grave, et a trop de soucis.

Ses vêtements sont d’apparat, son faux col est démesuré, et ses chaussures, qui trahissent le confort, sont des pantoufles qui brillent pour accentuer son ridicule.

Ce grand contemplatif rêve parce qu’il ne pense pas, mais Monsieur Prudhomme est un homme de projet. « Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille / Avec monsieur Machin » : gendre idéal, Monsieur Machin est riche, politiquement correct (« juste milieu » c’est-à-dire au centre, et botaniste à ses heures perdues !

Un poème faussement simple, porteur d’un double discours cinglant

Mais ce poème est bien plus qu’une caricature d’un bourgeois ! Faussement classique dans sa forme, le poème entremêle deux voix : d’une part,  celle du poète, du locuteur, qui nous décrit Monsieur Prudhomme, et d’autre part celle de Monsieur Prudhomme lui-même, lorsqu’il évoque la poésie ou les poètes ! « Monsieur Prudhomme » nous offre une satire de la bourgeoisie à travers le regard que porte le bourgeois sur la poésie et les poètes.

Une parodie de la poésie romantique

Nous l’avons dit, notre homme est un rêveur et Monsieur Prudhomme est sensible à une certaine poésie. Malheureusement, la poésie qu’il aime ne comporte que des clichés et associations rebattues (« la charmille », « l’oiseau [qui] chante à l’ombre, les « prés verts », « printemps en fleurs ). Enfin le soleil, qui pourrait constituer un thème romantique, n’a ici pour fonction que de faire briller les chaussures de monsieur Prudhomme.

Un poème dans lequel Verlaine règle ses comptes avec la bourgeoisie

Rappelons qu’au XIXe siècle, les bourgeois perçoivent les poètes comme sont des êtres improductifs, paresseux, porteurs de révolte et assimilables à un danger.

Ainsi, Monsieur Prudhomme a en horreur les poètes, ces « faiseurs de vers », tous des « vauriens », des « maroufles », des « fainéants », « barbus, mal peignés ». Ces poètes, qui sont-ils ? Verlaine, pardi, en est le premier représentant !

 

Pour un coup d’essai c’est un coup de maître ! Ce portrait d’un personnage satisfait, adepte des idées reçues et à l’existence parfaitement chorégraphiée, est un formidable pied-de-nez à la bourgeoisie, mais surtout un des plus brillants exemples d’une poésie qui sait se mettre en scène et se moquer d’elle-même.

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© Mr. Prudhomme. Tu vois, oh! mon fils…, Honoré Daumier (1808-1879)