20 signes que vous êtes littéraire

On les dit perchés, ailleurs, sur une autre planète… Passages en revue de quelques situations que les littéraires connaissent !

Il vous arrive de faire des cauchemars dans lesquels vous finissez en prison pour avoir oublié de rendre les livres à la bibliothèque.

Quand on vous parle d’Ariel… vous pensez plus à La Tempête de Shakespeare qu’à La petite Sirène de Disney.

Vous adorez rencontrer des personnes aux prénoms surannés tels que Léopoldine, Alfred et Gustave. Vous vous réjouissez que « Solal » soit revenu à la mode et secrètement, « Adolphe » est dans votre liste de prénoms.

Vous êtes probablement la seule personne de votre entourage à savoir que la femme de Shakespeare s’appelait Anne Hathaway. Et que c’est en fait pour cela que l’autre Anne Hathaway est l’une de vos actrices préférées.

Vous avez longuement réfléchi à la citation littéraire que vous aimeriez, un jour peut-être, vous faire tatouer.

Quand vos amis rêvent d’un road trip aux Etats-Unis ou d’un safari en Afrique, vous rêvez d’un pélerinage littéraire. Direction Combray, Cabourg, Rouen, mais aussi Bordeaux ou Sète.

« Ophélie Winter » est pour vous le nom le plus littéraire du show-biz : Ophélie, c’est Hamlet et Winter, c’est Milady dans Les Trois Mousquetaires.

Lorsque vous regardez un film à la chronologie complexe, vous identifiez toujours ellipses, analepses et prolepses.

A chaque passage chez le coiffeur, vous pensez à Fantine et Joséphine March.

Vous bouillez intérieurement quand vous oubliez les excipits de vos romans préférés. Les incipit, vous les connaissez déjà par cœur.

Vous êtes ravi de reconnaître les allusions faites aux classiques dans la littérature contemporaine. Vous avez l’impression d’une connivence immédiate, d’un secret partagé entre l’auteur et vous-même.

Dans les transports en commun, vous ne pouvez vous empêcher de jeter un œil aux livres que lisent les passagers. Vous n’êtes qu’amour et empathie pour celui ou celle qui lit un de vos livres culte.

Vous employez des mots peu usités tels que « autochtone », « badinage », ou « cuistre ».

Vous tueriez père et mère pour obtenir une édition rare ou un exemplaire dédicacé de vos livres préférés.

Vous ne savez pas quoi penser de ces auteurs qui écrivent la suite ou le prequel de vos classiques préférés, tels que Géraldine Brooks avec La Solitude du docteur March ou Alexandra Ripley avec Scarlett.

Vous n’osez pas aller voir les adaptations cinématographiques de vos livres préférés de peur d’être déçu.

Lorsque vous arrivez chez des gens, vous jetez un œil à leur bibliothèque.

Lorsque votre entreprise vous parle d’une éventuelle mutation dans une autre ville,  votre première réaction est de vérifier si ladite ville possède une médiathèque digne de ce nom.

A chaque fois que vous prenez le train, vous pensez à La Modification.

Vous devez régulièrement rappeler à votre entourage que l’intertextualité n’a rien à voir avec l’intersexualité.

Vous souhaitez en savoir plus sur les grandes œuvres de la littérature amoureuse ? Découvrez La première fois que Bérénice vit Aurélien, elle le trouva franchement con, de Sarah Sauquet aux éditions Eyrolles

Vous souhaitez relire des textes de Shakespeare ou des extraits des Quatre filles du docteur March ? Téléchargez notre appli A text A day !

Vous souhaitez relire des extraits des Misérables, d’Adolphe ou des Trois Mousquetaires ? Téléchargez notre appli Un Texte Un Eros !

Illustration : Gemma Atterton et Fabrice Luchini dans Gemma Bovery (Anne Fontaine, 2014)

J’en ai cauchemardé, Flaubert l’a fait : la rentrée scolaire de Charles Bovary !

C’est la rentrée des classes ! Liste de fournitures, remplissage de fiches, découverte de nouveaux visages, nouveaux lieux et nouvelles matières… Chaque rentrée scolaire est riche en émotions et imprévus, qu’ils soient propices à la joie, ou sources d’angoisse ! S’il y a bien un héros qui a souffert d’une rentrée scolaire traumatisante, c’est Charles Bovary ! Et c’est le récit de ce souvenir, qui hantera le héros des années durant, qui constitue l’incipit de Madame Bovary. En voici un extrait :

« Nous étions à l’étude, quand le Proviseur entra, suivi d’un nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail.

Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir ; puis, se tournant vers le maître d’études :

— Monsieur Roger, lui dit-il à demi-voix, voici un élève que je vous recommande, il entre en cinquième. Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands, où l’appelle son âge. […]

Le nouveau, prenant alors une résolution extrême, ouvrit une bouche démesurée et lança à pleins poumons, comme pour appeler quelqu’un, ce mot : Charbovari. Ce fut un vacarme qui s’élança d’un bond, monta en crescendo, avec des éclats de voix aigus (on hurlait, on aboyait, on trépignait, on répétait : Charbovari ! Charbovari !), puis qui roula en notes isolées, se calmant à grand-peine, et parfois qui reprenait tout à coup sur la ligne d’un banc où saillissait encore çà et là, comme un pétard mal éteint, quelque rire étouffé. »[1]

Un nouvel élève dans une classe de cinquième

Plus que d’une rentrée scolaire, il s’agit plutôt de l’arrivée d’un nouvel élève dans une classe. Il ne connaît personne, et il est bien plus âgé que ses camarades. Notre héros a probablement redoublé plusieurs fois ou fait des pauses dans sa scolarité. Le texte fait un long portrait de ce nouvel élève, et notamment de la casquette qu’il porte mais l’on ignore son identité exacte. Nous avons également une présentation rapide d’une classe et de ses us et coutumes.

Un univers hostile

Cette classe apparaît très vite comme un univers hostile envers le nouvel élève. Le maître ne fait rien pour mettre à l’aise le nouvel élève, et ne cesse de le rudoyer. Il n’est pas présenté à la classe, à peine introduit, et est directement jeté dans la fosse aux lions. Aucun élève ne lui adresse la parole.

Si le héros semble issu d’un milieu bourgeois, les élèves, eux, appartiennent à un milieu bien plus populaire et est donc d’ores et déjà exclu du groupe. Outre cela, tous les élèves participent à un rite qui consiste à balayer le sol avec la casquette. La casquette de notre héros, bien trop luxueuse, interdit la participation à ce rite.

La casquette du nouvel élève

Le nouveau porte lui aussi une casquette. Flaubert décrit cette casquette plusieurs lignes durant, qui apparaît comme une casquette bien trop chargée, ridicule et outrancière. Elle nous montre que cet élève ne maîtrise pas les codes sociaux qui l’entourent et n’a pas « LA » casquette qui lui permettra de s’intégrer. Il finit d’ailleurs par la faire tomber.

De « Charbovari » à Charles Bovary…

Lorsque le maître demande au nouvel élève son nom, ce dernier, intimidé, ne peut articuler qu’un vague « Charbovari », qui sera repris par tous les élèves de la classe. On imagine aisément que les élèves passeront toute l’année à poursuivre le nouveau en l’appelant « Charbovari ». Il s’agit bel et bien d’une rentrée cauchemardesque pour ce pauvre Charles !

Que signifie cette rentrée scolaire dans Madame Bovary ?

Comme nous l’avons dit, ce texte fait l’ouverture du roman de Flaubert et il nous présente le futur mari d’Emma, des années avant leur rencontre puisque nous devinons que « Charbovari » est Charles Bovary. En racontant cet épisode marquant dans la vie de Charles, l’auteur place déjà le mariage d’Emma et sa propre vie sous le signe de l’amertume et de la déception. Charles étant un personnage faible et quelque peu inadapté, la vie d’Emma ne pourra être qu’un échec. L’incipit de Madame Bovary exprime en tout cas parfaitement l’idée du traumatisme d’enfance qui peut nous hanter des années durant.

Bonne rentrée scolaire à tous !

Vous n’avez pas envie de reprendre le chemin de l’école ? Rappelez-vous que Charles Bovary était sûrement bien plus à plaindre que vous. Et nous vous souhaitons une très belle rentrée scolaire, loin de l’univers flaubertien !

Vous souhaitez en savoir plus sur Madame Bovary ? Découvrez La première fois que Bérénice vit Aurélien, elle le trouva franchement con, de Sarah Sauquet aux éditions Eyrolles

Vous souhaitez relire la rentrée scolaire de Charles Bovary ? Téléchargez notre appli Un texte Un jour !

Crédit photographique : © Robert Doisneau

[1] Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1857