Quels classiques pour vos enfants ? « La Vénus d’Ille » et « Mateo Falcone » de Prosper Mérimée

Dans un article précédent, je vous disais combien la nouvelle me semblait un genre idoine pour faire découvrir des classiques aux enfants et adolescents. Après avoir évoqué La Parure, de Maupassant, j’évoquerai aujourd’hui deux nouvelles de Mérimée, la nouvelle fantastique La Vénus d’Ille, publiée en 1837, ainsi qu’une nouvelle moins connue et extrêmement réaliste mais tout aussi réussie, Mateo Falcone, publiée en 1829.

Si Mateo Falcone est plus courte, je reste persuadée que La Vénus d’Ille est plus accessible car Mateo Falcone est un récit au dénouement qui peut surprendre et peut-être même choquer. Ces deux nouvelles constituent en tout cas une parfaite introduction aux deux nouvelles de Mérimée plus longues et ambitieuses que sont Carmen et Colomba.

Que raconte La Vénus d’Ille ?

La Vénus d’Ille est une nouvelle fantastique que l’on suit à travers le récit d’un narrateur, un archéologue en villégiature dans les Pyrénées-Orientales « riches en monuments antiques et du moyen-âge ». Le narrateur est hébergé par un certain M. de Peyrehorade, un antiquaire hâbleur qui est sur le point de marier son fils.

M . de Peyrehorade a découvert une étrange Vénus romaine. La statue, d’une froide et dérangeante beauté, déstabilise quiconque la regarde et est auréolée d’une singulière et mauvais réputation. M. de Peyrehorade présente sa trouvaille au narrateur qui apparaît lui-même presque déstabilisé par la statue, sans pouvoir s’expliquer pourquoi.

Le jour du mariage arrive enfin et la fête bat son plein. Afin de jouer sans gêne au jeu de paume, Alphonse de Peyrehorade, le jeune marié, passe au doigt de la statue la bague qu’il destinait à sa fiancée.

Pourquoi ce livre ?

Pour son atmosphère fantastique parfaitement maîtrisée, habilement diluée, portée par un narrateur rationnel en qui nous avons toute confiance.

Pour sa réinterprétation d’un thème et d’une figure antique que nous pensons connaître, la Vénus, à laquelle Mérimée confère angoisse et mystère.

Pour ses évocations précises d’un Sud rural, pittoresque, par un auteur passé maître dans l’art d’évoquer le terroir. Inspecteur général des monuments historiques, Prosper Mérimée voyageait beaucoup à travers la France et a beaucoup écrit sur ses ses visites et déplacements.

Que raconte Mateo Falcone ?

Mateo Falcone est un riche berger qui vit dans le maquis corse non loin de Porto-Vecchio. Précédé d’une excellente réputation qu’il a patiemment construite au fil des années, Mateo est une incontournable figure locale dont il vaut mieux s’attirer les bonnes grâces. Marié à Giuseppa, de Corte, qu’il a conquise après s’être débarrassé d’un encombrant rival, Mateo a placé tous ses espoirs dans son seul fils et unique héritier, Fortunato, âgé de dix ans, à qui il a transmis toute sa science et qui présente d’excellentes dispositions.

Un jour, alors que Fortunato est seul, le proscrit Gianetto Sanpiero débarque chez les Falcone, alors qu’il est poursuivi par des militaires. Fortunato accepte de le cacher, mais six hommes ne tardent pas à arriver.

Pourquoi ce livre ?

Pour son évocation brûlante et réaliste d’une Corse âpre et austère à travers un héros, Mateo, hors du commun.

Pour son portrait à la fois tendre, et précis, d’un petit garçon de dix ans confronté au plus cruel des dilemmes.

Pour son dénouement implacable qui fait de cette nouvelle un diamant noir.

 

Vous souhaitez découvrir La Vénus d’Ille ? Deux extraits de la nouvelle sont à découvrir sur l’application Un texte Un jour !

Vous cherchez d’autres idées de lecture pour vos enfants ? Pourquoi ne pas leur faire découvrir les romans d’Agatha Christie, Le Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux, ou les souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol ?

© Photo personnelle

Quels classiques pour vos enfants ? « Le Mystère de la chambre jaune » de Gaston Leroux

Après vous avoir parlé des romans d’Agatha Christie, poursuivons dans la veine des romans policiers avec la proposition du Mystère de la chambre jaune qui narre les aventures du policier Joseph Rouletabille.

Que raconte le roman ?

Le roman de Gaston Leroux est la résolution d’une pure intrigue policière, dans la veine d’un album de Tintin, ou d’une aventure de Sherlock Holmes. L’histoire commence au château du Glandier, en Île-de-France, où le professeur Stangerson et sa fille Mathilde mènent à bien des recherches scientifiques. Or, une nuit, alors que Mathilde dort dans la chambre jaune, on tente de l’assassiner. Alerté par ses cris, son père se précipite devant sa chambre. Il n’y a pas d’assassin dans la pièce, qui ne comporte qu’une porte, fermée à clef, et une seule fenêtre grillagée. Personne n’a pu rentrer, personne n’a pu sortir. L’inexplicable, la tentative d’assassinat dans une pièce fermée de l’intérieur, s’est donc produit. Joseph Rouletabille, reporter de son état, détective par vocation, cherche une explication. Mais comment aborder une telle affaire ? « Par le bon bout de la raison », proclame Rouletabille. Et, de déduction en déduction, il découvre une incroyable vérité qu’il fera éclater en plein tribunal à la stupéfaction générale. Autour de lui gravitent plusieurs personnages : son ami Sainclair, avocat, narrateur du roman, M. de Marquet, un juge d’instruction obtus, Robert Darzac, le fiancé de Mathilde à la conduite équivoque, le grand Fred Larsan, un policier renommé, ainsi qu’un mystérieux « homme vert »…

Pourquoi ce titre ?

Le Mystère de la chambre jaune est avant un véritable labyrinthe intellectuel par lequel passent Rouletabille, et les différents personnages. L’ensemble pourrait  sembler tiré par les cheveux, mais tout apparaît d’une logique implacable, mais aussi inattendue.

Bien écrit, c’est une œuvre accessible tout en étant de facture classique, et enthousiaste. Gaston Leroux nous emporte aisément, fait montre de joie, de surprise et de tours de passe-passe. Mais ce roman sait également faire preuve de noirceur, et il serait injuste de n’y voir qu’un simple roman policier. Le Mystère de la chambre jaune est en effet un roman d’amour, la peinture d’un monde bourgeois, une quête des origines ainsi qu’une réflexion sur l’identité, à travers le lien qui se dessine peu à peu entre Rouletabille et la très énigmatique Mathilde. On y lit aussi de très belles pages sur le parfum et son pouvoir d’évocation, on y trouve des références à l’affaire Dreyfus, à la littérature policière, mais aussi à la chronique judiciaire et journalistique.

Le roman vaut surtout pour ses personnages hauts en couleurs et bien plus complexes qu’il n’y paraît. Personnage double, comme peut l’être Mathilde Stangerson,  le héros de ce roman est tantôt Rouletabille, enquêteur incroyablement brillant et perspicace (« Ce que personne ne peut découvrir, le jeune Joseph Rouletabille, âgé de dix-huit ans, alors petit reporter dans un grand journal, le trouva ! »), tantôt Joseph Joséphin, capable de passer d’une joie presqu’enfantine à la plus profonde des mélancolies.

Derrière la figure tranquille d’une scientifique qui assiste son père dans ses travaux, arrachée in extremis à la condition de vieille fille par son mariage avec Robert Darzac, Mathilde cache un passé tumultueux de grande amoureuse, et de grande voyageuse. Et le roman, non sans surprise, nous arrache au vieux continent pour nous embarquer vers le nouveau.

Il s’agira ensuite de découvrir Le Parfum de la Dame en noir, suite des aventures de Joseph Rouletabille…

À partir de quel âge ?

Dès la cinquième pour de bons lecteurs, idéal dès la classe de quatrième.

 

© Le Mystère de la chambre jaune, Bruno Podalydès, 2003

Vous souhaitez relire des extraits du Mystère de la chambre jaune et du Parfum de la Dame en noir ? Téléchargez l’application Un texte Un jour !

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